["Les coboy de Corbas" (sic), graffiti]

["Les coboy de Corbas" (sic), graffiti]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0740 FIGRPT3225 01
technique1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 15 x 20 cm (épr.)
descriptionGraffiti sur les toilettes publiques ou vespasienne de la place de la République à Mions. A l'arrière plan, l'Eglise Sainte Marie Madeleine. Inscription(s) sur l'image : "Les coboy [cow-boys] de Corbas / les cocus, les hommes / qui ne veau pas un pé / de lapin / il tirent / par la peure" ; "Préfabriqué Granito / Kiosques - w.c - urinoirs / bancs publics / S.A. Francioli & Cie / Villefranche s/s / (Rhône)".
historiqueMions : deux jeunes soupçonnés de cambriolage tentent de forcer un barrage à bord d'une voiture volée. Les gendarmes tirent et abattent le passager. De violents incidents ont ensuite opposé les amis de la victime aux pompiers venus éteindre des voitures incendiées.
historiqueLes forces de gendarmerie n'ont pas tardé à mettre un chien en piste après les événements tragiques de la nuit [du 17 au 18 juin 1987] au cours de laquelle le jeune Aziz Bouguessa a trouvé la mort en voulant forcer un barrage, tandis que son compagnon, le chauffeur de l'Audi 90 volée, avait plus de chance et trouvait le moyen de s'enfuir. "Le chien nous a conduit au pied du bâtiment HLM des Petites Brosses, là où vit la famille de Bouguessa. Nous avons attendu l'heure légale, six heures, et nous avons procédé à une perquisition mais rien n'a été trouvé", commente le lieutenant-colonel Drevon. Rue Charles-Péguy, à proximité des lieux de la fusillade, les copains des deux fuyards ne donnent pas la même version des faits que la Gendarmerie. [Le 18 juin], ils ont même filmé le chauffeur, lequel a témoigné de cette folle nuit avec une cagoule sur la tête. Mais, rappelons le déroulement de ce fait-divers à propos duquel tout semble évident pour les gendarmes, mais sur lequel les proches d'Aziz Bouguessa laissent planer le doute. Prévenus par un témoin qu'un cambriolage se déroule au Centre de la chaussure, au coeur de la zone industrielle de Mions-Corbas, les gendarmes de Corbas, en principe sur le qui-vive dans ce secteur, interviennent aussitôt tandis que les cambrioleurs prennent la fuite. Un dispositif de bouclage du quartier est mis en place tout aussi rapidement. Il est vrai que dans ces lieux, la pratique est courante, aussi les gendarmes se montrent vigilants. Selon le Lt-colonel Drevon, "c'est a bord d'une Audi 90 blanche volée que les malfrats prennent la fuite". Une première divergence avec la version des jeunes de la rue Charles-Péguy qui s'appuient sur les dires du compagnon de Bouguessa : "La voiture volée d'accord, mais le vol dans le magasin de chaussures, non ! Ce ne sont pas eux. Comme la tentative de cambriolage dans le magasin de meubles BUT de Saint-Laurent-de-Mure." Effectivement, dans ce deuxième cas, il est impossible que Bouguessa et son compagnon aient voulu déménager ce magasin. Le Lt-colonel Drevon le confirme : "Ces faits se sont déroulés dans le même temps et les cambrioleurs se sont enfuis à bord d'une voiture légère en direction de l'Isère, en laissant leur plein camion de mobilier sur place." Il est 2h30 et dans la zone industrielle de Mions-Corbas, le rodéo est engagé. A trois reprises le conducteur de la voiture en fuite fera demi-tour à la vue des patrouilles de gendarmes stationnées aux carrefours stratégiques du secteur. La quatrième fois s'achèvera de façon tragique... Cernés par le dispositif, les deux jeunes tentent de forcer un barrage improvisé par deux gendarmes qui ont mis leur Renault 4 en travers de la route. "L'Audi fonçant plein phare et à grande vitesse sur ce barrage, ne voulant pas s'arrêter malgré les signes des gendarmes, ceux-ci ont tiré. L'usage des armes était parfaitement justifié. Cette voiture constituait une véritable arme", commente avec assurance le Lt-colonel Drevon. "Le chauffeur ne pouvait ignorer qu'il s'agissait d'un nouveau barrage. La patrouille s'est portée au devant de la voiture folle pour l'inciter à s'arrêter. Devant cette menace, les gendarmes ont tiré six coups de feu : les premiers l'ont été à hauteur du pare-choc avant, une balle s'est logée dans la portière droite au moment où la voiture a tenté d'effectuer un demi-tour précédé d'une embardée. Puis, des coups de feu ont été tiré dans la lunette