La vie mondaine à Lyon autour de 1900 - numelyo - bibliothèque numérique de Lyon
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    La vie mondaine à Lyon autour de 1900

    Au tournant du XXe siècle, le paysage urbain s’est considérablement transformé. Les villes se densifient, génèrent des richesses et des loisirs. Les mentalités aussi changent. La société industrielle est en marche et les ménages les plus aisés affichent leur réussite dont la presse mondaine se fait l’écho. Des journaux se spécialisent et rédigent des chroniques sur les toilettes des dames et sur les lieux incontournables pour faire ses achats. A Lyon, la vie mondaine devient un sujet de prédilection relaté notamment par le quotidien Le Tout Lyon inspiré de l’expression « Le Tout Paris ». Des conseils en tout genre remplissent les colonnes des journaux qui prodiguent tour à tour le bon comportement à tenir, les lieux à fréquenter, les magasins où acheter comme les écueils à éviter. Retour sur une ville en pleine effervescence, à travers les articles de quelques grands journaux de l’époque comme Le Tout Lyon, Le Monde lyonnais ou encore Lyon mondain et sportif, témoins privilégiés d’une société du paraître, où la frontière entre distinguée et élégante et vulgaire et légère oscille pour le meilleur comme pour le pire.

    La mode à Lyon et les personnalités lyonnaises à travers la presse

    La presse lyonnaise autour de 1900 contient de nombreuses descriptions de bals, de spectacles, du concours hippique et donne ainsi une image complète de toutes les activités de la haute société lyonnaise. Les journalistes les regroupent généralement sous le terme de « vie mondaine ». Mais qu’est-ce que la vie mondaine ? Qui y participe ?

    L’avènement des magazines people

    Portrait de Mme Alapetite,Le tout Lyon, n°19, 5 mai 1901

    Le titre du journal Le tout Lyon, fournit une indication précieuse sur les personnes qui prennent part à la vie mondaine lyonnaise autour de 1900. Calqué sur l’expression Le Tout Paris, le titre renvoie à toutes les personnalités connues du grand public. Les articles et illustrations de ce périodique évoquent ainsi la grande bourgeoisie lyonnaise, les politiques ou magistrats, mais aussi les actrices et acteurs des scènes lyonnaises. En 1900, la presse s’intéresse particulièrement à M. Alapetite, préfet de Lyon, et à sa femme. Le rôle de Mme Alapetite est d’autant plus important pour la vie mondaine qu’elle organise le bal de Préfecture, rendez-vous de toutes les personnalités de la ville, qui a lieu à l’issue du concours hippique. Le Tout Lyon fournit un portrait de Mme Alapetite en 1901.

    Dans le numéro 19 de 1901, la chronique du bal de la Préfecture décrit en détail la tenue de l’épouse du préfet :

    La toilette de Mme Alapetite est absolument remarquable; robe de soie blanche brochée d’or, ornée du point d’Angleterre ancien, épaulette et garniture de corsage en panne mauve : cette robe tissée à Lyon, fait le plus grand bonheur à la couturière lyonnaise qui l’a confectionnée. Mme Alapetite était parée de magnifiques bijoux de famille (Le Tout Lyon, n°19, 5 mai 1901).

    Portrait de Mlle Tomsonn,Lyon-Théâtre, n°9, 1er mars 1874

    L’attention portée aux matières et aux décorations de la robe de Mme Alapetite montre l’intérêt des lecteurs pour les apparitions publiques des grandes personnalités. Le chroniqueur ne manque pas de préciser l’origine de cette tenue : le tissu est fabriqué à Lyon et la réalisation a été faite par une couturière lyonnaise. Mme Alapetite devient ainsi la représentante du bon goût et de la bourgeoisie lyonnaise. Un autre numéro du Le Tout-Lyon, publié peu de temps après cette description, revient à nouveau sur la tenue de la femme du préfet à l’occasion du bal de la Préfecture.

