[Jean Pouilloux, fondateur de la Maison de l'Orient]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0759 FIGRPTP3112 04
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 15 x 20 cm (épr.)
historique [Le 28 janvier 1988], Georges Duby va être introduit à l'Académie Française. Par un Lyonnais, Jean Pouilloux, président de l'Institut de France qui est aussi pour cette année celui de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres. Chaque académie prend à tour de rôle la présidence de l'Institut. "Je suis devenu membre ordinaire (membre "première catégorie") de l'Académie lorsque j'étais directeur au CNRS. Etant lyonnais, malgré le fait que j'habitais à Paris provisoirement, j'aurais dû être élu membre libre, titre attribué aux provinciaux. Mais, ils se sont trompés. Je suis un cas unique", explique malicieusement Jean Pouilloux, A l'en croire, il ne mérite pas un tel honneur. Il suffit de lui demander de raconter sa vie pour qu'il réplique aussitôt : "Ma vie est sans histoire, c'est pour cela qu'elle est heureuse. J'ai eu une vie bête d'universitaire qui a commencé à l'école maternelle pour finir à l'école normale." Certes, mais il suffit d'écouter Marie-Josée Chavane, chargée des relations extérieures à la Maison de l'Orient méditerranéen, et ancienne étudiante du Pr Pouilloux, pour deviner que cette "vie bête d'universitaire" cache une activité débordante. Après l'Ecole Normale, Jean Pouilloux s'envole pour l'Ecole d'Athènes. Cette institution reçoit, après un concours très difficile, six étudiants par an. Là, Jean Pouilloux, qui s'est découvert durant ses années de normalien, une véritable passion pour le grec ancien, va apprendre l'épigraphie, science qui a pour objet l'étude des inscriptions. En 1949, Jean Pouilloux, qui a trente-deux ans, entre à la faculté des lettres de Lyon, en tant qu'assistant d'histoire ancienne. "Je n'ai pas tenu en place longtemps. J'ai réuni des étudiants pour leur parler d'épigraphie et en 1959, nous avons fondé l'institut Fernand-Courby, qui va devenir le centre d'épigraphie grecque pour toute l'Europe". Mais cet institut devient rapidement trop petit pour la passion de Jean Pouilloux. En 1975 est crée la Maison de l'Orient méditerranéen. Cette Maison est un groupement scientifique associant l'université Lyon II et le CNRS. Son champ d'investigation : de la préhistoire au monde arabe contemporain. "C'est une immense bibliothèque où l'on peut trouver des livres sur toutes les époques sans avoir à changer de bâtiment. Il n'existe pas de centre de ce type ailleurs et on nous l'envie." Jean Pouilloux, fondateur et directeur jusqu'en 1979 de la Maison de l'Orient, a également été directeur des Sciences Humaines au CNRS pendant sept ans, de 1976 à 1982. "Les sciences humaines sont le parent pauvre du CNRS. Elles sont atomisées et dispersées. J'ai voulu créer des points de cristallisation de la recherche dans ce domaine. J'ai tenté de donner des moyens de travail identiques pour tous." C'est ainsi que vont naître la Maison Ibérique à Bordeaux, celle de la Méditerranée à Aix-en-Provence et l'Institut d'Art à Paris qui, lui, n'existe plus aujourd'hui. Mais Jean Pouilloux n'a pas l'intention d'en rester là malgré les difficultés rencontrées à chaque présentation de projet. "Il tau! mériter ce que l'on obtient par l'entêtement et l'enthousiasme face à l'administration." De l'enthousiasme, il n'en manque pas malgré son âge et quelques ennuis de santé. Il suffit de lui demander de raconter ce qu'il a fait et découvert quand il était en Grèce. "La Grèce ? Mais je n'en suis jamais revenu." Et Jean Pouilloux de se perdre dans la contemplation des photos de fouilles qui ornent son bureau. "A Delphes, où nous avons travaillé pendant longtemps, on m'a apporté un matin une petite pierre. portant une inscription qui résolvait un problème. Il y était expliqué comment les cités grecques s'étaient entendues pour reconstruire le temple d'Apollon. Elles avaient contribué à cette reconstruction en demandant une obole par habitant de chaque cité, la même pour tous. Cette petite pierre a balayé en un matin toutes les thèses établies jusqu'à présent." Mais c'est à Salamine de Chypre, où il est resté pendant dix ans par intermittence, "jusqu'à ce que les Turcs nous mettent à la porte", souligne-t-il, que Jean Pouilloux a vécu sa plus belle découverte. "Un des soldats chypriotes qui étaient sur le site de Salamine fait tomber son casque dans un puits. Il descend le récupérer et remonte, avec dans les mains. des vases datant du onzième siècle av. J.C. Or, tout le monde pensait que Salamine n'avait pas existé avant le septième siècle". Le sentiment que procure une telle découverte, Jean Pouilloux le définit en une phrase : "Nous faisons reculer constamment l'histoire". Après le rêve, la réalité. La Maison de l'Orient est le "bébé" de Jean Pouilloux. Et en bon père qu'il est il s'inquiète pour l'avenir de sa progéniture. "Nous avons besoin de crédits pour continuer à vivre. Quand une bibliothèque commence à mourir, cela va très vite". Au début, la Maison était subventionnée par le Conseil Général et la municipalité de Lyon. Aujourd'hui c'est l'Etat, et l'université Lyon II qui lui fournissent les fonds. "Il sont insuffisants. Il nous suffirait d'un capital de cinq millions pour ensuite faire tourner le centre". Autre remarque amère de Jean Pouilloux : "Les gens viennent du monde entier pour travailler à la Maison de l'Orient. Et à Lyon même, rares sont ceux qui la connaissent. C'est pourquoi je vous dis que je ne suis pas intéressant. C'est cette maison qui compte et ce serait dommage qu'elle disparaisse après quinze ans d'existence." Et le Professeur Pouilloux de repartir vers ses occupation. Il faut qu'il se prépare à revêtir l'habit de président de l'Institut de France. Source : "Les découvertes du professeur Pouilloux" / Hasmig Papazian in Lyon Figaro, 28 janvier 1988, p.44.

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