[Inauguration de l'Opéra national de Lyon, version Jean...

[Inauguration de l'Opéra national de Lyon, version Jean Nouvel]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0741 FIGRPTL0148 29
technique1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 18 x 24 cm (épr.)
historiqueAprès six ans d'absence, Lyon a retrouvé les fastes de son opéra, lors d'une représentation placée sous le signe du plaisir et de la musicologie, avec la création de "Rodrigue et Chimène", de Debussy. En présence du ministre de la Culture, Jacques Toubon, et du maire de Lyon, Michel Noir.
historiqueTout avait commencé le 14 mai 1993. Celui de la première. Entendons par là l'ouverture du nouveau bâtiment, où se pressaient quelques vrais mélomanes, de nombreux journalistes lyonnais, parisiens ou étrangers et encore plus d'invités, au premier rang desquels s'était installée une brochette de conseillers municipaux lyonnais, comme on en voit rarement dans les concerts moins médiatiques. Il est vrai que les caméras de télévision étaient là ! Bien présentes. Mitraillant Louis Erlo épanoui embrassant Edmonde Charles-Roux, ou guettant Jacques Toubon, qui arrivait tout droit du Festival de Cannes, via une conférence de presse sur l'aide à la création musicale contemporaine, qui s'était tenue... à Oullins. D'où les premiers commentaires, pervers, où d'aucuns se demandaient pourquoi ladite conférence n'avait pas eu lieu dans la cité de Michel Noir... Allez donc savoir. "Que c'est noir !", répétaient en écho d'autres voix, visant cette fois-ci l'imposante bâtisse. "Que c'est noir et que c'est haut !". Et chacun de s'agglutiner devant le maigre escalator grimpant vers les sommets. Vers le saint des saints : la salle. Plaisanteries un rien égrillardes, au sujet du satin rouge vif tapissant les sas d'entrée. "Ça me rappelle certaines maisons d'avant 1945", commentait tout haut un vieux Lyonnais, sous l'oeil réprobateur de son épouse. Puis nouvelle exclamation : "Que c'est sombre !". Une fois l'oeil habitué à la pénombre, chacun s'employait à retrouver sa place, avec l'aide compatissante de juvéniles hôtesses. Une fois le siège trouvé et la petite lumière jaune illuminant chaque visage, acceptée, les yeux se portaient qui vers le rutilant rideau de scène tissé d'or ("tissé à Lyon, j'espère !", lançait une dame peu amène qui en était à son deuxième fauteuil), qui vers les fameuses barres de sécurité, qui allaient gêner la vue des balcons supérieurs, qui vers ses vojsins. On commentait les présences et les absences. Celle de l'ancien maire Francisque Collomb dans le premier cas, celle de l'ancien adjoint à la Culture André Mure dans le deuxième. Invité ou pas invité ? Allez-donc savoir. Puis cela était l'instant inévitable des discours satisfaits. Devant son "cher Jacques", le maire de Lyon commençait par une jolie formule ("l'Opéra était inopérable, il fallait pratiquer un greffe totale"), citait Vitez, en profitait pour glisser que, dans le même temps où elle reconstruisait son Opéra, la ville consacrait deux fois plus d'argent pour la rénovation de ses écoles et terminait par un vibrant : "Mesdames, Messieurs, vous êtes dans un instrument." Devant son "cher Michel", le ministre de la Culture donnait dans le cocardier : "Qu'elle est belle la France !". Il saluait ce lieu qui est "incontestablement la deuxième scène lyrique française" et ce grand événement national "qui se déroule à Lyon et non à Paris", citait Malraux et concluait : "Il n'y a pas d'Opéra sans qu'il soit l'opéra du peuple." Puis les lampes s'éteignaient. Kent Nagano montait au pupitre sous les applaudissements et attaquait pour la première fois au monde, le prélude de "Rodrigue et Chimène". Un siècle après sa composition. Il était 20h50. Le rideau d'or pouvait s'envoler vers les cintres... 1h20 plus tard, les derniers applaudissements mourraient quand les petites lumières se rallumaient. Et les commentaires allaient bon train, jusque sous le péristyle, redevenu le dernier lieu où l'on cause. L'acoustique ? On s'accordait pour la juger positivement. De "bonne, mais la fosse couvre les voix", à "excellente, claire, limpide, impitoyable". Les proportions ? Elles faisaient la quasi unanimité, certains parlant de "convivialité, de communion avec la scène", d'autres, peu séduits par le noir intégraI, trouvant le lieu "vraiment pas gai. Sinistre !". Restait le problème de la visibilité, jadis argument-massue des directeurs pour obtenir la destruction de l'ancienne salle, où les places mal-voyantes étaient légion. Elles semblent hélas, également bien présentes dans la nouvelle : sur les côtés ("j'en ai pris un torticolis", lançait, rageur, un jeune spectateur), aux balcons ("le problème avec cette maudite barre, c'est qu'il faut constamment regarder ou par dessus, pour par dessous. Ça lasse !", avouait un journaliste casé en solitaire sur les hauteurs. On se consolait, un peu, en songeant que même l'un des premiers adjoints de la cité avait dû jouer les hommes serpents, pour goûter pleinement le spectacle. Un spectacle qui, du coup, passait au second rang des discussions... Bis repetita le lendemain, dans une ambiance nettement moins aphone : le bruit courait que Louis Erlo allait tordre le coup aux sacrosaints Contes d'Hoffmann. On allait voir ce qu'on allait voir... On entendit surtout ! Quand le maire, les directeurs et l'architecte crurent indispensable de paraître à nouveau sur scène et que le premier édile de la cité crut devoir reprendre en grande partie son discours de la veille, l'orage éclata. Cris, huées, quolibets, ricanements, insultes et même sifilets à roulettes (pas ressortis des poches depuis un certain Parsifal donné il y a une quinzaine d'années, déjà dans une mise en scène d'Erlo !), placèrent d'emblée le nouveau théâtre sous le signe de ces grandes soirées de chahut du siècle dernier [...] Source : "Les trois J du nouvel Opéra" / Gérard Corneloup in Lyon Figaro, 17 mai 1993, p.1 et 15.
note à l'exemplaireNégatif(s) sous la cote : FIGRP06066.
note bibliographique"Un soir à l'Opéra" in Lyon Figaro, 15 mai 1993, p.1. - "Ouverture après finitions" / Gérard Corneloup in Lyon Figaro, 24 septembre 1993, p.1 et 22.

Retour