[Démolition des tours A et B de la Cité des Tritons à...

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0741 FIGRPT0431 13
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 15 x 20 cm (épr.)
historique Le 6 octobre 1988, l'Opac de l'Isère et la Ville de Pont de Claix détruisent deux tours H.L.M. de 15 étages. A grand renfort de poussière et de bruit. L'opération est réalisée par CARDEM Démolitions.
historique Dans un sourd grondement accompagné d'un épais nuage de poussière, les Tritons ont poussé le 6 octobre 1988, leur dernier râle. Deux immeubles de Pont-de-Claix, dans la banlieue de Grenoble, ont été dynamités à 13 heures précises. C'est la dernière ligne droite d'un long processus de réhabilitation engagé depuis plus de cinq ans. Les deux tours de quatorze étages, fortes d'une cinquantaine de logements, se dressent encore fièrement le matin. Enrubannées de calicots aux noms des promoteurs de l'opération et de protections en plastique, destinées à éviter les projections de matériaux lors de l'explosion. Depuis trois semaines, les ingénieurs et artificiers ont méticuleusement préparé la pose des charges explosives. Pour un happening d'à peine une poignée de secondes. Les deux immeubles se sont effondrés sur eux-mêmes selon la technique du "foudroyage intégral". Une méthode importée des Etats-Unis. La mise à feu doit permettre un foudroyage sur place parfaitement équilibré, un étalement et une projection de gravois ne dépassant pas cinq mètres autour de l'ouvrage abattu. Les charges de dynamite sont disposées en quatre niveaux différents. Au rez-de-chaussée, 4e, 8e et 12e étages. Sur la tour voisine, où les structures de soutènement se sont avérées plus coriaces, les ingénieurs ont installé cinq étages de dynamite. Les quelque 1300 détonateurs, disposés dans les deux tours, sont programmés avec des décalages de quelques millisecondes chacun. "L'explosion se déclenche de bas en haut, du centre de l'immeuble vers sa périphérie", explique le technicien chargé de la mise à feu. "Pour optimiser l'effondrement", ajoute-t-il. Il est debout derrière son matériel de déclenchement. "Regardez, en France on ne dynamite pas avec une crémaillère, on ne voit ça que dans les films. On appuie simplement sur Un petit bouton. Ça évite d'attraper un tour de reins", plaisante-t-il. Pour tromper l'angoisse. Car si l'explosion ne se déclenche pas, c'est lui qui sera chargé d'aller vérifier sur le terrain les circuits. Fort heureusement, tout s'est fort bien déroulé et les badauds, nombreux, ont pu apprécier la fin de ce que le maire de Pont-de-Claix appelait "la honte de l'agglomération grenobloise". Depuis de nombreuses années, si les Tritons - dont les tours sont construites à la hâte entre 1962 et 1967 - avait fait leur entrée dans la mythologie grenobloise, ce n'est pas en raison de leur rayonnement, mais bien de leur insalubrité. D'ici à quelques mois, c'est une troisième tour voisine, située dans le complexe des Hérons, qui sera réduite à néant. La place sera ainsi nette pour la reconstruction. Car une des conditions sine qua non de l'opération de dynamitage était, pour les pouvoirs publics, des garanties pour la reconstruction. La démolition était devenue indispensable. Dès la fin des années soixante, les tours se sont révélées très mal conçues. Construites à la hâte entre 1962 et 1964 pour abriter les rapatriés, des défectuosités sont rapidement apparues. Provoquant des reventes de ces copropriétés à bas prix, mais paradoxalement, et ce, malgré les conditions d'insalubrité, un prix de location à des appartements spéculatif. La population de la cité s'est peu à peu modifiée, seulement 17% de propriétaires habitant les lieux pour 83% de locataires. La location s'est reportée sur des familles en situation critique. En septembre 1986, sur les 115 logements occupés, la population était de 643 personnes dont 83% de ménages d'origine étrangère. A cette époque, les habitants des Tritons-Hérons se groupent et partent en guerre contre les défaillances du chauffage en plein hiver, de l'ascenseur, l'engorgement des égouts ou encore l'invasion périodique par des insectes et des rats. Pour résoudre ce problème, l'Office public d'aménagement de l'habitat de l'Isère et la commune de Pont-de-Claix montent une opération publique d'achat des appartements pour enclencher l'opération de relogement puis de destruction et de reconstruction. Les premières expropriations débutent, mais le processus se bloque au niveau gouvernemental en 1985. On est dans la période "Bhopal", et la proximité d'une usine chimique de Rhône-Poulenc inquiète les pouvoirs publics. Plus question de mettre en chantier dans ce secteur de nouvelles tours. En mai 1987, le préfet de l'Isère autorise la construction d'un programme de 74 logements, au lieu des 125 prévus initialement. Des maisons individuelles voisineront avec de petits immeubles. Avec une attention toute particulière accordée à l'étanchéité et au confinement. Reste encore à dynamiter la tour Héron 15. Prévu au printemps [1989], il n'aura lieu qu'après le relogement effectif de tous ses habitants. A l'issue de cette démolition, un des ilots les plus insalubres de l'agglomération grenobloise aura disparu, pour laisser place, en 1990, si les délais sont respectés, au nouveau quartier Jean-Moulin. Source : "Les Tritons partent en fumée" / Frédéric Poignard in Lyon Figaro, 7 octobre 1988, p.5.
note bibliographique "Ci-git un habitat" / Christian Neyrat et Philippe Villard in Le Dauphiné Libéré (éd. Grenoble), 7 octobre 1988. - "Pont-de-Claix : foudroyage intégral" / B.S. in Le Progrès de Lyon, 9 octobre 1988, p.5.

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