"Le Rhône et la Saône", d'André Vermare (1905)

"Le Rhône et la Saône", d'André Vermare (1905)
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0910 001 00270
technique1 photographie numérique : couleur
historiqueLe Rhône et la Saône. Marbre de Carrare. André Vermare, sculpteur, 1905. Sculpture dont le projet initial fut présenté au Salon des artistes français de 1902 et installée en 1907, dans sa version définitive, sur le perron du Palais du Commerce à l'occasion des fêtes de Pentecôte. Il fut inauguré le 19 mai 1907 par le Président Armand Fallières lors de son séjour à Lyon (14-20 mai 1907).
historiqueCe splendide bas-relief montre une nouvelle métamorphose des dieux qui s'accomplit sous le ciseau d'André Vermare, élève de Dufraine à Lyon et de Falguière à Paris, premier prix de Rome en 1889, et dont le premier envoi en 1901 est un plâtre inspiré sur le thème des fleuves lyonnais. Traduit en marbre de carrare, ce haut relief est inauguré en 1907 devant le perron du Palais du Commerce. Nageur puissant venu des âges farouches - son arcade sourcilière le proclame, mais c'est aussi la figure du David de Bernin - le Rhône aux muscles exacerbés de tétanie fend l'eau, superbe, aspirant la Saône dans un fluide maelström. Goût de l'élan énergique, perfection du déséquilibre que l'on retrouve aux bronzes aujourd'hui fondus du monument à Gailleton, aux lampadophores de l'escalier de la Préfecture, échos de William Blake et surtout de Zeus jouant avec la chèvre Amalthée, d'Apollon poursuivant Daphné du Bernin. La Saône semble achever la torsion commencée par Daphné, mais son élan l'emporte vers l'horizontale. Le dieu ne poursuit plus la déesse mais il l'entraîne dans un tourbillon commun. Ce n'est plus la chair qui se mue en laurier mais l'étonnante naissance des corps captifs de l'eau primordiale. Source : Le monument public français : l'exemple de Lyon / Gilbert Gardes, vol.4, p.602 [BML, 6900 E2 GAR].
historiqueNous avons dit, dans l'un de nos derniers numéros, que l'allégorie en marbre de Carrare du "Rhône et de la Saône" de notre compatriote le sculpteur Vermare sera inaugurée aux fêtes de Pentecôte par le président Fallières. L'auteur a rompu avec la tradition antique et solennelle représentant le Rhône sous les traits d'un vieillard à grande barbe, assis et tournant le dos à une femme corpulente et appuyés chacun sur un vase laissant couler de l'eau. Ce prototype a été créé au seizième siècle par Laliame pour la Ville de Lyon et se voit encore dans la cour de l'ancien Hôtel de Ville, rue Poulaillerie, 13 : il a été popularisé au début du dix-septième siècle par les frères Coustou dans leurs statues en bronze qui ornaient en bas-relief le socle du monument de Louis XIV sur la place de Bellecour, déboulonné à la Révolution : ces statues sont aujourd'hui dans la salle des Pas-Perdus de l'Hôtel de Ville, place des Terreaux [au musée des beaux-Arts de Lyon en 2022]. La balustrade du perron sur la place des Cordeliers, au bas de laquelle est placée l'oeuvre de Vermare, ne pourra être entièrement refaite pour le 19 mai ; la faute en est aux neiges qui ont empêche M. Jangot, entrepreneur à Lyon, et M. Bouquet, carrier à Villebois, d'extraire en temps utile de la pierre d'Hauteville. Revenons au sculpteur. Vermare est jeune sous tous les rapports : de taille moyenne, élancé, il ressemble à un homme du nord avec son teint clair, ses yeux bleus, un nez fin et droit ; une barbe entière et des cheveux blonds complètent l'illusion. Vermare André-César est né à Lyon rue Saint-Etienne, 4, le 27 novembre 1869, dans ce magasin d'objets d'arts et de sculptures religieuses encore exploité aujourd'hui, à l'ombre de notre cathédrale, par