[Marché des viandes de Corbas]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0741 FIGRP08286 003
technique 1 photographie négative : noir et blanc ; 36 x 24 mm
historique Dans la grande halle de Corbas, l'horloge suspendue aux poutrelles a depuis longtemps perdu ses aiguilles, mais le temps au fil des années n'a jamais cessé d'être scandé par les grandes ventes du mardi lors desquelles 1200 bêtes trouvent chaque semaine acquéreur. Depuis le 2 avril 1996, pourtant, le temps et les cours du bétail sont totalement déréglés. Le boeuf n'a plus de cotation sur le marché de Lyon et les transactions ont été trop insignifiantes pour en tirer d'autres conclusions que celles catastrophiques prévues par l'ensemble des professionnels. Le marché de la viande s'est effondré et la région Rhône-Alpes qui avait jusqu'alors tenté de résister, est malgré elle rattrapée par le syndrome de la vache folle. La veille, c'est sur le carreau de Saint-Etienne que les cours ont chuté tandis qu'à Corbas étaient suspendues les cotations sur les carcasses. A Corbas, le marché du vif a donc été à son tour touché et la commission hebdomadaire s'est refusée à statuer. Fait sans précédent de mémoire de son président. [...] Entre les travées vides et les allées emplies de colère, il n'y avait de place commerciale que pour l'urgence et les vieilles fidélités, soit un volume de ventes de deux tiers inférieur à la normale et des prix au kilo en chute libre. Bien qu'aucun chiffre n'ait été officiellement énoncé, la baisse semble de l'ordre de 20%, voire plus et les effets induits s'annoncent illimités. Toute la filière viande est sinistrée, le marché des abats n'existe plus, celui des sous-produits a disparu de l'horizon immédiat, éleveurs et chevillards parlent de conséquences financières irréparables, mais plus fort encore est le sentiment d'injustice que tous n'en finissent pas de ressasser. [...] Spectateurs impuissants d'une défaite annoncée, ils dénoncent en vrac une médiatisation outrancière, une Europe caricaturale et un gouvernement incapable de reprendre les choses en main. Pourtant, ce n'est pas le monde que l'on refaisait le 2 avril sous la halle. Qu'ils viennent d'Italie pour acheter, des Vosges pour vendre, qu'ils aient leurs abattoirs sur place ou qu'ils dirigent une partie du négoce, les hommes des mardis de Corbas sont des gens du concret et les héritiers d'une tradition qui a conservé ses rites et ses castes. Si l'agro-alimentaire compte encore quelques aristocrates, ce sont bien eux qui enragent de se faire doubler par les industriels de la viande blanche et d'oeuvrer pour des consommateurs de Cellophane. Alors, au plus noir de cette semaine et au creux d'une vague dont ils ignorent l'amplitude exacte, ils sont deux ou trois à dire tout haut qu'au bout des mécomptes, la viande rouge retrouvera des cotations en accord avec sa qualité. Deux ou trois à rêver, tandis que le plus gros des blouses noires parle de manipulation made in USA, d'une orchestration du désastre élaborée Outre-Atlantique à fins d'implantations sur les marchés européens et d'une stratégie britannique visant à régler un problème sanitaire ancien via les finances de la Communauté... Quelles que soient les causes, les conséquences se jouent sur le bétail vif, ces bêtes à maturité qui, si elles ne sont pas abattues dans les jours qui viennent, vont faire du gras, perdre encore de la valeur et ruiner la trésorerie des producteurs. Toute la filière viande en appelle à l'Etat, à des achats massifs et au retour de la viande d'intervention. Ce qui n'exclut pas quelques interrogations majeures sur le silence observé par les grandes fédérations du monde agricole. Source : "L'effondrement d'un marché" / Sophie Bloch in Lyon Figaro, 3 avril 1996, p.1.
note à l'exemplaire Ce reportage photographique contient 71 négatifs.

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