[Serres du laboratoire de Rhône-Poulenc Agrochimie à Vaise]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0759 FIGRPT0011 08
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 20 x 15 cm (épr.)
description De dos dans l'allée centrale : Georges Freyssinet, responsable du laboratoire de Rhône-Poulenc Agrochimie dans les serres de cultures.
historique Aujourd'hui [en 1987], les biotechnologies végétales se bornent à l'application de méthodes trentenaires de vitroculture. Notamment, la multiplication végétative in vitro, qui permet, à partir d'un fragment de plante, d'obtenir une microplante donnant, à son tour, naissance à une multitude de copies conformes (clones). Mais les caractères génétiques de la plante restent inchangés. Avec ces procédés, il faut compter dix ans pour mettre au point une variété nouvelle. Demain, il sera possible de régénérer la totalité d'une plante à partir d'une simple cellule. Mieux, le message génétique contenu dans les cellules végétatives pourra être modifié à volonté, pour doter la plante des caractéristiques désirées. Il faut, pour y parvenir, explorer le monde de l'infiniment petit : celui des cellules et des molécules. Dans la région, le CNRS, Rhône-Poulenc Agrochimie et la société Tézier sont à la pointe de l'effort de recherche. "Les biotechnologies végétales n'existent pas encore. Elles n'existeront pas avant longtemps". L'auteur de ces propos, Christian Dumas, dirige, à l'université de Lyon 1, le laboratoire de reconnaissance cellulaire et d'amélioration des plantes. Réaliste, il sait que ses travaux n'aboutiront qu'à très long terme. Associé au CNRS, soutenu par l'INRA, le laboratoire emploie un effectif d'environ vingt chercheurs et stagiaires, complété par des étudiants de troisième cycle. Le but des recherches menées est de parvenir à connaître les principes de reproduction sexuée chez les végétaux, pour réussir à contrôler, à l'échelle de la cellule et de la molécule, la formation de semences sexuées. Une telle maîtrise assurerait la stabilité des espèces et augmenterait leur variabilité génétique. La première étape de la recherche consiste à découvrir par quels mécanismes les organes mâles et femelles se reconnaissent. Dans la nature, le grain de pollen (le spermatozoïde) ne peut pas choisir de partenaire femelle, puisque les organes sont fixés sur racines. Il est transporté par des moyens totalement aléatoires : vent, insectes, etc. D'autre part, les plantes comportent, la plupart du temps, des cellules mâles et femelles. Si le pollen d'une même plante fécondait la cellule femelle, il y aurait dégénérescence et disparition des espèces. On constate, au contraire, une prolifération des plantes dans la nature. C'est donc que l'organe femelle est capable de reconnaître ce qui est sien, de le rejeter, et d'accepter le spermatozoïde étranger pour permettre un brassage génétique. De plus, à l'intérieur d'une espèce, il existe un système de reconnaissance qui permet d'éliminer le pollen d'autres espèces. L'équipe du CNRS, comme d'autres dans le monde, cherche les molécules qui constituent le "signal" porté par le pollen, et les molécules "récepteur" de l'organe femelles qui "lisent" le message. Une fois ces molécules identifiées, une fois le système connu, il sera possible de modifier le mécanisme de reconnaissance. La rencontre de gamètes mâles et femelles est en voie de réalisation, in vitro. En un troisième temps, on pourra modifier le patrimoine génétique des cellules. Une expérience est actuellement en cours, avec une équipe américaine. Elle consiste, en partant de molécules de reconnaissance, à tenter de remonter jusqu'au gêne, de le cloner et de l'analyser. Les collaborateurs du professeur Dumas travaillent sur douze espèces de plantes, d'un intérêt agronomique majeur. Il s'agit, entre autres, du maïs, du blé, du chou, du colza, du peuplier. La mission du laboratoire n'est pas d'appliquer ses recherches à la production. Il laisse cette tâche à de puissants partenaires privés qui assurent la moitié de son financement, au moyen de contrats ponctuels. C'est le cas des producteurs de semences, comme Limagrain, directement concernés par les travaux du CNRS. Ainsi, les chercheurs de Lyon I ont mis au point une banque