[Espace lyonnais d'art contemporain (Elac). Exposition...

[Espace lyonnais d'art contemporain (Elac). Exposition "Top 50"]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0741 FIGRPT0228B 11
technique1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 24 x 18 cm (épr.)
descriptionAdresse de prise de vue : Espace lyonnais d'art contemporain, exposition "Top 50" (15 février-30 mars 1991), Centre d'échanges de Perrache, Lyon 2e.
historique[En 1987], c'étaient "Les Nouveaux Francs". Avec "Top 50", Thierry Raspail et Odile Plassard réitèrent l'expérience de jeunes artistes. A la différence que l'exposition présente ne réunit pas seulement des créateurs de la région, mais pioche aux quatre coins de France avec crochet en Belgique. D'une qualité d'oeuvres supérieure à la précédente, "Top 50" n'a d'autre prétention que d'attirer l'attention sur neuf personnalités que rien, hormis le choix des organisateurs, ne prédestinait à coexposer. Pas de fil rouge, en effet, qui court d'une pièce à l'autre, si ce n'est celui de la contemporanéité, de l'air du temps. Mais des sensibilités multiples, des rencontres, parfois, et surtout des individus qui affirment leur univers et ses références propres, et qui défendent dans l'ensemble plutôt bien leur position. La plus fragile est peut-être celle d'Anne Legay. Quinze encres sur papier agrafé à même le mur. Une exploration de l'espace-temps répétitive et obstinée portée par l'angoisse existentielle qui traque dans l'étroite limite de la feuille la trace de l'instant. Pas de reprise ou de repentir dans ce travail de l'ici et du maintenant, qui, du noir au blanc, épouse toutes les nuances intermédiaires des gris. Spontanée dans sa réalisation, légère dans sa matérialité, l'oeuvre s'identifie au geste où elle s'origine en en pérennisant l'éphémère. Des quinze papiers, tous (peut-être y en a-t-il quelques-uns de trop) ne tiennent pas aux murs, mais passent, dans certains, la quête fébrile d'Anne Legay. Soucieux de ses effets, l'accrochage oppose aux sobres lavis d'encre de Chine de la Lyonnaise les fixés sous-verre rutilants et délurés de Daniel Schlier. A la retenue de l'une, répond l'exubérance de l'autre dont une drolatique galerie de portraits fait alterner diverses figures, toutes hâtivement dessinées et violemment peinturlurées. Où veut en venir cette imagerie qui tient des arts brut, naïf et expressionniste, et dans certains grands formats, évoque des montages d'affiches ?... A défaut de connaître l'antériorité du travail de Schlier, restons en à ce moment d'humour-humeur d'un artiste qui, paraît-il, serait du genre a changer souvent de supports et a modifier itou sa manière. Fidèle en revanche à la luxuriance et au baroque, Marie Ducaté. Cette femme a une âme de chineuse, et sa peinture, la vocation du bonheur. Elle arpente le monde qui l'entoure comme elle le ferait d'une merveilleuse brocante, et se sert quand quelque chose la tente. Une figure de saint du XIIe, le Christ de Gauguin, la volupté de Matisse, l'esprit des pastorales du XVIIIe, les grosses fleurs des tapisseries fin de siècle ou les cabochons de verroterie et les bouts de ferrailles dorés dont elle rehausse ses cadres faits main. Le tout réinterprété par son pinceau, ou sa trousse à outil. Car les éléments qui l'ont séduit, Marie Ducaté les fait réellement siens. Elle vous redessine, par exemple, en toute ingénuité, une frise qui synchrétise style pompéien et indien. Ou peint les fruits appétissants d'une tapisserie ancienne sur un papier qu'elle découpe et colle ensuite sur le tableau, au côté de quelque autre qui reprend, lui, un motif en bandes. Le résultat : d'ébouriffants tableaux composites à l'architecture rigoureusement étudiée et toujours harmonieuse. Des cadres surchargés de symboles et de motifs décoratifs, qui miraculeusement évitent le kitsch. Généreuse, profuse, Marie Ducaté crée sous le signe de l'amour, du plaisir et de la fécondité en constante référence avec une mythologie personnelle du Paradis. Sûr que dans son pays, les licornes