[Villa La Pérollière à Saint-Pierre-la-Pallud]

[Villa La Pérollière à Saint-Pierre-la-Pallud]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0740 FIGRPT0087 05
technique1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 20 x 15 cm (épr.)
historiqueS'il est une période active de notre histoire, c'est bien la Belle Epoque qui s'étend sur une quarantaine d'années à la charnière du XIXe et du XXe siècle. Des hommes entreprenants qui ont foi dans le progrès assurent alors à l'industrie et au commerce un développement sans précédent accompagné d'un enrichissement général et d'une grande amélioration des conditions de vie. En cette époque optimiste, tous les secteurs de l'économie sont en expansion, à commencer par le bâtiment, les villes explosent et les campagnes, rendues plus accessibles par de nouveaux moyens de transport, commencent à se transformer profondément. Le capitalisme triomphant a peut-être ses revers, mais il a aussi ses charmes, et la bourgeoisie d'affaires, qui ose encore montrer ce qu'elle gagne, construit avec faste en ville comme aux champs en même temps qu'elle bâtit ses usines, affrète ses bateaux, gère ses portefeuilles et se dévoue pour les hôpitaux ou les missions. C'est ainsi que les environs de Lyon se couvrent d'une riche floraison de résidences campagnardes qui, à Ecully, Saint-Cyr, sur les bords du Rhône ou de la Saône, viennent compléter le patrimoine des manoirs et villas édifiés depuis le XVIe siècle. Mieux que les résidences urbaines souvent discrètes, ces demeures de plaisance révèlent la personnalité profonde de leurs propriétaires, sans doute moins soumis là au qu'en dira-t-on ou au protocole imposés par la vie publique. L'ampleur, la richesse et la fantaisie de certaines constructions peuvent d'ailleurs faire douter de la réputation d'austérité de notre ville ! Du simple pavillon de banlieue au château le plus luxueux, le répertoire architectural de cette époque, soumis à l'éclectisme le plus débridé, est représenté au complet : pastiche de castel gothique, manoir Renaissance genre "Azay-le-Rideau", villa romaine, chalet suisse, maison des champs Louis XIII ou Louis XVI "Trianon". Tous les architectes lyonnais du temps se sont essayés avec plus ou moins de bonheur à ces exercices de style et parmi eux se distingue Gaspard André qui incarne ce qu'il pouvait y avoir de meilleur dans les valeurs morales, artistiques et économiques de la société d'alors. Son père, venu du canton de Vaud installe un très modeste atelier de menuiserie rue Juiverie, se lance rapidement dans la construction pour devenir, par un travail acharné, l'un des meilleurs entrepreneurs de la région sous l'enseigne des "Frères André". Il construit notamment tout l'îlot circonscrit par le quai du Rhône, les rues Sala, de la Charité et Sainte-Hélène. Gaspard, dont le tempérament d'artiste est vite décelé, entre après des études classiques à l'école Saint-Pierre où il est l'élève de Chenavard, auteur entre autres de l'Opéra. Très brillant, il accumule médailles et récompenses en même temps qu'il travaille chez Bresson, l'un des architectes les plus actifs de la ville. Enhardi par ces succès, il "monte" aux Beaux-Arts de Paris dans l'atelier Questel dont il sort Grand Prix de Rome à vingt-cinq ans. Au retour du rituel voyage en Italie, il s'installe à Lyon, d'abord chez Bresson, puis à son compte après la guerre de 1870 et son mariage. Unanimement estimé de ses pairs qui lui demandent souvent conseil, excellent praticien, c'est aussi un homme d'esprit, curieux de tout, dessinateur exceptionnel et travailleur infatigable malgré une santé fragile, qui passe ses rares moments de détente voyager en famille, armé d'appareils photographiques. Les nombreux concours auxquels il participe (dans des conditions déjà souvent aussi contestables qu'aujourd'hui...) lui permettent non sans difficultés d'orner notre ville de quelques uns de ses plus beaux monuments : le théâtre des Célestins, la fontaine des Jacobins, le temple du quai Augagneur ou l'église Saint-Joseph des Brotteaux encore inachevée. Pendant que s'édifient ces bâtiments publics, il travaille pour les grandes familles de la bourgeoisie montante de la région dont il construit à la fois les usines, les demeures urbaines, les monuments funéraires et les maisons de campagne ou de villégiature. Ces dernières sont une facette intéressante de son art car c'est là que se révèlent le mieux sa passion pour l'Italie, son amour de la clarté, son sens de la composition, de l'adaptation au site et des réalités pratiques. Malheureusement presque toutes vendues, transformées, dénaturées sinon démolies, leurs parcs morcelés, ces demeures victimes des mutations de la société sont le reflet nostalgique d'un mode de vie disparu. Elles évoquent tout un monde de petites filles modèles, de jardiniers, de domestiques et de cochers pour lesquels étaient bâtis autour de la maison de maître les indispensables serres, écuries, conciergeries, pavillons d'agréments et fabriques laissés à l'imagination des architectes. A Ecully, Gaspard André est l'auteur des villas de M. de Gravillon et de M. Letourneur. Pour la famille Gillet il édifie deux maisons jumelles à Cannes en balcon sur la mer et assure avec maestria la liaison du château de Bully avec le village beaujolais qui l'entoure en créant une charmante place rustique. Mais son chef-d'oeuvre est sûrement le château de la Perollière à Saint-Pierre-la-Palud, établi à flanc de côteau au-dessus de Sain-Bel pour M. Mangini. Devenu aujourd'hui un centre de formation pour les ingénieurs et techniciens de l'EDF. André a très bien compris ce que pouvait avoir de toscan ou d'ombrien le paysage agreste des Monts du lyonnais dans lequel son projet s'intègre de façon idéale et son client dut retrouver là une parfaite image de son Italie natale. Cette splendide villa est tout à fait digne de ses modèles de la Renaissance, comme le remarque Edouard Bissuel, confrère et néanmoins ami très cher de Gaspard André dans l'oraison funèbre émue et affectueuse qu'il lut le 4 juin 1896 aux membres de la Société académique d'architecture de Lyon : "C'est une construction neuve importante, conçue dans le genre florentin et formant en plan, deux ailes à angle droit. On peut la citer comme un modèle du genre. Des terrasses hautes et profondes, des perrons, des portiques, des treilles, des loggias en creux ou en saillie donnent à cette habitation un aspect vigoureux très brillant et très harmonieux. Le pavillon d'entrée est charmant, avec ses cariatides au bas et sa petite colonnade du haut". Vigueur, harmonie, pureté, charme : voici énoncées des qualités qui peuvent se résumer en une seule, le goût, vertu majeure qui explique sans doute que l'oeuvre de Gaspard André a si bien vieilli. Au cours de nos promenades estivales admirons sans réserves ces "maisons de famille" qui sont une part non négligeable du patrimoine qui nous ont légué notre architecte et ses clients. Source : "Gaspard des campagnes" / François Grange-Chavanis et André Charlet in Lyon Figaro, 30 juin 1987, p.9.
note bibliographiqueBase Mérimée (réf. PA00118155).

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