    L’intérêt pour les personnalités publiques s’accroît vers la fin du 19e siècle, de telle sorte que les acteurs et actrices feront, eux aussi, l’objet de plusieurs articles. Un exemple frappant est le journal Lyon-Théâtre. Si tous les numéros de ce périodique respectent l’organisation habituelle de la presse de spectacles avec des rubriques consacrées aux commentaires des pièces, aux annonces et aux dernières nouveautés théâtrales, la première page se démarque des autres journaux en mettant l’accent sur les acteurs des théâtres lyonnais. La première page se caractérise par une photographie en sépia d’un acteur ou d’une actrice, collée dans un cadre qui évoque l’architecture des théâtres. Le public s’intéresse à leurs ses performances, mais aussi à ses apparitions publiques et ses toilettes.

    La vie mondaine au fil des saisons

    Le Progrès Illustré 1897, n°322, 14 février 1897

    Les activités des personnes du groupe appelé Le Tout Lyon constituent le cœur de la vie mondaine lyonnaise autour de 1900. Elles font toutes l’objet d’articles ou d’illustrations dans la presse régionale. Les lecteurs sont ainsi informés du rythme de l’année mondaine, qui commence dès le mois de janvier pour s’arrêter en mai ou juin – moment des départs en villégiatures – et pour recommencer dès septembre. Le Progrès Illustré de 1897 contribue à la diffusion de cette vie mondaine en proposant pour chaque mois une illustration d’une page qui représente les activités majeures de la vie mondaine. La page consacrée au mois de février (Le Progrès illustré, n°322, 14 février 1897) donne à voir quatre illustrations disposées à la manière d’une bande dessinée, une forme habituelle pour ce journal. Les rencontres représentées en haut à gauche et en bas à droite forment ainsi le début et la fin de cette illustration pour suggérer que deux événements majeurs encadrent le mois de février : des bals. L’absence de titres pour ces deux illustrations indique que les lecteurs reconnaissaient ces grandes occasions. La première fournit une image du bal de la Préfecture, donné en février avant 1900 puis déplacé en avril. On reconnaît la salle de l’Hôtel de Ville grâce aux lustres et aux grandes colonnes. Les tenues conformes à des conventions strictes – robes de bal blanches pour les femmes la plupart du temps, costumes noirs pour les hommes – font état de l’exclusivité de cette rencontre. À la fin du mois de février, nous retrouvons un bal plus ouvert, qui a pour caractéristique d’être un bal masqué. On reconnaît les loges et la scène du Grand-Théâtre. Le clown au premier plan de l’image sort du cadre de l’illustration pour faire le lien entre l’illustration et l’observateur de l’image. La description de la gravure, placée en fin de numéro, vient confirmer l’impression donnée par l’illustration. Elle associe directement le mois de février aux activités mondaines :

    Le mois de février est surtout le mois des fêtes mondaines et des bals masqués. À Lyon, c’est l’époque du Bal de la Préfecture, toujours fort brillant, et celle aussi du Bal des Étudiants, où l’animation dépasse tout ce qu’on peut rêver. Le premier est le bal où se rencontrent toutes les notabilités lyonnaises du commerce et des arts, c’est une fête merveilleuse et de haut style mondain. […] Le second est aussi le rendez-vous, – moins solennel et plus mêlé – de toutes les personnalités de la ville venant applaudir la jeunesse un peu folle mais généreuse, car ce dernier est le bal de la Charité par excellence; c’est la fête qui rapporte le plus pour les pauvres. (Le Progrès Illustré, 1897, n°322, 14 février 1897).

    Le salon de Lyon où l’on expose les dernières œuvres des Beaux-arts, et qui constitue un rendez-vous majeur pour les personnalités de Lyon, se situe au centre de l’illustration consacrée au mois de mars. Le mois d’octobre, de son côté, est placé sous le signe des premières de théâtre où l’on se rend à la fois pour voir la pièce et pour se montrer en société. L’illustration représente le Grand-Théâtre, mais également des lieux plus ouverts tels que le Cirque Rancy et les Cafés-Concerts ou encore le théâtre de Guignol. Un nouveau moment dans la vie mondaine, caractérisé par les premières de spectacles et les divertissements, commence dès le retour du « Tout Lyon » :

    Les vacances ont pris fin et la ville mondaine se ranime ; la vie de salon recommence et les petits potins aussi. C’est la saison des fêtes qui fait sa réouverture avec les théâtres et les cafés-concert. Les murs se couvrent d’affiches prévenant le public que le sabbat recommence ! […]

    Le Grand-Théâtre, le Casino, la Scala, l’Eldorado, l’Horloge, le Cirque Rancy nous annoncent leurs merveilles !

