[11, place Croix-Paquet]

[11, place Croix-Paquet]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0979 003 00656
technique1 photographie numérique : couleur
descriptionMaison Ricard, 1828.
historiqueDans son ouvrage "Une fabrique lyonnaise de soieries" (2011), Bernard Tassinari donne une description de cet immeuble, plus particulièrement du premier étage qui hébergea entre 1828 et 1992 le siège de l'entreprise "Tassinari & Chatel" : "Le siège social de notre société était situé 11, place Croix-Paquet à Lyon, au pied des pentes de la Croix-Rousse. L'immeuble, d'architecture très classique, avait une belle allure. Construit sous la Restauration et terminé en 1828, nous en occupions la plus grande partie du premier étage. Ces bureaux de 410 m2 au sol comportaient dix-huit portes fenêtres ouvrant sur de petits balcons, dix en façade sur la place et huit sur le retour rue René-Leynaud (l'ancienne rue Vieille-Monnaie) dont deux avaient été occultées et transformées en placard. Autant la rue était sombre et étroite, autant la place, pentue et au sommet de laquelle nous nous trouvions sans vis-à-vis, était gaie et verdoyante. Cet immeuble avait le gros inconvénient de ne pas avoir un plan rectangulaire mais trapézoïdal. L'architecte qui avait sans doute voulu utiliser au mieux le terrain, avait calé sa construction sur le fond du tènement. Les murs de refend partant à 90° rejoignaient la façade sans donner naissance à des angles droits. Un autre problème, et il empirait d'année en année, était celui du stationnement qui nous rendait progressivement inaccessibles à nos clients et à nos fournisseurs. A partir de 1980, nous avions transféré le stock de matières premières montée Georges-Kubler, à notre atelier de tissage mécanique où les livraisons pouvaient s'effectuer plus facilement et de plain-pied. La cour principale de l'immeuble était carrée. On y accédait par un large porche voûté sous lequel se trouvaient placés, de part et d'autre, les panneaux des boites aux lettres. Un second porche au-delà de la cour, identique et donnant sur un autre de dégagement, conférait beaucoup de profondeur à l'ensemble. Le sol était dallé. De chaque côté de la cour se développait un large escalier en pierre dont les paliers, ornés d'une balustrade néo-classique à croisillons géométriques, ouvraient sur la cour aux sept étages de l'immeuble. Entre les deux guerres mondiales les co-propriétaires, afin de mieux louer leurs locaux, avaient malheureusement ajouté deux monte-charges dont les cages aveugles, ouvrant au milieu de chaque palier, altéraient gravement l'esthétique de la cour. Il faut reconnaître que sans ces ascenseurs nous aurions quitté les lieux beaucoup plus tôt. L'ensemble conservait cependant suffisamment d'allure pour que le "Guide Vert" Michelin y fasse passer son circuit des traboules lyonnaises, jusqu'à ce que les accès soient fermés pour des raisons de sécurité. La présence de ces deux cages d'escalier nous permettait d'avoir une entrée pour les clients et une autre, commune aux fournisseurs et aux tisseurs. Curieusement, lors d'un ravalement vers 1925, mon père put voir apparaître après le lavage de la façade, le nom de Claude Rousset, fabricant de carrés. Il s'agissait d'un de mes arrière-arrière grands-pères qui avait eu effectivement son bureau à cet endroit de 1828 à 1848, année au cours de laquelle, dégoûté par les événements, il décida de liquider son commerce et de prendre sa retraite aux Avenières dans l'Isère. Notre famille travailla donc dans cet immeuble de 1828 à 1992, à l'exception toutefois d'une interruption de 18 ans entre 1848 et 1866. Cette année-là, au début de l'association Tassinari & Chatel, nous n'occupions qu'une partie de ce premier étage, mais à la fin du siècle, devant le développement des affaires, le bureau s'agrandit et demeura dès lors inchangé dans ses dimensions jusqu'en 1992, date de notre congédiement par les nouveaux acquéreurs de l'immeuble. Dans notre organisation lyonnaise, l'activité fabrication était beaucoup plus importante que l'activité commerciale. En effet, dès 1875, une antenne commerciale avait été ouverte à Paris. Toute industrie de luxe est obligée d'exporter, le marché français est en effet insuffisant pour lui permettre de se développer, et c'est vers ces bureaux parisiens que convergeait la clientèle étrangère : l'aristocratie russe qui chaque année faisait un séjour à Paris jusqu'en 1914, de riches américains de la côte Est, des argentins et bien d'autres étrangers [...]. En entrant dans le Bureau, ce qui frappait à l'arrivée, c'était la hauteur de cinq mètres sous plafond de ce premier étage et l'absence de couloirs. Toutes les pièces étaient "en enfilade". Une première enfilade en façade, à laquelle on accédait par l'escalier de gauche, desservait les pièces réservées à la vente, la comptabilité et à la direction avec son entrée "clients". Une seconde, sur la cour, où se trouvaient le service fabrication, le stock et les archives, était accessible par l'escalier de droite et constituait l'entrée des fournisseurs. Le chauffage était encore assuré en 1950 par trois poêles Leau, vieille marque lyonnaise à laquelle toutes les anciennes fabriques de soieries avaient eu recours. Ces poêles brûlaient de l'anthracite et dégageaient beaucoup plus de chaleur que tous les poêles à mazout essayés ultérieurement. Ils étaient surmontés d'une lyre, peu élégante, mais permettant de récupérer le plus de calories possibles, avant de livrer ce qui restait à la gaine de cheminée. Malgré cela, nous n'avions jamais très chaud au coeur de l'hiver [...]".
note bibliographiqueUne fabrique lyonnaise de soieries : Trois cents ans d'histoire, trois groupes familiaux / Bernard Tassinari, 2011 [BM Lyon, 6900 N TAS].

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