de pollen de maïs, véritable banque de sperme végétal. Ce système de conservation présente un double avantage. Il constitue un réservoir de variabilité génétique, dans un récipient contenant de l'azote liquide, ce qui évite l'entretien de variétés en plein champ. Il permet aussi de corriger les différences existant dans les phases de maturation des partenaires mâles et femelles : la durée de vie du pollen de maïs est de l'ordre d'une heure. Les principaux semenciers, comme la société Tézier, filiale de Limagrain établie à Valence, investissent dans la recherche de pointe. L'enjeu économique est en effet considérable. La France est le deuxième exportateur mondial de semences. En aval de cette activité se trouve tout l'agroalimentaire, premier poste du PIB. A l'exportation, le maïs rapportait, en 1984, autant que l'aviation civile. Et ce n'est que la deuxième céréale française, après le blé ! Dans le royaume végétal, la semence, c'est le pouvoir. Maîtriser les biotechnologies, c'est, pour des groupes comme Limagrain, prendre une garantie sur l'avenir. La prospérité de ces entreprises repose, en grande partie, sur leur aptitude à sélectionner le plus de variétés nouvelles possibles, en un minimum de temps (avec les méthodes classiques, il faut huit à dix ans). Plus la gamme est large, mieux elle permet de répondre à toutes les exigences de la clientèle. Ainsi, Tézier met en vente trois variétés de poireaux qui permettent d'étaler les récoltes sur un an. L'envers de la médaille, c'est l'augmentation prévisible du prix de graines qui intègrent de plus en plus de valeur ajoutée. Les agriculteurs se plaignent déjà de payer un franc pièce la graine de certaines variétés de concombre. Depuis 1980, le nombre de sélectionneurs-chercheurs employés chez Tézier a été multiplié par trois. Un laboratoire spécialisé dans les biotechnologies fonctionne depuis 1982. On y travaille notamment sur la tomate, en cherchant à développer la résistance des plants à la salinité du sol et aux herbicides. C'est ce dernier aspect qui est à l'origine de la création, chez Rhône-Poulenc Agrochimie, d'un "laboratoire de biologie moléculaire et cellulaire végétale". Il peut sembler paradoxal qu'un leader de la production de pesticides, herbicides et fongicides entreprenne de développer chez les végétaux des résistances aux produits de traitement. La direction de Rhône-Poulenc affirme avoir fait ce choix, au début des années quatre-vingt, pour des "raisons philosophiques". Elle a jugé préférable d' "exploiter des synergies, et non de gérer des concurrences". Rhône-Poulenc Agrochimie consacre six pour cent de son chiffre d'affaires à la recherche. Dix pour cent de cette "enveloppe" sont attribués à la recherche biotechnologique. Le laboratoire a été installé, à Vaise, au début de 1985. "En deux ans, les résultats enregistrés sont encourageants" estime son responsable, Georges Freyssinet. "Nous savons régénérer et transformer du tabac. Nous arrivons aussi à régénérer des tournesols et du maïs à partir de tissus, prélevés sur un spécimen, que peu de gens savent faire en France". Les objectifs du laboratoire étant liés à l'activité agrochimie, seules des plantes de grande culture sont utilisées. Le travail effectué sur ces plantes facilite la mise au point de pesticides et herbicides. Le génie génétique permet d'éviter de multiplier les tests destinés à savoir si le produit est, ou non, actif. Fort de son savoir-faire, le service de Georges Freyssinet est partie prenante d'un programme ambitieux, lancé la semaine dernière. Associant Limagrain et Nestlé à Rhône-Poulenc, il vise à créer des semences artificielles de tomate à partir de cultures de cellules. De là à penser que le géant de l'agrochimie va s'attaquer à la production de semences... L'enjeu des biotechnologies dépasse largement le cadre de la région. Cent cinquante chercheurs doivent être regroupés, cette année, en un centre de génétique moléculaire et cellulaire, à la Doua. Une chance de plus pour les industries de pointe rhônalpines. Source : "Chercheurs de pointe" / Philippe Bordes in Lyon Figaro, 3 février 1987, p.8-9.
note à l'exemplaire Inscription(s) au verso : "R.P. Agro/Vaise".

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