    (Le Progrès Illustré, n°358, 24 octobre 1897)

    Le Progrès Illustré, n°358, 24 octobre 1897

    Strass et paillettes dans les chroniques de la presse régionale

    La presse régionale propose des comptes rendus de ces grandes rencontres en mettant l’accent sur les personnes présentes. Tel est le cas dans Le Tout Lyon de 1900 où l’on retrouve une description de la première de Cendrillon donnée au Grand-Théâtre :

    Samedi dernier brillante chambrée au Grand-Théâtre à l’occasion de la première représentation de Cendrillon. Beaucoup de jolies et fraîches toilettes ; suivant la coutume en vigueur à Paris, et que nous désirerions fort voir adoptée pour toutes les grandes premières : nombre de robes de soirée, d’habits noirs et de smokings. Le Tout Lyon, n°2, 07 janvier 1900)

    Toilette de Mlle Depoix au 2e acte, Le Progrès Illustré,, n°322, 14 février 1897

    La comparaison avec Paris se fonde sur l’élégance des spectateurs. Ce compte rendu montre à quel point on se prépare pour une première de théâtre : les tenues sont choisies et témoignent de la volonté de se montrer en public.

    Les passages précédents provenaient principalement du Tout Lyon et du Progrès Illustré, mais une grande partie de la presse régionale donne des informations similaires. La forme prise par les rubriques varie largement et donne souvent l’impression de bribes d’information disséminées pour divertir les lecteurs lyonnais. En dehors de ces deux journaux, on peut compter Lyon s’amuse, Le Monde lyonnais, Lyon-Exposition, Le Rhône illustré, Le Nouvelliste, Lyon mondain et sportif ou encore La Bavarde parmi les journaux qui peuvent servir à une chronique mondaine à la fin du XIXe siècle. Les noms des rubriques varient de manière considérable : parfois appelées « vie bourgeoise », « échos » ou « compte rendu », les informations sont présentées sous la forme d’articles courts voire de notes rapides, d’articles entiers ou d’illustrations. Le cas de La Bavarde est atypique puisqu’il s’agit d’un journal satirique voué aux « indiscrétions ». Ce journal aura recours de manière systématique aux pseudonymes et rend l’identification des personnes presque impossible. Il est le seul également à proposer un regard critique sur le monde lyonnais en plaçant la demi-mondaine au centre de toutes les activités. Selon son programme éditorial, son but est moins d’informer que de divertir :

    Rire des grimaces du jour, crever les ballons gonflés de vent […] ; se faufiler dans les coulisses du monde sérieux plus amusant cent fois que le monde des fous ; tout savoir et tout dire sans façon ; […] noter au passage les ridicules ; louer les mérites de tous et de toutes ; ne se point chagriner dans le pire des mondes ; c’est la sagesse, à tout prendre. Or, lecteur, telle est notre sagesse. (Le bavard de Lyon, n°1, 14 avril 1881)

    Si l’on croise toutes les informations éparses, on parvient à une image assez claire de la vie mondaine et de ses protagonistes. Les descriptions des grandes occasions, des lieux de sociabilité et des principales personnes trouvent leur place dans un ensemble, qui vise à divertir le lecteur lyonnais.

    Etre à la mode : un rêve désormais atteignable

    Une grande partie des articles qui s’adressent directement aux lecteurs des journaux prennent la forme de conseils ciblés et privilégient la confidence. Un peu comme d’ami.e.s à ami.e.s.

    Vendre du rêve

    Les auteures des articles se présentent par des pseudonymes. Il s’agit ou bien de noms évoquant la noblesse comme celui de la Comtesse Héléna dans le Tout Lyon, ou bien de noms qui marquent l’autodérision comme Chiffonnette. Dans le premier cas, on cherche à mettre en avant la qualité du conseil, dans le second cas, à instaurer une proximité avec le lecteur ou la lectrice. Certains articles courts se qualifient de « promenades » pour souligner que tout habitant de la ville pourra reproduire l’activité décrite. La Comtesse Héléna signe ainsi la « Promenade d’une Lyonnaise » où elle dit en 1907 :

    Avec le mois de février, voici venir les soirées-réceptions, bals et dîners pour lesquels vous devez songer, gentilles dames, à vous faire belles. (Le Tout Lyon, n°6, 10 février 1907).

