[Procès Klaus Barbie : Me Andreani-Jungblut, avocate du...

[Procès Klaus Barbie : Me Andreani-Jungblut, avocate du barreau de Francfort]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0759 FIGRPTP1863 01
technique1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 20 x 15 cm (épr.)
historiqueLe procès de Nikolaus dit Klaus Barbie s'est déroulé du 11 mai au 4 juillet 1987 devant la Cour d'Assises du département du Rhône, au Palais de Justice de Lyon. C'était la première fois en France que l'on jugeait un homme accusé de crime contre l'humanité. Les charges retenues contre Barbie concernaient trois faits distincts : la rafle opérée à Lyon le 9 février 1943 à l'Union Générale des Israélites de France (UGIF), rue Sainte-Catherine ; la rafle d'Izieu du 6 avril 1944 ; la déportation de plus de 600 personnes dans le dernier convoi parti le 11 août 1944 de Lyon à destination des camps de la mort. Au terme de huit semaines d'audience, Klaus Barbie est condamné le 4 juillet 1987 à la réclusion criminelle à perpétuité. Il décède le 25 septembre 1991 à la Prison Saint-Joseph à Lyon.
historique"Lorsque l'une des parties civiles, le M.R.A.P., m'a demandé, par l'intermédiaire de son conseil, de prendre la parole à ce procès, j'ai été touchée. On fait intervenir ici une ressortissante d'origine allemande dans un procès jugeant un accusé allemand, de l'époque nazie. Qu'est-ce que cela signifie ?" C'est avec des mots simples que Me Andreani-Jungblut, du barreau de Francfort, a plaidé le 23 juin 1987. Une trentaine de minutes à peine. Sans effets de manche, ni de langage. Utilisant les mots avec la précaution et la pudeur de quelqu'un qui a fait l'effort d'en mesurer le sens exact. Une intervention justement axé sur le sens du langage, sa signification profonde. "On m'a accordé la confiance, à une Allemande de la génération d'après-guerre. Pour que cette génération d'après-guerre prenne clairement position. Pour qu'elle quitte le simple rôle d'observateur. Pour défendre le droit au delà des frontières. C'est une confiance exceptionnelle face à la gravité des crimes qui sont reprochés à l'accusé..." Et puis, évoquant toujours sa position dans ce procès, l'avocate a insisté sur le poids du passé dans la conscience allemande : "Cette histoire du troisième Reich me concerne. On ne peut rester ni indifférent ni refuser cette lourde succession qui se transmet déjà par le langage. Ce langage est choquant pour celui qui parle la langue. Ce langage semant la mort pour les races classées inférieures. Me Andréani-Jungblut se servait alors du fameux télex d'Izieu, signé Klaus Barbie, pour illustrer son propos. Elle a relu en allemand le début de ce texte où Barbie rendait compte de la rafle des quarante-quatre enfants juifs à ses supérieurs : "In den heutigen morgendtuden wurde das juedische kinderheim 'colonie enfant' in Izieu-Ain ausgehoben". Et citant les différentes traductions, l'avocate insistait sur la "portée des mots employés'. Notamment ce mot "ausgehoben" qui signifie non pas que ces enfants juifs ont été arrêtés, mais qu'ils ont été 'dénichés, comme on déniche un nid d'oiseaux, comme on détruit des éléments nocifs". Révélateur pour elle, l'utilisation de ce terme : "Quelle méditation ! Quel mépris de l'être humain ! Car les enfants sont assimilés à des bêtes qu'il faut éliminer. Comme plus loin lorsqu'on parle de 'dix têtes' pour désigner l'arrestation de dix adultes. C'est particulièrement effrayant pour parler d'êtres humains". Même analyse pour ce terme "appréhender" concernant des enfants, "terme juridique, alors que dans toutes les nations civilisées, on admet que les enfants ne sont pas pénalement responsables". Rappelant que les nazis avaient produit un texte référence sur "le langage à tenir pour l'évacuation des Juifs", Me Andréani-Jungblut expliquait alors : "Le procès constate l'existence de ce langage, de ce vocabulaire. Barbie est absent. Il laisse parler ses défenseurs, car son langage le trahirait !" Et l'avocate allemande évoquait cette "fuite de Barbie précédée d'une fuite de son identité" : "Mon confrère, Me Klarsfeld, a désigné chacune des victimes d'Izieu par leur nom, en évoquant leur brève existante. On doit aux victimes le nom du responsable et du système. Alors, permettez-moi de désigner le responsable". Et cette jeune femme représentant le M.R.A.P., Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, insistait alors sur le "poison" et la "drogue" du racisme qui diffuse "le mythe de la race supérieure", qui flatte les instincts les plus bas. Et qui mène au crime contre l'humanité. Pour conclure : "Il faut juger le mauvais pour enseigner le bon". Source "Une voix allemande contre l'ancien S.S." / Ph. Brunet-Lecomte in Lyon Figaro, 24 juin 1987, p.5.
note bibliographique"Me Elfrun Andreani-Jungblaut (sic) : l'inhumanité des mots" / E.B. in Lyon Matin, 24 juin 1987, p.4.

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