sa mère, née Anna Pétreling et son frère puîné Frédéric : c'est dans ce magasin que Jean Carriès fit ses premiers essais de sculptures en sortant de l'orphelinat Denuzières où feu M. Vermare père, un Lyonnais aussi, puisqu'il était né à Légny, avait été le prendre. André Vermare entra en 1885 à notre école des Beaux-Arts où il travailla pendant quatre ans sous la direction du professeur Dufraine ; le service militaire le retient ensuite pendant un an au 22e de ligne à Montélimar. Sa dette patriotique payée, il se rend à Paris en 1891 et reste dans l'atelier du sculpteur Falguière, jusqu'en 1899, date à laquelle il remporte le prix de Rome pour la sculpture, qui n'avait pas été accordé depuis Lemot, l'auteur du Louis XIV actuel de notre place Bellecour. Il reste quatre ans dans la Ville Eternelle, puis revient en France s'installer à Paris, 9, impasse du Maine ; la production de Vermare est déjà considérable et son talent le place bientôt en évidence. Entr'autres oeuvres, il faut citer de lui sa statue du "Poème de la Femme", tirée d'émaux et camées de Théophile Gauthier, son premier ouvrage, qui lui vaut une mention honorable au Salon de Paris en 1892 et une première médaille d'or au Salon de Lyon qui le met hors concours : le "Giotto", marbre, au Salon de Paris, troisième médaille. Il remporte, en 1897, un second prix de Rome avec son "Eurydice entrainée avec Orphée aux Enfers", et peu après le grand prix de Rome avec son plâtre "Adam et Eve retrouvant le corps d'Abel", deux plâtres conservés à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris. Sa réputation a bientôt franchi les murs de l'Ecole et son ciseau est mis à contribution par les municipalités françaises : en 1894, la ville de Saint-Chamond érige son monument de Carnot ; en 1897, c'est à Saint-Etienne, celui des Combattants de 1870, inauguré par Félix Faure et la même année à Oyonnax un autre monument avec ses "Soldats de l'Année Terrible". Son premier envoi de Rome, en 1901, commandé par l'Etat et par la Ville de Lyon, fut le plâtre le "Rhône et la Saône" qui lui valut une deuxième médaille au Salon de Paris de 1904 et qui est traduit en marbre pour notre Palais du Commerce ; la ville de Lyon le lui a pavé 25.000 fr. Au Salon de Paris, il expose encore en 1905 "Suzanne", statue que l'Etat lui a achetée pour le musée du Luxembourg et en 1906 le groupe des "Vendanges", bronze en cire perdue qui lui vaut une première médaille et le place définitivement hors concours : ce groupe a été acquis par la Ville de Paris et placé au square Trousseau. Le Musée de Lyon possède de Vermare un buste en marbre de l'imprimeur Jean de Tournes : elle vient de lui commander des groupes d'enfants pour orner le grand escalier d'honneur de la Préfecture. Dirons-nous qu'il a concouru au monument Carnot de notre ville, en envoyant une intéressante maquette et qu'il est deux fois lauréat de l'Académie des Beaux-Arts de Paris. Nous n'oublierons pas de rappeler que le pape Pie X lui a envoyé en 1905 une lettre très affectueuse de félicitations pour sa statue en pied du bienheureux Viannay, curé d'Ars. Comme on le voit, la carrière artistique de notre compatriote est déjà très brillante et d'autant plus méritoire qu'il s'est fait connaître par son seul talent, sans que sa ville natale ait jamais fait la moindre chose pour lui. Si on demande à Vermare ce qu'il préfère parmi ses oeuvres, il répond : rien ; car aucune, selon lui, n'est parfaite. Un dernier mot sur l'artiste, il est décoré des palmes académiques qu'on cherche en vain sur le noir de son vêtement. Source : "Le sculpteur Vermare" / C.T. in Le Salut Public, 20 mai 1907.

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