    Le récit de sa promenade s’inscrit ici entièrement dans le rythme de la vie mondaine lyonnaise. La Comtesse Héléna donne ses conseils afin d’inciter ses lectrices à suivre le même parcours qu’elle pour se préparer aux activités prévues au cours du mois de février.

    Une journée type dans le monde de la mode à Lyon

    Le Progrès Illustré montre encore davantage le rythme quotidien d’une personne du Tout Lyon en fournissant deux bandes dessinées appelées respectivement « La journée d’une Lyonnaise » et « La journée d’un Lyonnais ». Ces deux illustrations conçues par Zucca et l’illustrateur par excellence de Lyon, Girrane, couvrent deux pages entières du journal. La première bande dessinée illustre la vie d’une femme de la bonne société lyonnaise. Elle se rend aux grands magasins de la Parisienne, situés à côté de la place Bellecour, et termine sa journée en se divertissant à l’Eldorado et au Café des Nations. Tous les textes qui accompagnent les illustrations contiennent des indications sur la provenance des objets : des chapeaux du magasin Aux Muguets, des savons du père Tasse … Girrane et Zucca présentent la Lyonnaise dans son monde habituel, avec les acquisitions nécessaires pour se rendre dans les lieux fréquentés par le monde lyonnais.

    Le Progrès Illustré, n°261, 15 décembre 1895

    Si l’on compare cette première bande dessinée avec la seconde qui représente un lyonnais, on voit que les activités mondaines y sont moins présentes. Au moment des activités en extérieur, l’homme est toujours accompagné d’une femme; le seul moment où il compte faire une acquisition dans un magasin, c’est pour offrir un collier à son amie.

    Le Progrès Illustré, n°280, 26 avril 1896

    L’apparence en toute circonstance

    Au début de chaque numéro du Tout Lyon, une rubrique « Échos du Tout Lyon » recense les fiançailles, mariages et grandes réceptions. On y retrouve des indications sur la famille, la fonction occupée par les fiancés, la liste des invités. Cette rubrique permet ainsi de suivre toutes les rencontres des familles connues. La plupart du temps, aucune image n’accompagne le texte. On y lit simplement quelques précisions, comme le montre un extrait du premier numéro de 1900 :

    Mercredi 27 décembre, a été célébré en l’église St-Vincent, toute parée de fleurs et de lumières pour la circonstance, le mariage de Mlle Marie Robichon avec M. Octave Camus. […] Le service d’honneur auprès des mariés était fait par Mlle Édith Camus, en très belle robe mauve, avec M. Gustave Robichon : Mlle Patissier, en délicieuse robe verte, avec M. Xavier Robichon ; Mlle Blanche Boirivaut, en ravissante robe grise, avec M. Prénat. Pendant la cérémonie, un jeune artiste, M. Poirsot, musicien d’avenir, a excellemment joué un solo de violon avec accompagnement d’orgue. On a remarqué : Mme Camus, mère du marié ; M. et Mme Ravrault ; Mme et M. Prénat, ancien député… (Le Tout Lyon, n°1, 1 janvier 1900)

    Seule la description d’un « grand mariage militaire » est complétée par quatre photographies qui représentent les membres de deux familles dans leurs uniformes et tenues de mariage. Les uniformes et les tenues soignées montrent qu’il s’agit aussi d’un événement où la famille est en représentation. Les mariages constituent ainsi un moment où l’on se présente en société et où l’on montre son rang social.

    À une plus petite échelle, nous trouvons également les réceptions mondaines. Le Rhône illustré rappelle en 1890 que les tenues de réception doivent être plus élaborées que celles portées dans l’intimité :

    Et par négligés d’appartements, je ne veux même pas dire les robes d’intérieur plus ou moins simples qui ne sauraient être admises aux heures des visites reçues, mais bien les indispensables peignoirs, robes de chambre, matinées, tous ces vêtements si pratiques dont aucune femme ne saurait se passer. (Le Rhône illustré, n°25, 7 février 1891)

    La plupart des réceptions font aussi l’objet d’un court compte rendu dans Le Tout Lyon. L’intérêt du journal pour la vie mondaine l’a même amené à publier un Annuaire du Tout Lyon, qui recense les jours de réception des grandes personnalités de la ville. La sphère plus intime trouve une place restreinte dans la presse. À l’inverse, les grandes occasions ne cessent d’être mises en avant par la presse régionale.

