« Lire et rêver » : bibliophiles lyonnais du XIXème siècle
Au XIXe siècle, les bibliophiles sont particulièrement nombreux à Lyon (on compte près de 70 bibliothèques privées dignes d’être mentionnées) et certaines de leurs bibliothèques sont réputées au niveau national (Yemeniz, Coste, Cailhava...). Leurs ventes atteignent des prix record. Lyon est également à cette époque une ville où on aime lire grâce aux cabinets de lecture et aux bibliothèques privées ou associatives ouvertes au public.
Lyon pittoresque et monumental. Lyon: Devaux, 1884 (BmL, 5153)
1. Société de lecture, rue de Marseille. 2. Adélaïde et Nicolas Yemeniz, rue Sainte-Hélène. 3. Jean Louis-Antoine Coste, place Bellecour. 4. Léon Cailhava, rue Saint-Dominique (rue Emile Zola). 5. La bibliothèque Picollet, grande rue Longue. 6. Henri Morin-Pons, quai Saint-Clair (quai Lassagne).
Société de lecture, rue de Marseille
Créée en 1862, la Société de lecture de Lyon a alors pour but de rapprocher le livre de ses lecteurs. Sous l’impulsion de Francisque Fontannes (1839-1886), influencé par les idées libérales, huit étudiants lyonnais décident d’organiser sur le modèle de la Société de lecture de Genève une bibliothèque fondée à partir de leurs bibliothèques personnelles d’étudiants. Après plusieurs sites, la Société finit par s’installer 1, place St-Nizier où elle va rester près d’un siècle, jusqu’à son déplacement 39 bis rue de Marseille, en 1989. Parallèlement, la bibliothèque se développe jusqu’à compter en 1950 près d’un millier de sociétaires. Elle dispose actuellement de 70.000 ouvrages (dont une partie est devenue rare) et développe son activité culturelle autour du livre par des conférences, cercles de lecture, débats etc. dans un esprit ouvert et éclectique. La Société de Lecture a récemment ouvert son catalogue au réseau universitaire (SUDOC) et l’a ainsi rendu accessible par internet.
Entrée de la société de lecture de Lyon, rue de Marseille
Adélaïde et Nicolas Yemeniz : rue Sainte Hélène
Nicolas Yemeniz (1799-1871) est généralement considéré comme le plus important des bibliophiles lyonnais du XIXe siècle. Né à Constantinople, il s’établit à Lyon et devient un prospère fabricant d’étoffe de soie. Sa fortune lui permet de s’installer en l’hôtel de Cuzieu, 30 rue Sainte Hélène, où sa femme, Adélaïde tient un salon réputé. Il consacre ses loisirs à acquérir des ouvrages de grand prix. En 1860, il est cruellement ébranlé par le décès de sa femme au point de ne plus ouvrir un livre. Il décide de se séparer de ses livres dans une vente restée mémorable qui commence le 9 mai 1867 et prend fin le 31 Mai. La vente est constituée de près de 4.000 lots et rapporte 725 000 Francs or (près d’1.500.000 euros). Sa bibliothèque constituée en grande partie d’ouvrages du XVe au XVIIe siècle (histoire ancienne, classiques latins, romans de chevalerie, livres à figures etc. ) se distingue par la qualité exceptionnelle des exemplaires et la perfection des reliures, dont de très beaux spécimens de la Renaissance italienne.
Ex-libris imprimé et ex-dono manuscrit de Nicolas Yemeniz à la Bibliothèque du Palais des arts de Lyon (BmL, 474811).
Jean Louis-Antoine Coste : place Bellecour
Cultivé et fortuné, Jean Louis-Antoine Coste (1784-1851) démissionne de sa charge de magistrat en 1835 pour se consacrer à l’enrichissement de sa collection bibliophilique. Outre une superbe bibliothèque d’éditions rares, il s’attache à rassembler tout ce qui concerne sa ville. On y trouve des éditions du XVIe siècle et des ouvrages de bibliophilie, mais aussi une masse de documents de toute espèce : correspondances, procès-verbaux, ordonnances de police, affiches, journaux... Sa bibliothèque devient célèbre et il l’ouvre largement aux curieux et aux érudits. Le catalogue qu'il fait établir par son bibliothécaire, Aimé Vingtrinier, et qui est édité après sa mort en 1853, recense plus de 18 000 pièces. A côté d'environ 10 000 imprimés, brochures ou volumes concernant l'histoire politique, littéraire et administrative de Lyon et du lyonnais on y trouve plus d'un millier de manuscrits ainsi qu'une importante série iconographique contenant portraits, cartes, plans ou vues de Lyon et des environs. A sa mort la ville de Lyon acquiert une très grande partie de la collection à ses héritiers pour 40 000 francs or payables en dix annuités. Elle forme actuellement le Fonds Coste de la Bibliothèque municipale.
