[Hot Club de Lyon]

[Hot Club de Lyon]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0740 FIGRPT2308 16
technique1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 24 x 18 cm (épr.)
descriptionVue prise en direction du nord. A l'arrière plan, sur la droite, l'enseigne lumineuse du Grand hôtel, 16, rue Lanterne, Lyon 1er. Adresse : Hot Club de Lyon, 26, rue Lanterne, Lyon 1er.
historiquePour les jazzophiles lyonnais, les possibilités d'écouter intra muros du jazz "live" se restreignent depuis 1989. Si les banlieues triomphent, la Rose des Vins a fermé son caveau et le Hot club ronronne.
historiqueLes deux concerts qui se dérouleront [le 8 octobre 1991] donnent une idée assez précise de l'état actuel du jazz à Lyon. Au Radiant, à Caluire, l'Orchestre régional de jazz célèbre son cinquième anniversaire en compagnie du pianiste Michel Colombier et du saxophoniste Eric Watts, dans le cadre de la nouvelle saison "Suivez le jazz", pendant qu'au Hot club, le septet Happy Stompers exécutera un swing qui reste sa spécialité. Pour qui se contente d'une mixture insipide aux couleurs "jazzy", quelques pubs peu sympathiques et un ou deux piano bars-à-cocktails feront l'affaire. En revanche, l'alternative est réduite à une peau de chagrin pour les oreilles plus sélectives, depuis la disparition notable de plusieurs clubs, pour des raisons essentiellement économiques. C'est le cas du Via Colomès (également accusé de nuisances sonores), grand QG des soirées ARFI, et du caveau de la Rose des Vins, rue de la Fromagerie, refuge exigu des tendances contemporaines ou néo-bop. A la Croix-Rousse, La Parasolerie, qui programmait également des concerts jazz-blues depuis cinq ans, traverse une éclipse à la suite d'un sinistre (écroulement d'une poutre de plancher), d'une fermeture de trois mois et d'un procès en cours avec le propriétaire des murs et la régie. Trois petits clubs aux ambiances et aux publics spécifiques : chapelle pointue pour le premier, régional et ouvert sur le blues pour le deuxième, esthétique et digeste à la Rose des Vins. Où aller écouter du jazz à Lyon à partir du milieu de semaine : nulle part, sauf au Hot club de Lyon. Cette saison, plus que jamais, les initiatives émanent en masse de la "banlieue", plus ou moins proche : Saint-Fons et son caveau-jazz réputé grâce à un parti-pris de qualité et de grands noms, "Suivez le jazz" qui regroupe pour la deuxième année consécutive sept salles municipales de la périphérie, à Villeurbanne, où l'association-Jazz & Co organise au Transbordeur quatre concerts par saison, mais aussi à Vaulx-en-Velin, Bourgoin-Jallieu, où se déroulent de mini-festivals. Pourtant, le public jazz existe. Certaines maisons de disques décèlent un transfert sensible de la clientèle rock et rap vers le jazz, nouveau marché potentiel ; les concerts et festivals de la région enregistrent un renforcement de leur audience. Ex-responsable de la programmation à la Rose des Vins, Yves Bleton partage ce sentiment : "Nous avons eu des gens très motivés, qui venaient vraiment pour écouter. Un public finalement assez jeune, ce qui tendrait à prouver qu'il y a tout de même un regain d'intérêt en faveur du jazz." Gérard Vidon, président du Hot club de Lyon, ne contredira pas cet avis : "Je pense que 60% de nos auditeurs sont des étudiants, avec des moyens économiques limités, c'est pourquoi nous ne sommes pas un club de jazz qui fonctionne pour le business, mais un lieu où les musiciens viennent s'exprimer. Ce ne sera peut-être pas tous les soirs de la qualité : il peut et il doit y avoir des essais." Cent personnes maximum peuvent se serrer sur les bancs de cette mini-salle en sous-sol, face à une scène de 6 mètres sur 2,50 mètres équipée dernièrement d'un demi-queue neuf de fabrication japonaise. Le vétéran des lieux de diffusion du jazz à Lyon, dont la création remonte à 1948, ne fait pas l'unanimité avec une programmation essentiellement régionale répartie du mardi au samedi, avec un concert-prestige par mois. On