[Opéra national de Lyon. "Le Bal masqué", de Verdi (mise...

[Opéra national de Lyon. "Le Bal masqué", de Verdi (mise en scène : Jean-Marie Simon)]
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localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0901 FIGRPT2370 02
technique1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 18 x 24 cm (épr.)
historiqueS'il est des chefs d'oeuvre n'occupant pas la place qui leur revient au Panthéon lyrique, "Un Ballo in masquera" appartient certainement au peloton de tête. C'est en tous cas la réflexion que suscite la reprise de cet ouvrage par l'Opéra de Lyon présenté en co-production avec le Grand-Théâtre de Genève qui reçut l'oeuvre de Verdi [en 1984]. Inspirée par l'assassinat du roi de Suède Gustave III lors d'un bal masqué, modifiée pour raison de censure (pas de régicide sur scène dans la Rome papale de 1859 !), l'intrigue s'articule autour de l'amour du monarque, devenu un simple gouverneur, Riccardo, pour Amelia l'épouse de son meilleur ami et futur meurtrier, Renato. Le tout se doublant de l'inquiétante prédiction formulée par Ulrica, la diseuse de bonne aventure. Sur cette trame, qui en vaut bien une autre, Verdi a composé une partition, qui elle, vaut par plus côté "Rigoletto" ou "Traviata". Enfin célèbre... et richissime, le maestro peut enfin commencer à imposer au public et aux imprésarios l'évolution de l'opéra italien qu'il va hisser des cabalettes post-donizetiennes jusqu'aux sommets magiques de "Otello". D'où une musique très élaborée, à l'harmonisation puissante et colorée, jouant sur les nuances autant que sur la passion, soucieuse de dépeindre les climats les plus divers. Ainsi l'épisode ironique des courtisans raillant les infortunes conjugales de Renato qui annonce déjà le Fra Melitone de "La Forza" et, par-delà, la truculence de Flastaff. Avec une attention et une justesse toutes particulières dans la peinture de la sombre Ulrica avec son chromatisme et du sémillant page Oscar et ses insouciantes (?) vocalises. Sans oublier l'une de ces scènes festives que le maestro aime tant à illustrer. Dramatiquement l'action est divisée en cinq tableaux, quatre "intérieurs" enchâssant le tableau "extérieur", pivot de l'oeuvre. Construction rigoureuse, que module toute une série d'éléments variés : mondanités de cour, groupe de conspirateurs, gibets avec grappes de cadavres, bal princier... D'où la difficulté de lier l'ensemble de convaincante façon. C'est heureusement le cas dans la vision offerte par Jean-Marie Simon pour la mise en scène et les costumes et par André Colin pour les décors. A la base de ce travail personnel, cohérent... et musical : un décor unique se modifiant avec les actes et situant l'action à la fin du XVIIIe siècle. Une grande galerie sobre et dépouillée, très néo-classique, avec une vaste coupole à motifs géométriques pensée par quelque élève de Soufflot, de Ledoux, de Boullée ou de De Wailly. Austérité donc, dépouillement, le tout éclairé latéralement par une lumière tamisée de ville du Nord (Stockholm ? Boston ?... mais qu'importe) à travers les très beaux éclairages d'André Diot. Sur le fond de cette architecture très "Europe des lumières", ayant rejeté l'avalanche de la décoration baroque et sudiste, les costumes, fastueux ou simples, apparaissent souvent comme des taches de couleur quasiment vivantes. Dommage que la chorégraphie bien banale ne les magnifie pas dans le bal final ! En fait l'impact de ce travail se trouve démultiplié par l'évolution en fonction des scènes. Le vaste salon devient ensuite l'inquiétante demeure d'Ulrica. Mais J.-M. Simon refuse la tanière de sorcière avec crapauds baveux et chouette empaillée. Madame Ulrica est la voyante à la mode chez laquelle se précipite le tout-Boston, épris d'irrationnel, dans la tradition du banquet de Messmer et des liqueurs de Gagliostro. Et la pratique de quelque messe noire rappelle l'Affaire des poisons alors qu'une discrète référence à la franc-maçonnerie, alors si puissante, éclaire d'un jour nouveau les trois accords fff ouvrant la scène. Prodigieux apparaît aussi l'épisode suivant de "l'orrido campo" avec des pendus verdâtres, plus vrais que nature, et ses restes pourrissants dans la boue. Le duo est supérieurement traité, le trio suivant moins bien. Et c'est non pas devant, mais derrière le portrait officiel du souverain que se déchire le couple mari-femme et que se trame le complot. Ce jeu des proportions et des lumières trouve son plein épanouissement dans l'effet de la Perspective de la scène finale seulement un peu gâche par l'abondance des bougies avec ampoules électriques donnant à l'ensemble un air de luna-park. Mais l'ensemble, sur lequel place d'indolence moqueuse du page Oscar, entouré d'éphèbes viscontiens, est servi par une direction d'acteurs émérite, discrète et efficace, plaçant bien les choeurs, si importants ici, et disposant au mieux les indispensables rotondités de certains interprètes. Musicalement les beautés ne sont pas moindres. A commencer par la direction de Donato Renzetti, colorée, vivante, contrastée, aux tempi parfois un peu rapides (prélude) mais évitant tout pathos. Il tire de superbes sonorités d'un orchestre stimulé, certes bien meilleur du côté des vents que du côté des cordes aigües parfois tout de même incertaines (toujours le prélude). Dramatiquement (et de loin) comme vocalement, la distribution est dominée par Stefania Toczyska et par Daniele Dorst. La première donne un singulier relief au bref rôle d'Ulrica avec une voix corsée, expressive, large. La seconde campe un Oscar d'une aisance presque satanique, voix charnue, souple, trillant à merveille. Chez Margarita Castro-Alberti (Amelia) la voix possède une belle couleur, mais, le soir de la première, elle ne se développa vraiment qu'avec l'air "solo un detto" au dernier acte. Encore montre-t-elle des failles inquiétantes, des passages de registres indiscrets, du vibrato et des trilles aléatoires. Il est vrai que la technique est belle, le mezza-voce superbe et les piani bien menés, mais trop sollicités. Le ténor Guiliano Cianella est un Riccardo vaillant, à l'aigu éclatant ne travaillent évidemment pas dans la nuance. Lajos Miller campe un Renato tourmenté, le timbre est sans richesse mais la voix est musicale et bien menée. René Schirrer (Silvano), Giovanni Gusmeroli (Samuel), Alfredo Giacomotti (Tom), complètent heureusement la distribution, sans oublier les choeurs maison nombreux mais cohérents, solides et bons danseurs. Un spectacle de grande classe qui sert la musique (et non pas quelque super-star de la mise en scène !) remplit la salle (les dix représentations sont déjà pleines), comble les mélomanes... et remplit les caisses. Que demander de plus à un théâtre ? Source : "Un Bal masqué de Verdi : Jean-Marie Simon le magicien" / Gérard Corneloup in Le Journal Rhône-Alpes, 15 avril 1985.
note à l'exemplairePhotographie issue des archives du Journal Rhône-Alpes.
note bibliographiqueWikipédia. [En ligne] : https://fr.wikipedia.org/wiki/Giuseppe_Verdi (consulté le 11-11-2023). - Wikipédia (EN). [En ligne] : https://en.wikipedia.org/wiki/Taro_Ichihara (consulté le 11-11-2023).

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