[La Fanny du clos Jouve]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0707 CRDP R16173
technique 1 photographie positive : diapositive couleur ; 36 x 24 mm
historique Le clos Jouve, à la Croix-Rousse, au départ du fameux boulevard, c'est d'un côté les terrains de sport où s'entraînent les élèves des nombreux établissements scolaires du Plateau ; de l'autre, l'espace réservé aux boulistes, un véritable clos, ombragé d'acacias soigneusement taillés où l'on pointe, tire et... manque, dans une ambiance chaleureuse mais recueillie. Les pouvoirs publics ont tenu à consacrer cet endroit où se pratique traditionnellement le culte de la boule en proposant, il y a quelques années, d'offrir une Fanny aux boulistes croix-roussiens. La Fanny, c'est la défaite totale d'une équipe. Dans la pure tradition bouliste, c'était le pensum du perdant qui devait embrasser les fesses d'une servante malodorante. Cette coutume, dont la finesse et la misogynie n'échappent à personne, devint vite symbolique, et l'on vit fleurir, dans le secret des clos, des images naïves et truculentes, au style proche de celui des ex-votos, que le malchanceux devait embrasser presque religieusement afin de conjurer sa défaite. La municipalité de la Croix-Rousse organisa alors un concours des plus officiels dont le Jury distingua le projet... d'une femme, Geneviève Böhmer ! C'était une sculpture conçue à la fois pour un espace public et pour respecter une tradition. Le choix ne fut pas exactement du goût de tous, mais le temps apaise les contestations et la Fanny de Böhmer, enfin réalisée dans un beau bronze aux teintes chaudes, était installée au clos Jouve, le mercredi 20 mai 1987, par une de ces matinées pluvieuses. Ainsi les boulistes sont-ils à l'honneur et le quartier s'enrichit d'une oeuvre d'art. Böhmer n'en est pas à son coup d'essai. C'est à elle que l'on doit la fontaine qui est devant la Bourse du travail. De même, on peut voir au musée des Beaux-Arts une de ses premières sculptures, une Vénus rose chargée de mamelles comme les divinités primitives de la Fécondation. Böhmer aime la vie, les gens, le corps humain. Elle travailla toujours à partir du moulage. Pour sa Fanny, elle est partie de la boule, de la sphère, forme complète et équilibrée, et joue la transparence. Elle n'a pas voulu s'imposer à l'espace en le barrant par un volume, elle l'a capté. Sa sphère est composée de mots, ceux du bonheur, de la joie : plaisir, désir, rire, mémoire... Fanny 20 ans, Fanny 100 ans. Elle a joué des jambages, des déliés. Elle a mené la vie dure à son fondeur drômois, Bruno Cufini, et malmené plus encore les soudeurs de Benemadlnox, avec lesquels il a fallu attacher solidement les mots de bronze. Solidement et parfaitement car Bohmer est une perfectionniste : "Tout parait simple, dit-elle, mais ça ne l'est pas". Dans cet espace presque aérien, il y a une fleur dont le coeur est une bien jolie paire de fesses: "Ce sont aussi des grosses joues", ajoute-t-elle en souriant. La tradition est respectée : il faudrait au perdant ouvrir la porte de la sphère comme celle d'un tabernacle et s'agenouiller ou presque, pour embrasser cette appétissante Fanny. En un mois, elle s'est installée dans le paysage dont elle fait partie ; à cet endroit plein de charme et de vie, elle apporte encore autre chose, ce que personne n'aurait osé nommer poésie. Source : "Une Fanny pour les boulistes" / Elyane Gérome in Le Progrès de Lyon, 21 juin 1987.

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