Léon Cailhava : rue Saint-Dominique (rue Emile Zola)
D’une famille de l’Hérault, Léon Cailhava (1795-1863) a la chance d’hériter d’un oncle, une opulente fortune qui lui permet de se livrer à sa passion : la bibliophilie. Quoique possesseur d’un bel immeuble rue St-Dominique (rue Emile Zola), Cailhava habite un appartement modeste 1 quai des Cordeliers, (quai Jules Courmont). C’est là que sa riche collection attire les amateurs et qu’il reçoit sans apparat bibliophiles, mais aussi peintres, poètes et artistes de passage au milieu des livres et des tableaux de 1832 à 1863. Il est non seulement collectionneur avisé et érudit, mais avec son ami Louis Perrin, il édite à petit tirage des textes rares relatifs à Lyon (Tristibus Franciae, Louise Labbé, Entrée de Bacchus à Lyon). Sa prodigalité l’oblige à se séparer de sa bibliothèque en 1845. Bien que le catalogue indique que depuis la vente mémorable de Charles Nodier, il ne s’en est pas faite qui puisse lutter avec avantage avec cette bibliothèque., certains livres se vendent fort chers mais d’autre mal et la vente, à laquelle il assiste, ne rapporte que 45 000 francs or. Pourtant sa passion recommence aussitôt et une seconde bibliothèque est formée, digne de la réputation de celui qui la crée. Il la vend un an avant sa mort.
Lettre manuscrite de Léon Cailhava reliée dans l'exemplaire du catalogue de vente de sa bibliothèque (BmL, Rés 389028)
Catalogues de la précieuse bibliothèque de M. L. C. de Lyon. Paris : J. Techener, 1845 (BmL, Rés 389028)
La bibliothèque Picollet : Grande rue Longue
À mi-chemin entre les bibliothèques associatives et les bibliothèques personnelles, celle de J. Picollet fils, fabricant de dorures pour ornements d'église et équipements militaires, est aussi ouverte par son propriétaire à ses amis suivant un règlement strict, vers 1860. Si l’inscription est gratuite, l’emprunt lui, est payant. Plusieurs catalogues de la bibliothèque sont d’ailleurs imprimés entre 1877 et 1904, car cette collection est composée d’au moins 6000 volumes. Une initiative ancrée dans la tradition intellectuelle et culturelle lyonnaise...
Règlement de la bibliothèque de J. Picollet fils (BmL, 950361), imprimé, comportant horaires, droit de prêt et prix, daté du 1 mars 1869 et apposé au contreplat supérieur de chaque volume.
Henri Morin-Pons (1831-1905), quai Saint-Clair (quai Lassagne)
Héritier de la maison de banque de son grand père, mais aussi érudit, poète et musicien, Henry Morin-Pons va demeurer par obligation dans le monde des affaires. Tout en administrant des sociétés importantes comme la Banque de France et le Crédit lyonnais, à chaque occasion, il se voue corps et âme à ses passions profondes : les lettres, les recherches historiques, la numismatique et la musique. Il fréquente donc assidûment le salon Yéméniz et reconstruit deux très vieilles maisons de l’Ile-Barbe. Il lèguera à la Bibliothèque de Lyon sa riche collection de livres et manuscrits anciens, sources d’information uniques sur les familles lyonnaises et dauphinoises. Au dire de ses amis, les armes parlantes de son ex-libris (une tête de maure (Morin) au-dessus d’un pont (Pons) encadré d’un lion (Lyon) et d’un dauphin (Dauphiné) et surtout sa devise Pons tutus amicus, l’incarnent parfaitement.
Ex-libris imprimé d’Henri Morin Pons (BmL, 373762 T.21)
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