[Maquette du quartier de La Démocratie, Vénissieux (Rhône)]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0741 FIGRPT2986 07
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 18 x 24 cm (épr.)
historique Issus de l'après-guerre, dans un contexte de crise du logement, les grands ensembles ont poussé partout en France jusqu'au milieu des années soixante-dix. Les Minguettes ne sont qu'un exemple de cet urbanisme fondé sur le quantitatif. L'histoire de la ZUP commence en 1960, avec la construction des tours sur le plateau de Vénissieux. Sept ans plus tard, les locataires arrivent. En 1975, les derniers travaux s'achèvent, en même temps que s'amorcent les premiers symptômes du "mal-vivre". En 1981, c'est la crise. Deux ans après, les plans d'urgence démarrent. Démocratie est l'aboutissement de six années d'efforts qui ont peu à peu transformé la célèbre ZUP. En janvier 1960, le lieu-dit "Les Minguettes" est désigné comme "zone à urbaniser par priorité". Deux cent cinquante hectares de champs de blé et de plantation de pommes de terre. Un site sans arbres, constamment balayé par tous les vents. Les premières constructions surgissent de terre. Avec un déploiement de techniques lourdes. Il fallait faire vite et au moindre coût. Les tours - une cinquantaine sur l'ensemble de la ZUP - sont construites trois par trois pour rester à portée de flèche de la grue. Conséquence immédiate : les constructions se font de l'ombre et certains appartements ne voient jamais le soleil. Démocratie, Monmousseau et la Darnaise sont les quartiers qui comptabilisent le plus grand nombre de tours. Au total, plus de neuf mille logements ont été dressés sur le plateau entre 1966, marquant l'arrivée des premiers locataires, et 1974, date de livraison de la dernière tranche. Celle-ci regroupant les quartiers Debussy-Ravel, Armstrong, Caravelle et Monchaud. Dès les premières années, une population hétérogène commence à s'installer. Composée d'ouvriers qualifiés et de cadres moyens, essentiellement. A partir de 1977, les habitants les plus fortunés désertent la ZUP, profitant de la loi gouvernementale facilitant l'accès à la propriété. Les problèmes liés à la vacance des logements commencent à se dessiner. Les offices HLM voient les impayés fragiliser leur trésorerie. En 1981, la crise éclate en premier sur les dix hectares de Monmousseau, puis touche la Démocratie. En 1983, six cents logements du quartier Monmousseau sont vides sur un total de onze mille. Idem à Démocratie. En 1985, le quartier est définitivement muré. Depuis, les Minguettes ont vécu au rythme des réhabilitations et parfois des démolitions. Les onze offices HLM et les collectivités se sont serré les coudes pour redonner vie au plateau. Un plan de résorption de la vacance est mis en place dès 1982. Huit millions de francs sont débloqués pour cette seule opération. Depuis [1984], l'intervention conjointe de l'Etat, de la CoUrLy, de la Région, du Département et de la ville de Vénissieux se chiffre à 100 millions de francs. Tout un plan d'accompagnement est mené en parallèle pour améliorer le cadre de vie. L'intervention sur le site de Monmousseau est des plus spectaculaires en raison de la démolition de trois tours en 1984. "Un choix difficile, mais il fallait le faire", avoue aujourd'hui René Martinez, de l'office HLM Logirel, propriétaire du quartier. "Le choc émotionnel du moment s'est vite éclipsé lorsque nous avons aménagé des espaces verts. Les arbres ont été replantés à raison de deux par jour". A Monmousseau, la vacance des logements était de l'ordre de 50% en 1983. "Un seuil non supportable pour n'importe quelle société". Aujourd'hui, la vacance a été ramenée à 3%. "Mais nous avons passé des années difficiles. Le travail de réhabilitation a été conduit dans des logements occupés avec toute la gêne que ce type d'opération peut causer aux locataires". Certains appartements ont été agrandis en T5, d'autres réduits en T2. "Nous avons dû adapter les logements aux nouvelles générations. Beaucoup de couples jeunes sont venus s'installer", poursuit René Martinez. L'opération visait aussi à sécuriser les locataires. L'office a renforcé les protections d'entrée et supprimé les caves, remplacées par des celliers à l'étage. Logirel a poussé à la création de commerces au pied des tours pour animer le quartier. Ainsi, Ahmed Matar, 26 ans, a ouvert un tabac-presse. Pour lui, c'était une issue au chômage. Après des "débuts galère", son affaire "marche bien" et lui a permis de "remettre le pied à l'étrier". De son côté, Eric, avec deux autres jeunes du quartier, a ouvert le Midnight Express, il y a plus d'un an. Unique sur la ZUP, le café-restaurant est géré sous forme associative, avec l'aide d'un éducateur. Une trentaine de jeunes a contribué à sa création. Deux tours sont encore murées à Monmousseau. L'une d'elles est en pleine mutation. Ses seize étages accueilleront, dès le mois de septembre [1989], des étudiants. Soit 90 chambres individuelles et 30 petits studios. "Selon le résultat de cette expérience, la deuxième tour pourra être aménagée de la même façon", conclut René Martinez. La tour des étudiants à Monmousseau s'inscrit dans une politique de création d'éléments moteurs pour dynamiser les Minguettes. Comme l'implantation de Bioforce, l'organisme créé par Charles Mérieux dans le quartier de la Darnaise. Même si sa venue n'a pas encore donné les retombées escomptées. La Tour Arc-en-ciel, réaménagée par les architectes Roland Castro et Hugo Saa, dans le cadre de la mission Banlieues 89, répond à la même logique. Une tour "haut-de-gamme" en plein coeur des Minguettes, qui, si elle connaît un taux de remplissage maximum, reste contestée par la municipalité elle-même. La principale locomotive du renouveau reste de loin le "concours d'économie urbaine". Certes, la situation des Minguettes a considérablement changé. Pourtant la ZUP n'arrive pas à se détacher de son image négative. Il faut un événement suffisamment fort pour renverser la vapeur. Pour qu'on parle autrement des Minguettes. Difficile pourtant. L'imaginaire collectif se nourrit des images de 1981. "A chaque fois qu'on montre les Minguettes, ce n'est pas pour parler du changement intervenu, mais toujours pour nous montrer du doigt", se lamente un habitant de Monmousseau. Des propos soutenus par les techniciens de l'Agurco : "Les gens parlent d'un film qu'ils n'ont jamais vu. Ils se sont créé une image d'après les médias. En fait, on a plaqué dans un vide mental une photo. Il faudra beaucoup de temps pour changer l'image des Minguettes". Source : "Une ZUP symbole" / [Marie Caballero] in Lyon Figaro, 28 juin 1989, p.6-7.
note bibliographique "La démocratie selon Castro" / [Propos recueillis par Marie Caballero] in Lyon Figaro, 28 juin 1989, p.7. - "La nouvelle frontière" / [Marie Caballero] in Lyon Figaro, 28 juin 1989, p.8.

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