[Théâtre national Populaire (TNP). "Fragile forêt", de...

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0741 FIGRP03539A 002
technique 1 photographie négative : noir et blanc ; 6 x 6 cm
description Aurélien Recoing (?), comédien. Adresse de prise de vue : Théâtre National Populaire (TNP), 8, place du Docteur Lazare-Goujon, 69100 Villeurbanne.
historique Coup d'oeil en coulisses sur une répétition de "Fragile forêt", un des volets du diptyque que Roger Planchon crée au T.N.P. de Villeurbanne. Première les 11 et 15 mars 1990.
historique "Veux-tu venir mourir, Gérard?". "Oui, avec plaisir..." Le ton est donné. Guillaumat se couche sur la scène, et Planchon suit d'un oeil attentif la énième reprise d'un tableau de Fragile forêt. Commencées à Paris le 18 décembre [1990], les répétitions des deux pièces que Roger Planchon met en scène au TNP, "Fragile forêt" et "Le vieil hiver", deux oeuvres dont il est également l'auteur, se peaufinent depuis trois semaines à Villeurbanne. Une rude tâche qui n'est pas sans rappeler celle d'un certain Sisyphe. 14 heures, un de ces derniers jours de répétition. Sur la scène du TNP habillée de froidure pour "Fragile forêt", passent et se déplacent somnambuliques, brouillonnant des gestes, se lançant à eux-mêmes leurs répliques, quelques acteurs qui s'essayent à leurs rôles. Dans la salle, les autres attendent. Cigarettes, biscuits et petites conversations. Bientôt, tous, ils seront de nouveau, dans les intermittences d'une répétition comme les autres, Eyriac, Blanche, Gédéon, de Béage, Isabelle... L'atmosphère est à la fébrilité tranquille. Un mélange de décontraction et d'attention. "14 heures -17 heures, tableau 10, Fragile forêt", indique le planning du jour. A une semaine et des poussières de la première, l'essentiel est calé à ce qu'il semble. Les textes à peu près sus. Restent toutefois des problèmes à régler. De mise en scène, de jeux d'acteurs. Calme, concentré, le texte en main, ou la main dans les cheveux, selon le degré de perplexité, Roger Planchon est à l'écoute de ses comédiens. Et parmi eux quand il s'agit de régler un détail ou de réfléchir sur un problème particulier de dramaturgie. Souple, ouvert, tendu parfois mais sans violence, il prend en compte toute suggestion venant de leur part. Quand ça coince, on parle. Un problème d'interprétation intervient. Planchon attend un jeu léger, ironique, amusé ; on lui sert un texte en force et en brutalité. Conciliabule avec Maurice Barrier et Aurélien Recoing, qui requièrent quelque éclaircissement quant à la dramaturgie et à l'état d'esprit hic et nunc des soudards qu'ils incarnent. Chuchotis, chuchotas. C'est fou ce qu'on entend mal des rangs des spectateurs quand on parle bas sur la scène... Par bribes, on comprend vaguement que Planchon en appelle à la guerre du Golfe pour mieux faire passer le message. Une question de négociation dans une prise d'otage. De position de force... "Si tu le sens", formule magique qui permet tout. Regardant sur le jeu, exigeant sur la justesse du ton ("moins de théâtre", "fais le moins mélo", "ne déclame pas"), Roger Planchon ne cultive en revanche aucune susceptibilité d'auteur. Un mot du texte gêne ? Un comédien achoppe sur une phrase ? "Je coupe si tu veux", "Dis-le autrement, ça me dérange pas". Courtois, ferme, il est aussi pince sans rire. A l'opérateur de la bande-son qui suicide généreusement Gérard Guillaumat de deux balles, il lance : "Une seule balle suffira, les minutes sont mesurées." Et à un acteur dont il écorche systématiquement le nom du personnage : "Dis-toi que j'ai eu deux fils et que je n'ai jamais pu savoir leur nom...". "Cinq, quatre, trois, deux un. En place..." annonce Philippe Delaigue, son assistant. En place pour revoir le tableau 10. A peine les ultimes péripéties de la pièce prennent-elles vie sur le plateau, telles que la dernière répétition les avaient arrêtées, que Planchon réagit. Et le voilà quittant soudain la salle pour être au plus près de la scène. En une heure, ce sont trente à quarante modifications qui s'improvisent. Voir un changement complet. Une manière de gagner du rythme, de supprimer des temps morts. Au comédien d'assimiler promptement ce coup de fraîcheur qui coupe les habitudes, mais peut tout aussi bien désorienter. Et tout désorganiser. L'inspiration du jour, harmonieuse à l'oeil, rend caduques des solutions antérieures et soulève des questions. "Et maman, comment est-ce qu'elle arrive maman?" Tout le monde se le demande, Bérangère Bonvoisin la première. Quant au poupard récurrent qui encombre ponctuellement les bras des uns et des autres, on ne sait plus, pour l'heure, comment s'en débarrasser. On ne peut tout de même pas le balancer en coulisse. Pour l'instant, Planchon ignore le poupard et son problème. Moyen de faire autrement ? Le plus pressé est de vérifier si la scénographie remaniée tient le coup. En place pour le tableau 10, deuxième... Très vite un retentissant "Stop, je me suis planté. Oubliez ce qu'on a fait cet après-midi" fige tout le monde. Retour à la version précédente. "Je sais que c'est pénible, prend soin de commenter le metteur en scène, mais on a beaucoup gagné malgré les apparences." Obstiné peut-être, mais pas têtu, Roger Planchon. L'obstacle qu'il rencontre, il le contourne plutôt que d'y buter vainement, de s'y enliser, perdre du temps. La solution existe, simplement, il ne l'a pas encore 'trouvée. Alors il poursuit, imperturbable. A un moment, pourtant, assis en tailleur sur la scène parmi ses comédiens formant un arc de cercle autour de lui, il avoue paraphrasant un de ses personnages : "J'ai honte, j'ai toujours honte de ne pas trouver." Source : "Moments de répétitions" / Nelly Gabriel in Lyon Figaro, 11 mars 1991, p.35.
note à l'exemplaire Ce reportage photographique contient 250 négatifs.
note bibliographique "Cent fois sur le métier..." / N.G. [Nelly Gabriel] in Lyon Figaro, 11 mars 1991, p.36. - "Roger Planchon, la guerre des neiges" / Jean-François Albert in Lyon Libération, 12 mars 1991, p.8-9. - "Les contes d'hiver du capitaine Plachon" / René Solis in Lyon Libération, 22 mars 1991. - "Planchon, Planchon et Planchon" / Nelly Gabriel in Lyon Figaro, 27 mars 1991, p.32.

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