[Vol de cormorans au-dessus de l'Ardèche]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0740 FIGRPT0166 02
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 18 x 24 cm (épr.)
historique Les pêcheurs ardéchois partent en guerre. Contre le cormoran. Cet oiseau vient de s'installer sur les rives de l'Ardèche. En grand nombre. Et risque de perturber la vie piscicole locale. La réalisation d'une étude scientifique permettrait peut-être de résoudre la crise.
historique Le petit monde de la pêche ardéchoise est en émoi. A cause d'un oiseau. Ou plutôt d'oiseaux. Des cormorans pour être précis. Depuis le mois d'octobre, une colonie s'est installée sur les berges de l'Ardèche, entre Vallon-Pont-d'Arc et Aubenas et ne semble plus vraiment vouloir en partir. "Au début, ils n'étaient qu'une petite dizaine, se souvient un vieux pêcheur, aujourd'hui secrétaire de la Société de pêche de Ruoms. Mais, désormais, ils dépassent largement le millier d'unités et deviennent un véritable danger pour l'équilibre écologique et la vie piscicole". Comment ? "Ces oiseaux déversent des kilos et des kilos de fientes acides sur les arbres et les font crever", explique Serge Perbost, président des pêcheurs de Ruoms et principal artisan de la fronde contre les cormorans. Il est vrai que la vue d'arbres sans feuillage aux branches complètement blanches a de quoi faire frémir. Mais cela ne concerne, au plus, que quelques centaines de mètres de rives et ne devrait donc pas avoir, pour l'instant, de conséquences trop graves pour l'environnement de la rivière. Même si les pêcheurs prévoient d'ores et déjà un effondrement des rives dans l'eau, faute de racines pour solidifier le sol. En revanche, le problème piscicole semble beaucoup plus sérieux. Car le cormoran se nourrit presque exclusivement de poissons. En quelle quantité ? A cette question, les réponses diffèrent selon le "camp". Pour les ornithologues, un tel oiseau consomme quotidiennement l'équivalent de 16% de son poids. Soit environ trois a quatre cents grammes pour un poids moyen de deux kilos. De leur côté, les pêcheurs avancent un chiffre de six cents grammes par jour et se livrent alors à une arithmétique très simple (nombre d'oiseaux par nombre de jours) pour démontrer par a + b que la vie piscicole de leur rivière est menacée. Au Centre ornithologique Rhône-Alpes (CORA), les ornithologues avertis tentent de calmer le jeu. Certes, une augmentation massive du nombre d'oiseaux pourrait poser problème très rapidement. Comme avec les hérons dans la Dombes. "Mais il ne faut pas exagérer, précise Alain Ladet. Pour l'instant, ces cormorans n'exploitent pas plus de dix kilomètres de rivière. Le trouble des pêcheurs est essentiellement psychologique. Quand ils voient s'envoler, à leur arrivée sur un site, une nuée d'oiseaux avec des poissons dans leur bec, ils prennent peur. Mais il ne faut pas croire que le cormoran se consacre entièrement à l'alimentation. Une grande partie de son activité est accaparée par le repos, le toilettage, les déplacements et l'observation du danger". Autre argument, le cormoran mange tous les poissons sans choisir. Et assure par la même occasion une sélection naturelle. "Pas d'accord, rétorquent les pêcheurs. Il blesse et tue beaucoup de poissons, sans forcément les avaler". En conséquence, pas question pour eux de procéder, ce mois-ci, au traditionnel alevinage annuel. "Nous n'allons quand même pas donner à manger à ces oiseaux". Tous les ans, les trois sociétés de pêche de Vallon-Pont-d'Arc, Ruoms et Aubenas dépensent 210.000 francs pour introduire quatre tonnes de truites et quatre tonnes de poissons blancs dans l'Ardèche. Pour satisfaire les quelque huit mille pêcheurs, locaux ou estivants, qui viennent "taquiner le goujon" dans la région chaque année... Seront-ils autant cette année à acheter leur permis de pêche si l'alevinage n'est pas fait ? Certainement pas. "C'est pourquoi nous lançon un véritable cri d'alarme", avoue Serge Perbost. Pour lui, l'administration doit donner l'autorisation "d'effrayer" les cormorans indésirables pour qu'ils retournent dans leurs dortoirs de la vallée du Rhône, au large de la Voulte-Le Pouzin ou dans le défilé de Donzères, Mais les écologistes ne sont pas d'accord, car il s'agit d'une espèce protégée. "Aucune étude scientifique sérieuse n'a encore mis en évidence les dégâts occasionnés par une colonie de cormorans", souligne Alain Ladet. Il serait donc peut-être temps d'en réaliser une. Tout le monde en est conscient. Mais il faudrait l'engager rapidement. Sinon, la situation pourrait fort bien se dégrader. Les pêcheurs représentent en effet près du tiers des estivants qui viennent passer leurs vacances au bord de l'Ardèche. Et il serait dommage que la vie piscicole de la rivière en fasse les frais. Surtout quand on se souvient qu'il a fallu trois ans pour qu'elle se remette de la pollution accidentelle d'une distillerie de Vallon-Pont-d'Arc qui avait détruit quarante-trois tonnes de poisson en 1983. Source : "Vol de cormorans au-dessus de l'Ardèche" / Didier Falcand in Lyon Figaro, 4 février 1991, p.44.
note à l'exemplaire Négatif(s) sous la cote : FIGRP03369.
note bibliographique Le grand cormoran : un péril en Dombes / Guy Ginon, étude réalisée par le Syndicat des exploitants d'étangs de la Dombes, 1995 [BM Lyon, DLA 14154].

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