[Manifestation du domaine des Ménuires à Chambéry (Savoie)]

[Manifestation du domaine des Ménuires à Chambéry (Savoie)]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0741 FIGRPT3215 05
technique1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 20 x 15 cm (épr.)
descriptionInscription(s) sur l'image : "Michel [Barnier] / Jean-Claude [Killy] / Aidez-nous à / avoir les J.O." ; "Les Ménuires" (pancarte et banderole). Adresse de prise de vue : Place du Château, 73000 Chambéry.
historique[Le 26 janvier 1987 au soir], Jean-Claude Killy, encore à la tête du Comité d'organisation des Jeux olympiques, rendait publique une grave décision : la station des Ménuires, dans la vallée de Belleville, n'accueillerait aucune compétition, et celle de Tignes, ne verrait plus que les épreuves de ski artistique s'y dérouler. Il était prévu tout autre chose dans le dossier de candidature que Michel Barnier et Jean-Claude Killy avaient présenté en mars 1986 aux membres du Comité international olympique. La piste Léo-Lacroix aux Menuires devait accueillir les épreuves féminines de descente et de super géant. Le géant et le slalom masculins devaient avoir lieu sur des pistes de Tignes. En octobre 1986, lors de la désignation d'Albertville à Lausanne, le C.I.O. et le président Samaranch avaient exprimé des souhaits de "resserrement" des sites olympiques, jugés dans certains cas trop éloignés les uns des autres. Des souhaits réitérés par le président, à l'occasion d'une visite rendue quelques temps plus tard à Chambéry. C'est probablement pour répondre le mieux possible à ce voeu que Killy a choisi de recentrer certaines épreuves. Ces derniers jours, les maires des Ménuires et de Tignes, soutenus en masse par les maires savoyards, se sont violemment élevés contre ce qui a été appelé "un coup de poignard dans le dos". D'aucuns ont même fait savoir que la décision de transférer à Val-d'Isère (station de l'Espace Killy) les épreuves masculines du slalom et du géant était une manifestation évidente de favoritisme. Autre grief des localités lésées : selon le maire de Saint-Martin-de-Belleville, la station des Ménuires représente le plus grand ensemble skiable de la Tarentaise. En outre, le site est plus proche du village olympique de Brides-les-Bains (vingt kilomètres) que Val-d'Isère (soixante-cinq kilomètres). [Le 28 janvier] à Lausanne, le Comité international olympique indiquait qu'aucune pression n'avait été exercée de sa part pour que la station de la vallée de Belleville soit évincée. Le C.I.O. a fait également remarquer que le Comité d'organisation de J.O., présidé par Jean-Claude Killy, n'étant pas encore constitué, il était encore trop tôt pour aborder avec lui les aspects techniques de l'organisation des jeux. Selon lui, le problème de la répartition des sites n'avait encore jamais été abordé. Le C.I.O. a encore fait remarquer qu'une fois le dossier de candidature accepté, rien n'empêchait ce dossier d'être modifié sur des points techniques. Source : "Le Noeud du problème" / C.B. [Christian Dybich] in Lyon Figaro, 30 janvier 1987, p.3.
historiqueJean-Claude Killy n'est pas homme à revenir sur ses décisions. Il avait donné, [le 29 janvier 1987], sa démission du poste de président du Comité d'organisation des Jeux olympiques d'hiver de 1992. Et tous ceux qui le connaissent bien savaient qu'il la maintiendrait à la suite de la rencontre sans doute orageuse, qu'il a eue [le 29 janvier à 16 heures], avec Michel Barnier, les maires et les conseillers généraux de Tarentaise. Une rencontre qui a duré un peu plus d'une heure puisque c'est à 17h25 que le triple champion olympique a fait son entrée dans la salle Joseph-Fontanet. Et c'est seul, sous le portrait de l'ancien ministre qui fut également maire de Saint-Martin-de-Belleville, la commune sur le territoire de laquelle est située la station des Menuires - tout un symbole - qu'il a confirmé son retrait. Visiblement affecté, Killy a aussitôt confirmé ce qu'il avait déclaré le matin : "Je n'ai pas grand'chose à vous dire ce soir, excepté que je maintiens ma décision et que je démissionne de mon poste éphémère de président du Comité d'organisation des Jeux olympiques". Celui que toute la France avait plébiscité pour mener à bien les jeux d'Albertville, l'enfant chéri de la famille olympique, venait de mettre officiellement un terme à ses responsabilités. J'avais une certaine vision, peut-être un peu euphorique, de la façon dont je voulais organiser les jeux. Cela n'était pas possible car ils devaient être organisés dans une grande rigueur économique. Je laisse donc la place à ceux qui pensent que c'est possible", a-t-il précisé. J.C. Killy est alors revenu sur les démarches qu'il a entreprises, ces derniers jours, et notamment sur la réunion qui a mis le feu aux poudres, [le 26 janvier] à Saint-Martin de Belleville. C'est là