existent, et pas seulement les petits lapins. Artisane dans son art au sens figuré, elle fabrique aussi des objets dans la lignée de son univers pictural. Pâtes de verre, céramiques, petit mobilier, tapis, une salle leur est consacrée à l'Elac. Un régal de sensualité. Sensualité et jeu avec le kitsch d'un tout autre ordre chez Richard Fauguet, artiste sur draps, lasagnes et bonbons sucrés. Fantaisie des supports (mais Boltanski, pour ne citer que lui, a déjà fait oeuvre écrite avec des sucres...), hardiesse des moyens (le chalumeau pour dessiner sur les draps), et humour du propos. Sur un thème rebattu, il travaille dans la dentelle, et ses petites bonnes femmes en body, porte-jarretelles et soutiens-gorge réinventent les french pictures avec une nonchalante grâce. On s'étonne en revanche quand Patrick Corillon s'avoue lui aussi à la recherche du décoratif, et du plaisir. Son installation de walkmans sagement rangés les uns à côté des autres en cinq stations a le côté, clean et clinique, et ennuyeux, de toutes les installations conceptuelles. En fait, Corillon manipule le spectateur en l'entraînant dans des fictions ludiques. Ou qui se veulent telles. Un rien de loufoquerie passe à travers le sieur Oscar Serti, écrivain et protagoniste imaginaire des anecdotes de Corillon, un Belge qui raconte des histoires. Puisant dans l'histoire de l'art, Stéphane Lallemand bricole sur des télécrans. A l'heure des images de synthèse, il fait dans le désuet. Différemment de Marie Ducaté, il s'approprie la création de ses prédécesseurs, reproduisant, ou plutôt redessinant avec une grande habilité des tableaux célèbres et moins célèbres. Coquins de préférence. Gommant la couleur, éliminant la matière, Stéphane Lallemand désensualise l'image, lui ôte sa chair en la réduisant à son squelette intellectuel. Le résultat ramène en effet la peinture au dessin, à l'image de la gravure de reproduction qui des siècles durant fut le moyen de diffusion des maîtres, et réanime une querelle qui agita l'Académie dès sa création : celle de la primauté du dessin sur la couleur. Installations-sculptures, les compositions d'usage ou d'origine simple fabriquées par Jean-Marc Andrieu à partir d'objets issus d'un quotidien prosaïque (gants de chantier, pneumatiques, roues à rayons...) construisent, elles, un monde plastique d'une grande rigueur et pureté formelles. Une série de gants sous verre disposés en quinconces, installés en pyramide inversée. Trois pièces circulaires de verre et de fer viennent flanquer les faces de ce premier triangle. Fondé sur la répétition et la symétrie, le dispositif est impeccable. A peine sa sérénité est-elle troublée par le message codé qu'envoient, semble-t-il, de leur boîte, les gants retenus prisonniers. La poétique de ces pièces qui empruntent à la technologie s'impose à l'Elac avec une présence objective et tranquille, claire et précise, à l'opposé de l'installation imaginée par David Boeno, un artiste qui compose avec la lumière. Dans son antre de magicien, celui-ci construit le mot IMAGE avec des rayons lumineux et des bouts de ficelle. Lentement, le mot émerge, se constitue et se précise au regard du visiteur. Se forme et se déforme selon ses déplacement dans l'obscurité. Reste à signaler de cette exposition qu'il faut aller voir le projet le plus fou, et le plus frustrant. Celui de Niek van de Steeg : le "Manège des Douze". Il n'y a guère à voir qu'un bout de plancher et un catalogue d'exposition (pseudo-exposition). Des simulacres pour un projet utopique. Le pire est qu'il réussit son coup. Alors que la première réaction serait plutôt au "c'est un peu court, jeune homme", à feuilleter le catalogue qui ne présente jamais qu'une maquette, on se prend à regretter que ce Pavillon n'existe pas encore. Piégé. Source : "Sensibilités multiples" / Nelly Gabriel in Lyon Figaro, 26 février 1991, p.32.
note bibliographiqueTop 50 : Jean-Marc Andrieu, David Boeno, Patrick Corillon, Marie Ducaté... [BM Lyon, B 065983].

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