apprécie diversement le parti-pris local de décontraction forcenée, et le cadre pas vraiment clean, les affiches qui se décrochent, le matériel qui traîne sur la scène et les odeurs de bière". Pour trente à quarante francs de droit d'entrée (50 francs le samedi), personne ne se plaint ouvertement. Gérard Vidon n'ignore pas ces critiques qui suggèrent qu'un peu plus de professionnalisme et d'encadrement en vue d'un niveau de programmation plus élevé et varié ne nuiraient en rien au fonctionnement d'ensemble. Mais voilà, le Hot "appartient" aux groupes de musiciens locaux qui le hantent et le font tourner bon an mal an, soit 48 groupes permanents et 280 musiciens présents dans la programmation du Hot club de Lyon d'une saison sur l'autre. "Je ne veux pas dépenser l'argent que gagnent les musiciens non rémunérés pour inviter d'autres musiciens, cela ne serait pas normal. Faire des concerts de prestige au Hot n'est pas notre job, nous n'avons pas le temps. Brasser du pognon non plus, nous prenons les risques tout seuls, la Ville nous donne 50.000 francs pour le fonctionnement, galerie comprise, et le Département 30.000 francs. Je voudrais que les Lyonnais découvrent leurs musiciens, qui n'ont pas à pâlir devant des gens ramenés à grands coups de médiatisation, d'ailleurs, personne ne s'est intéressé à Dominique Di Piazza qui a joué dix ans au Hot sans gagner une tune... Les musiciens qui accompagnent L'Affaire Louis trio ou Liane Foly sont tous passés par le Hot, et je ne compte pas les dimanches après-midi où Michel Petrucciani venait s'exercer... Jean-Paul Bouteillier m'a dit un jour que le Hot est la première marche d'escalier de Vienne". Reste à savoir pourquoi les ex-poussins du Hot club n'y reviennent pas, une fois sortis de l'ombre. Sur une autre orbite, les supporters de l'ex-bande à Sclavis, qui a opté pour une brillante carrière solo depuis 1989, ne se consolent pas pour autant de la disparition du Via Colomès, qui a connu des soirs de grande désaffection et les summums de l'entassement. L'ARFI (Association à la recherche d'un folklore imaginaire), créée à Lyon dans les années 1968, est toujours à l'affût d'un lieu de diffusion, après avoir renoncé provisoirement au projet "Pôle musique" élaboré dans l'hiver 1990 avec l'AIMRA (Association pour l'information musicale Rhône-Alpes), La Parasolerie et le studio GRAME. Le dossier d'un club-salle de répétitions dans une ancienne chapelle s'est avéré irréalisable. En 1991, une vingtaine de musiciens compose les groupes réguliers de l'ARFI : depuis les iconoclastes "Ces Messieurs", en passant par Baron Samedi, E Guijecri, Electric Duo, Workshop de Lyon, Vollat Trois et Marmite Infernale. Outre deux albums en préparation sur le label ARFI Move (nouvelles compositions du Workshop et de Vollat Trois), la Marmite infernale, big band de 13 musiciens, a sorti ce mois-ci un disque compact neuf titres, "Gloire à nos héros", autour de personnages célèbres réels ou imaginaires, typique des élucubrations arfistes. A peine de retour d'une tournée ukrainienne sur le Dniepr en août, les musiciens embrayent sur de nouveaux festivals et créations, dont "Toi Tarzan... nous aussi", spectacle musical imaginé à partir du mythe de Tarzan, que le public découvrira le 14 janvier [1992] au nouveau théâtre de Villefranche, partenaire du cycle "Suivez le jazz". Charles Gil, coordinateur artistique de l'ARFI, ne s'attarde plus vraiment sur le climat lyonnais : "Faute de lieux, les groupes tournent surtout ailleurs qu'à Lyon, et de plus en plus à l'étranger ; pour le Workshop par exemple, le pourcentage est de l'ordre de 80% de concerts à l'étranger. L'évolution est timide de la part de la Ville de Lyon, qui nous a accordé un soutien au fonctionnement de 80.000 francs sur un budget annuel d'1,6 million de francs et une subvention à la création sur le projet ukrainien." Loin de renoncer à l'implantation d'un club de 200 à 250 places, Charles Gil résume la désolation ambiante avec un joli sens de la formule : "S'il faut faire un état des lieux, on se rend compte qu'il existe Suivez le jazz : effectivement on le suit autour de Lyon, en le contournant bien. A Lyon, c'est cherchez le jazz : il faut le dépister. Il existe une problématique du jazz à Lyon, ne serait-ce qu'avec le Hot, qui devrait être un musée vivant, mais le problème est pire pour les musiques d'aujourd'hui. Il y a nécessité de diffuser la musique." Les membres de l'ARFI n'hésitent pas à monter ailleurs ce qui ne peut être réalisé à Lyon, et à créer de nouvelles passerelles avec le cinéma, l'art culinaire ou le théâtre via une musique débridée, comme en témoigne le planning chargé visible sur les murs des locaux de la rue du Chariot-d'Or. De janvier 1989 à juin 1991, Yves Bleton a lui aussi tenté l'aventure, par passion pour le jazz : parallèlement à la dégustation de vins et au service de restauration, son club de La Rose des Vins proposait jusqu'à trois concerts par semaine, du jeudi au samedi, pour présenter des musiciens purement régionaux, mais aussi des figures internationales de la note bleue. Jimmy Gourley, Eric Barret, Philippe Deschepper, Louis Sclavis, Didier Levallet, Kirk Lightsey entre autres se sont succédé pendant deux ans et demi sur la scène étroite, ornée d'une fresque-hommage aux jazzmen. Malgré une subvention tardive de la Ville (20.000 francs pour l'année 1991), le club "soutenu par la structure commerciale Rose des Vins", a fermé ses portes, conséquence de l'option de fonctionnement. "Il s'agissait d'une programmation du niveau des clubs parisiens, avec tout ce que cela comporte de professionnalisme à assurer et de difficultés de gestion... Les gens venaient "en sachant", nous avions un public, que je distingue d'une clientèle. Il y avait toujours une qualité d'écoute, mais pas de clientèle. Or ce genre d'endroit doit pouvoir compter sur le bar pour tourner. Economiquement c'est clair, on ne pouvait plus continuer". La page est tournée, d'autres formules sont envisagées dans un autre cadre, mais la mise en place n'aura pas lieu avant "fin juin 1992, ou à la rentrée suivante". Deux ans et demi d'expérience permettent à Yves Bleton de tirer quelques conclusions : "La Ville de Lyon devrait affirmer sa volonté d'avoir un lieu un peu prestigieux. Nous prendrons le temps d'ouvrir quelque chose qui sera pensé dans ses rouages, en maintenant le principe d'un double structure économique et associative, sans que la seconde pèse sur la première. Il y a place pour un grand, un vrai club de jazz, qui soit une sorte de carrefour, de plateforme de rencontres entre musiciens nationaux et internationaux." Même son de cloche à La Parasolerie avec Bernard Lloret, administrateur et responsable de l'association : "Le jazz lyonnais est plus connu à l'extérieur, car il n'a presque pas de lieux pour se produire. Lyon mérite un endroit tourné vers la diffusion de musique jazz et de musiques nouvelles d'aujourd'hui, qui crée une vie et un aspect culturel qui n'existe pas par des concerts isolés qui font venir des gens dans les salles de périphérie trois ou quatre fois par mois". Les projets couvent ici et là, à Lyon, les caves ne manquent pas, et l'on parle de l'ouverture d'un jazz-club dans celle du restaurant la Tour Rose, qui répondrait notamment à l'attente de sociétés désireuses de "sortir" leur clientèle de businessmen dans un endroit décent. Les entrepreneurs en puissance devront peut-être jouer la carte de la coordination et unir leurs compétences pour programmer, gérer et répondre aux exigences de confort esthétique et auditif du public potentiel, consommateur de son laser. Mais, pour l'immédiat, le sentier du jazz ressemble à une expédition hors de Lyon. Source : "Autour du jazz" / Pascaline Dussurget in Lyon Figaro, 8 octobre 1991, p.1 et 39-40.
note à l'exemplaireNégatif(s) sous la cote : FIGRP04475.
note bibliographiqueHot Club de Lyon. [En ligne] : https://www.hotclubjazzlyon.com/ (consulté le 15-10-2023).

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