qu'il avait annoncé la suppression des épreuves féminines prévues aux Menuires, à la plus grande stupéfaction des gens de la vallée de Belleville. Dans sa brève déclaration, Killy a fait son mea culpa en reconnaissant qu'il avait agi de "manière maladroite", en abordant le problème "en chef d'entreprise et non en politicien" et il a ajouté : "Je suis désolé de ce qui arrive et je pense que Michel Barnier trouvera une meilleure solution. Il prendra même peut-être la présidence du C.O.J.O. Ce que je peux en tout cas assurer c'est que les jeux ont toujours lieu et qu'ils sont toujours extraordinaires. Ce que je voulais, c'est des Jeux pour les sportifs dont on se souvienne pendant 25 ans et qu'ils profitent au moins pendant six ans à la Savoie. Je ne suis ni triste ni amer car je sais que la Savoie bénéficie d'une occasion unique et que des dizaines de pays souhaitent avoir les Jeux. Nous avons battu six candidats, et, pour moi, les Jeux restent le plus grand événement du monde du sport. Je retourne à mes occupations personnelles...". Celui à qui la Savoie doit assurément de l'avoir emporté, le 17 octobre [1986] à Lausanne, a alors quitté la préfecture. En chemin, il a rencontré les centaines d'habitants de la vallée de Belleville descendus avec leurs clarines et de nombreuses banderoles pour réclamer le maintien des épreuves que le comité de candidature leur avait attribuées. Parmi eux, Léo Lacroix, tendu, regrettait l'ampleur prise par les événements. "Tout cela est regrettable pour cette candidature que Jean-Claude a si bien menée et je continue à penser qu'il est peut-être parti trop vite pour annoncer ses décisions, cela sans aucune concertation préalable. C'est également regrettable pour le ski français et pour toute cette aventure merveilleuse"... A quelques pas de là, Marielle Goitschel se défendait d'avoir été à l'origine de la démission de son ami "Toutoune". "Il est grotesque et ridicule de nous opposer car nous sommes des amis de toujours, précisait-elle. Je ne veux pas qu'on fasse porter le chapeau à la vallée des Belleville où je vis et ou je travaille. Mais il n'y a aucune raison pour qu'on nous prive d'une descente olympique qui aurait apporté beaucoup à cette vallée. On a le droit de se battre et de se défendre et ce n'est pas parce qu'on est dans la rue qu'on ne soutient pas le C.O.J.O...". Toujours est-il que plus rien ne sera jamais comme avant en Savoie. Michel Barnier en est bien conscient, lui qui est apparu une heure après la sortie de Jean-Claude Killy. Le président du Conseil général de Savoie s'est contenté de faire une simple déclaration commentant la rencontre qu'il venait de présider. "Au terme de cette réunion que nous avons tenue avec J.C. Killy pendant un moment, puis avec les maires et les conseillers généraux de la région concernée, Jean-Claude Killy a décidé, en son âme et conscience, de ne pas donner suite à la proposition que je lui avais faite il y a quelques mois. Il nous en a donné la raison et je regrette profondément cette décision. Il reste notre amis et je sais ce que la Savoie lui doit. Nous espérons et nous souhaitons de tout coeur, qu'il pourra revenir sur ce choix...". Après ces paroles de circonstance, Michel Barnier a rappelé que les maires et conseillers généraux "avaient voulu marquer leur solidarité" comme ils l'avaient d'ailleurs fait [le 27 janvier] au cours d'une réunion tenue à la mairie de Moutiers. Michel Barnier a aussi mentionné que tous maintenaient leur confiance à l'équipe qui a gagné le 17 octobre. "Le travail entamé par J.C. Killy sera poursuivi dans la sérénité en concertation avec le mouvement sportif, le gouvernement et la région Rhône-Alpes. Nous respecterons les engagements pris auprès du C.I.0. et j'assumerai personnellement la présidence provisoire du comité de candidature". Ce fameux C.O.J.O. n'est donc toujours pas constitué. Mais on en saura vraisemblablement plus le 24 février, une réunion étant programmée au siège du comité national olympique et sportif français. En attendant rien ne sera jamais plus comme avant et les Savoyards pourraient bien regretter, dans les prochains mois, de n'avoir pas su retenir le plus grand skieur de tous les temps. Et, [le 29 janvier], les Menuires et Tignes n'étaient toujours pas fixés sur leur sort... Source : "Killy-Barnier : la rupture" / Christian Dybich in Lyon Figaro, 30 janvier 1987, p.1-2.
note bibliographique"Killy en a sa claque et prend ses cliques" / Volodia Shahshahani in Lyon Libération, 30 janvier 1987. - "Jo : le président du comité de candidature perd son génie des alpages" / Véronique Saint-Olive in Lyon Libération, 30 janvier 1987. - "L'après Killy" in La Savoie, 6 février 1987. - "En 1992, la Savoie sera verte et concentrée" / Olivier Barban in Le Journal Rhône-Alpes, 27 avril 1987.

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