[48e Festival de Lyon (1993). 1re édition du Real Music...

[48e Festival de Lyon (1993). 1re édition du Real Music Festival au Théâtre antique de Fourvière]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0741 FIGRP06201 001
technique1 photographie négative : noir et blanc ; 36 x 24 mm
historiqueConcert de Tom Russell, chanteur et guitariste de country et folk music. Reportage réalisé dans le cadre du 1er Real Music Festival, Théâtre gallo-romain de Lyon-Fourvière, 8-11 juillet 1993.
historiqueDes gradins type 20.000 lieues sous les mers, des piranhas à l'air goguenard, l'affiche du festival Real Music qui s'ouvre [le 8 juillet 1993], donne le ton. Elle célèbre le retour du rock et du blues, dans l'arène du théâtre romain de Fourvière, deux ans après le mémorable concert sursaturé d'Iggy Pop, qui avait "tenu en éveil" tout le quartier. Un événement en quatre nuits, orchestré par le Transbordeur, qui s'est efforcé de réunir des artistes qui ont ébloui le public de l'ancienne usine de traitement des eaux durant l'année. Seul manquera à l'appel, l'homme à la cicatrice, le nouveau chanteur du blues blanc, présenté comme le successeur de John Lee Hooker. John Campbell a été terrassé à 41 ans, une nuit du mois de juin, alors qu'il faisait connaissance avec le succès. "L'indien" devait se produire [le 9 juillet], avec Paul Personne, et avait conquis le Transbordeur, en mars [1993]. Par le biais de ce festival, le Transbordeur renoue avec le théâtre antique, interdit au rock depuis le passage d'Iggy Pop. Pour faire en sorte que ce retour du rock ne soit pas éphémère, les organisateurs auront un oeil fixé sur l'indicateur de puissance des décibels. "Ce sera un travail à faire avec tous les ingénieurs du son. Nous savons que nous avons une contrainte sonore, à nous de la gérer. Nous nous sommes fixés une limite autour de 120 décibels". D'autre part, la capacité d'accueil a été abaissée à 4000 personnes, au lieu des 5000 en vogue précédemment. Patrice Armengau, administrateur de l'auditorium Maurice-Ravel, chargé de la gestion du site, propriété du Conseil général, s'est occupé de convaincre ce dernier, la mairie d'arrondissement et les Hospices civils - en particulier l'hôpital de l'Antiquaille, qui avait subi les assauts sonores d'Iggy Pop - de la nécessité d'accueillir une manifestation capable d'attirer un public de jeunes, sur ce "lieu de prière, donc lieu de chant". L'auditorium est partie prenante du festival puisqu'il le coproduit avec le Transbordeur. Real Music, selon Patrick Armengau, est "un projet artistique fort, une programmation raffinée du Transbordeur, d'où ressort une volonté de présenter des musiciens, proches des racines de la musique". Car Real Music, c'est le retour aux sources, aux sonorités qui ont généré le rock, le blues, le country et les vieux airs sudistes chantés dans les campagnes, sans oublier la soul. Mais Real Music présente en fait ceux qui innovent à partir de ces racines : de l'inventeur du blufunk, Keziah Jones, à la culture latine de Willy Deville qui puise dans le répertoire du jazz, du cajun, chante des ballades qui émergent tout droit du delta du Mississipi et concocte un remix version tex mex du "Hey Joe" de Jimi Hendrix, enrichi de percussions de musique cubaine. D'ailleurs le festival s'ouvrira avec ce dernier et Calvin Russel pour une nuit américaine. Autre allure de cow-boy, mais moins bien mis, Calvin Russel, fera pendant au grand dégingandé en costume trois pièces. Ce texan au visage raviné, sur lequel est vissé un éternel vieux chapeau, a percé sur le tard, "parce qu'il a passé trop de temps en prison". Son troisième disque, "Soldier", parle de ces années-là. "Characters" est une adaptation d'un texte écrit par un ancien compagnon de cellule. Devant le public de Fourvière, il chantera un Ouest éternel et âpre, fait de routes cabossées. La deuxième soirée devrait suivre le même chemin du blues et du country avec Tom Russel, brillant song-writer, qui jalonne aussi ses disques de portraits de héros et d'anti-héros de l'Amérique. Il jouera en acoustique, avec son guitariste attitré, Andrew Hardin. Son dernier album commence par une chanson sur Lyon. Paul Personne, habitué des rendez-vous lyonnais, lui succédera. L'occasion d'entendre encore, les titres de "Comme à la maison" sorti en 1992. Michel Françoise, qui mêle musique française et rock américain et fait partie de la nouvelle école du blues, sera l'invité surprise de la soirée. [Le 10 juillet], place aux guitares. Bernard Allison, fils de Luther Allison, musicien de blues avec lequel il a joué nombre de fois, joue de la guitare comme un dieu. Il ne quitte d'ailleurs pas sa Blade et s'est taillé une forte réputation, à 24 ans seulement. Lors de ses concerts, il ne manque pas de rendre hommage à Jimi Hendrix tout en révisant le blues traditionnel, le funk et le slide. Quant à Keziah Jones, il sera ce même soir à Lyon. Une même énergie, un même talent brut et spontané. Le Nigérian joue, comme il respire, le blufunk, c'est-à-dire, l'émotion du blues faisant corps avec l'énergie du funk. Une soirée particulièrement importante pour ceux qui l'ont raté, ou aimé, en première partie de Lenny Kravitz... Noir Desir et son "Tostaky" incandescent, avant sa prestation dans un autre théâtre antique, celui de Vienne, clôturera le festival. Avec en guise d'introduction, les genevois de The Young Dogs, rockers bruitistes aux accents industriels. Espérons que leurs guitares acérées ne gêneront pas, grâce à un son bien dosé, les oreilles sensibles du voisinage. Ce premier festival a en effet, délibérément fait le choix de la Real Music, pour pouvoir revenir à Fourvière l'année prochaine, plutôt que celui du hard rock trop bruyant ou de la noisy pop, musiques très difficiles à sonoriser, et qui resteront dans les murs du Transbordeur. Source : "Le rock dans l'arène" / Agnès Benoist in Lyon Figaro, 8 juillet 1993, p.1 et 18.