arrière", ajoute le commandant de la Gendarmerie. C'est d'ailleurs probablement, l'une de ces dernières balles qui a tué Aziz Bouguessa. Six cents mètres plus loin, la patrouille, qui entre temps avait engagé la poursuite à bord de la R4, retrouvait l'Audi 90 abandonnée... et le cadavre du passager. "Notre première préoccupation a été de dépêcher des secours", dit encore le Lt-colonel Drevon. Là encore les jeunes de la rue Charles-Péguy ne sont pas d'accord : "Aziz nous dit que les gendarmes étaient cachés. Ils n'avaient pas de lampe-torche et n'ont pas fait de sommations. Il n'y a pas eu d'embardée. Aziz les a vu au dernier moment et a crié au chauffeur de ralentir. C'est à ce moment que les gendarmes ont tiré. S'ils étaient allés vite, ils n'auraient pas pu faire demi-tour. Aziz et son copain savaient que forcer un barrage, c'était aller à la mort..." C'est ainsi que dans la journée [du 18 juin] une trentaine de personnes est allée manifester devant l'immeuble HLM du jeune Bouguessa, puis en milieu d'après-midi, une délégation a été reçue par Louis Miachon, le maire de Mions, qui a lancé un appel au calme. Mais, si la manifestation s'est achevée sans le moindre incident, il allait en être autrement quelques heures plus tard... Le Lt-colonel Drevon raconte : "Cette nuit (du 18 au 19 juin), c'est simple, c'est un véritable guet-apens qui a été tendu aux gendarmes et aux sapeurs-pompiers. Avertis entre 0h50 et 1h que trois voitures étaient en feu à proximité des Petites Brosses, ceux-ci sont intervenus croyant à un accident. Lorsqu'ils sont arrivés, ils ont été accueillis par une vingtaine d'énergumènes dont la plupart avaient le visage masqué, et qui leur ont lancé des pierres, des pavés et des billes d'acier a l'aide de frondes. L'un des pavés a même atteint le chauffeur d'un véhicule de gendarmerie qui a fait une embardée. Une manoeuvre désespérée lui a permis de s'éloigner des voitures en feu et de cette bande... Un piège duquel les deux véhicules de gendarmerie ont pu sortir. Un sapeur-Pompier a été blessé au genou et le camion-pompe est abimé." Vu la situation, gendarmes et pompiers durent se contenter de regarder brûler les trois véhicules volés par les jeunes du quartier après un face-face qui s'acheva à trois heures, à ce moment-là les voitures incendiées, une Ford Sierra, une Renault 20 et une Peugeot 305, ne présentaient plus de danger. Les gendarmes et les sapeurs-pompiers ont fait preuve d'un sang-froid remarquable mentionne le Lt-col. Drevon. Une version qui est nouveau à différencier de celle des copains d'Aziz Bouguessa : "Ce feu n'était pas un traquenard !... Maghrébins et gitans du quartier faisaient une veillée ensemble. Si les anciens ne s'entendent pas toujours très bien, ce n'est pas le cas des jeunes qui se sont excités et sont allés voler ces trois bagnoles. S'ils les ont fait brûler, c'était en signe de protestation et ils ne voulaient pas que ce feu soit éteint", raconte un riverain, un homme mûr et calme au teint mat, qui participait à cette veillée particulière. Pour l'heure la gendarmerie poursuit son enquête "dans le cadre du flagrant délit, et dans l'environnement de la victime". Selon le Lt-colonel Drevon, "la famille connait sûrement le chauffeur, complice de Bouguessa." Si ces soupçons se confirment, il semble aussi qu'elle ne soit pas la seule dans ce cas, si l'on en croit les témoignages et le film tourné par les jeunes Maghrébins de la rue Charles-Péguy. Seulement voilà, pour l'instant gendarmes et policiers ont quitté le quartier chaud : "Pas de provocation, attendons que tout cela se calme. Il est vrai que le complice de Bouguessa est sûrement des Brosses ou un habitué mais nous ne nous rendrons pas dans le quartier pour l'instant. Il reste à savoir également si ces événements ne constitueront pas le prélude ou le détonateur à un été chaud comme ceux des années 1981 et 1982. Au commissariat de Saint-Priest, l'on répond que "non". Pourtant, il y a quarante-huit heures, cinq voitures ont été volées dans la même journée dans cette commune dont une Mercedes et une Ford Sierra... Source : "Un cambrioleur abattu par les gendarmes : les Brosses s'enflamment" / Daniel Arisi in Lyon Figaro, 20 juin 1987, p.1-3.
note bibliographique"La tension monte" / Philippe Bordes in Lyon Figaro, 20 juin 1987, p.3-4.

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