[Entretien avec Laurent Attar-Bayrou, fondateur de...

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0740 FIGRPTP0112 01
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 20 x 15 cm (épr.)
description Adresse de prise de vue probable : AMEL, 178, rue Garibaldi, Lyon 3e.
historique Nous ne voulons pas être une association d'anciens combattants comme les autres. Nous voulons justement changer tout cela, faire preuve de dynamisme et surtout obtenir une reconnaissance. Laurent Attar-Bayrou, un jeune horticulteur de 28 ans du parc de la Tête-d'Or, est un "ancien du Liban". Il tient à ce que cela se sache et, surtout, à ce que cela ne soit pas une "tare", un épisode oublié de son service militaire. Oublié surtout du gouvernement français. "Nous voulons surtout ne pas être des laissés pour compte. Ce serait trop facile". Pour ce faire, pour lutter contre l'indifférence, Laurent Attar-Bayrou a fondé une association. Celle des "Anciens des Missions extérieures", dont le siège est à Lyon. Une association qui regroupe les anciens de la FINUL, des Forces multinationales d'interposition à Beyrouth, des forces multinationales de sécurité, des casques blancs, de la police militaire, des gardiens d'ambassade et du corps diplomatique. Une association qui, soudain, prend du relief avec la récente attribution du prix Nobel de la Paix aux casques bleus. "Cela fait un drôle d'effet d'être Prix Nobel. Et nous sommes d'ailleurs l'association qui regroupe le plus grand nombre de Prix Nobel. Ce n'est pas si courent..." Avec, du coup, plein de projets dans la tête. En particulier celui de fonder une association internationale, à visée humanitaire. Selon Laurent Attar-Bayrou, être un ancien du Liban ce n'est pas une sinécure. Ni un titre de gloire que l'on peut porter fièrement en bandoulière. Tout simplement parce qu'une rois rentré au pays, tout le monde est très vite oublié. Ni médaille, ni réception et, surtout, aucun statut. Les dossiers sont classés dans un coin et oubliés. Bref, selon les membres de l'association, une fois déposé son casque bleu au vestiaire, il ne reste plus qu'à rentrer dans le rang sans rien demander ni exiger. "C'est une situation intolérable. Et surtout dramatique pour tous ceux qui ont été blessés au Liban. Une fois en France, ils n'ont droit à aucune pension. Ifs sont totalement démunis". Car ce que voudrait faire comprendre les membres de l'association, c'est que le Liban est une terre en guerre. Avec de faits d'armes. Et qu'il est inutile de se fermer les yeux en croyant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles pour les casques bleus : pour la seule année 1986, le dix-septième mandat envoyé sur place a eu à déplorer 27 blessé et 5 morts. "Il y a des faits d'arme. Et il y a des blessés parmi les jeunes volontaires. Il est inadmissible qu'on ne fasse rien pour eux à leur retour". Et Laurent Attar-Bayrou en sait quelque chose. Volontaire en 1982, il a perdu un oeil lors des combats. Et s'est heurté aux portes closes de tous les ministères pour obtenir une pension. "Le ministère de la Défense me renvoyait auprès de l'ONU. Et l'ONU, considérant que j'appartenais au détachement français, me renvoyait auprès du ministère de la Défense. La seule façon de sortir de l'impasse était de s'organiser". Chose faite avec le dépôt de statuts en 1985 et l'arrivée de nouveaux adhérents puisque l'association compte désormais trois cents adhérents [en 1988]. "Nous sommes organisés sur l'ensemble du territoire. Et, par notre action, nous parvenons à régler des problèmes : les dossiers sont traités plus rapidement. Même si nous attendons toujours l'obtention de la carte d'ancien combattant et des statuts spécifiques". Une entr'aide qui permet je faire face aux situations les plus critiques. "Dernièrement, nous avons retrouvé à Lyon un ancien "para" blessé à Beyrouth. Il n'est jamais passé devant une commission. Et, totalement sans ressources, il en était réduit à vivre à Perrache. Nous l'avons sorti de la rue et nous lui avons trouvé une place dans un foyer Sonacotra. C'est apparemment pas grand chose, mais c'est énorme quand on est dépourvu de tout". Mais l'association des "Anciens des Missions Extérieures", qui regroupe égarement les anciens du Tchad, de Madagascar, de Mauritanie du Zaïre et du Golfe arabo-persique, ne compte pas en rester là. Elle souhaite prendre de l'extension avec la création d'une "Association internationale des soldats de l'ONU" dont les statuts viennent d'être récemment déposés à la Préfecture du Rhône. Elle regrouperait d'ores et déjà deux cents adhérents de nombreux pays. "Pour faire respecter la Charte de l'ONU et aider les populations sous l'administration de l'ONU". Et c'est ce second point qui retient toute l'attention des responsables. "Nous souhaitons agir pour ces populations, par l'envoi de médicaments ou de vivres. Mais tous ces dons seraient confiés à l'ONU, qui st chargerait de les distribuer, afin d'éviter tout détournement". Pour le moment, l'association cherche encore une reconnaissance officielle définitive. "Il y a eu trois projets de loi nous concernant en 1987 mais ils n'ont pas été retenus. Les promesses électorales n'ont pas été tenues. De toutes façons, nous ne leur ferons pas de cadeaux". Mais elle peut d'ores et déjà s'enorgueillir de la "reconnaissance" d'Amine Gemayel, ex-président du Liban, dans son livre "L'Offense et le Pardon" : "Si les armées s'étaient retirée du Liban, les esprits et les coeurs n'avaient heureusement pas oublié le pays des cèdres. Lors d'un récent voyage à Paris, en février 1987, je reçus la visite de membres de l'association des anciens combattants français du Liban qui avaient demandé à me rencontrer. Des invalides, des aveugles et des rescapés me déclarèrent qu'ils ne regrettaient pas d'être venus défendre le Liban, qu'ils étaient fiers d'avoir servi chez nous". Source : "Si tous les soldats du monde" / Carole Chatelain in Lyon Figaro, 14 octobre 1988, p.36.
historique Laurent Attar-Bayrou, d'origine lyonnaise, est né en 1960. Il est lieutenant colonel de la réserve citoyenne. Il a été en mission au Liban sous l'égide de l'ONU (mission FINUL) en 1982-1983. Il a, par la suite, été affecté auprès de l'Etat-Major de Lyon. En 2019, il occupe les fonctions de Président de la FNAME-OPEX (Fédération Nationale des Anciens des Missions Extérieures), président international de l'AISP/SPIA, Juge assesseur au Tribunal des Pensions, vice-président de la Fédération Mondiale des Anciens Combattants (commission Europe), vice-président de l'International Advisor Committee Group et président de l'Académie Internationale de la Paix.
note bibliographique L'offense et le pardon / Amine Gemayel, 1988 [BM Lyon, K 192704].

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