historiqueIls étaient 4000, pressés les uns contre les autres, venus pour certains dès 19 heures, accueillir Noir Désir. Le théâtre romain de Fourvière, noir de monde résonnait au son de "Tostaky"... Le groupe, détendu, donnait un bon concert. Et puis, ce fut le silence. Bertrand Cantat et ses musiciens durent quitter la scène en raison d'une panne électrique, de plus de vingt minutes. La ferveurs des jeunes spectateurs, les cris, les "Bernard je t'aime", ne pouvant résoudre à eux seuls un problème technique dû à l'infiltration de l'eau de pluie dans le matériel, intervenue durant les réglages de l'après-midi. Le groupe de retour, Bertrand Cantat troquait le calme du début de concert pour la furie, fracassait en cadence une cymbale sur scène, et envoyait son micro rejoindre les projecteurs, accrochés une dizaine de mètres plus haut. Le festival Real Music, organisé en coproduction par le Transbordeur et l'auditorium Maurice-Ravel, s'est bien terminé. Pourtant, tout avait mal commencé. Un jour avant l'ouverture, venant de la préfecture, des rumeurs d'interdiction du site pour les spectacles avaient fait prendre un coup de sang aux organisateurs de Real Music. Le responsable ? Un audit de la direction départementale des polices urbaines évoquant le trop grand nombre de billets vendus par rapport au nombre de places au mépris des conditions de sécurité. Audit qui, de plus, jugeait sévèrement la construction du théâtre antique et soulignait le très grand danger des gradins romains ! Selon Patrice Armengau, directeur de l'auditorium Maurice-Ravel ce serait alors l'intervention du Conseil général et de la Ville de Lyon qui aurait bloqué le processus - menant à l'édiction d'une interdiction. La préfecture, quant à elle, précise qu'il n'a jamais été question d'interdiction, mais de recommandations. Finalement, le Real Music Festival s'est ouvert le 8 juillet, comme prévu, devant 2500 personnes. Aucun blessé n'était à signaler, et Calvin Russel enchantait Fourvière durant une heure trente, avec ses mélodies de vieux routard texan. Son jovial et chevelu guitariste n'y était pas étranger, qui a harcelé pendant plusieurs minutes son instrument pour en tirer des vrombissements de moteur d'Harley Davidson. Le Louis XIV du rock, Willy Deville faisait son apparition en costume violet et lavallière, entouré de musiciens parfaits pour un show bien huilé. Un peu trop même... Le lendemain, gros nuages sur Fourvière, et public clairsemé pour Michel Françoise, Tom Russel et Andrew Hardin, puis Paul Personne. Relâche forcée, le samedi [10 juillet], pour cause de pluie. Keziah Jones et Bernard Allison n'ont pas quitté la coulisse. Noir Desir et les Genevois de Young Dogs, très attendus, ont, en revanche, réussi à clôre de façon mémorable cette première édition du Real Music Festival. Malgré tous ces contretemps l'équipe organisatrice se dit satisfaite d'avoir rendu Fourvière au rock, et souhaite donner sous la même forme, à la même période, une suite à Real Music dès l'année prochaine. D'autant que le voisinage semble avoir passé des nuits bien paisibles. Christian Chapiteau, directeur de l'hôpital de l'Antiquaille, souligne "n'avoir pas eu de réclamations de la part de ses malades". Et le conservateur du site se montre très favorable à cette occupation nocturne de Fourvière, à condition de surveiller étroitement les alentours du musée, car les fraudeurs, en escaladant les toits, déclenchent les alarmes de sécurité. Quant au mariage du rock et du théâtre antique, il n'y voit rien de choquant. Les spectacles des Romains feraient même passer, selon lui, nos rockers pour des enfants de choeur... Source : "Quatre jours de pluie et de fureur" / Agnès Benoist in Lyon Figaro, 13 juillet 1993, p.15.
note à l'exemplaireCe reportage photographique contient 62 négatifs.

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