    Le Tout Lyon, n°46, 11 novembre 1906

    Toilette de Mlle de Marsy au 1er acte, Le Progrès Illustré, n° 76, 29 mai 1892

    Des rendez-vous incontournables pour briller en société

    Les premières de théâtre et les bals constituent deux occasions qui regroupent les personnes du monde lyonnais autour de 1900. Présentés comme des grandes rencontres, ils imposent une préparation particulière.

    Sortir au théâtre

    Les scènes les plus importantes de Lyon autour de 1900 sont le Grand-Théâtre, les Célestins, l’Eldorado et le Cirque Rancy. « La journée d’une Lyonnaise » faisait déjà état de la place qu’occupait l’Eldorado dans les habitudes mondaines de l’époque. C’est surtout vers les premières aux Célestins et au Grand-Théâtre qu’il faut se tourner si l’on veut comprendre l’enjeu de ces rencontres pour la vie mondaine. On se rend au théâtre pour la pièce, mais aussi pour voir les costumes des actrices. Emilienne B. annonce aux lecteurs du Progrès Illustré une tenue qui sera portée par une actrice en indiquant l’atelier où il a été fait :

    Une pièce nouvelle, actuellement en répétition, dans laquelle une de nos plus jolies actrices va exhiber les toilettes les plus élégantes, devra son succès autant à l’interprète qu’au ravissant costume qu’elle portera et qui sort des ateliers de la Parisienne, 24, rue de la République. (Le Progrès Illustré, n°370, 16 janvier 1898)

    Plus encore, les femmes du monde lyonnais se rendent aux premières ainsi qu’à d’autres spectacles pour exposer leurs propres tenues et être vues. On retrouve ainsi des indications de mode qui visent à renseigner les lectrices sur ce qui se porte au théâtre :

    Nous sommes en pleine saison de théâtre ; chaque semaine nous apporte une et quelquefois plusieurs « premières » sensationnelles. C’est donc une question tout à fait à « l’ordre du jour », que celle des corsages et robes de théâtre. […] Pour les corsages de théâtre, une pointe d’originalité ne messied pas, et l’on peut donner carrière à sa fantaisie, tout en conservant une juste mesure et en ne dépassant pas les limites du bon goût. (Le Progrès Illustré, n°372, 30 janvier 1898)

    Les chapeaux constituent l’élément central d’une toilette de sortie. Richement décorés, ils permettent de montrer le statut social et le goût de la personne. Au théâtre, la volonté de se montrer devenient si importante qu’en 1897 plusieurs numéros du Tout Lyon relatent le conflit autour des tenues de sortie, causé par la taille imposante des chapeaux qui empêche de voir la scène. Le directeur du théâtre des Célestins, M. Peyrieux, considère que l’interdiction de porter un chapeau au théâtre serait souhaitable, mais remarque l’impossibilité de la mettre en place.

    Si la suppression des chapeaux au théâtre est une mesure désirable en soi, nous dit M. Peyrieux, il manque un moyen pratique qui permette de l’imposer. L’esprit lyonnais se prête mal à cette réforme, et nos vestiaires ne sont pas installés avec le confortable nécessaire pour loger ces objets fragiles. (Le Tout Lyon, n°4, 23 janvier 1897)

    En revanche, la contribution d’une lectrice, signée du prénom Violette, rappelle la nécessité de bien se présenter au théâtre et montre ainsi l’importance de ce lieu pour la vie mondaine :

    Une femme convenable, à mon avis, ne portera plus de coiffure que lorsqu’il y aura un arrêté nous l’interdisant complètement, sinon elle se fera critiquer, et par qui ? par vous, Messieurs, et tombera dans le rang de la demi-mondaine. (Le Tout Lyon, n°5, 30 janvier 1897)

    Enfin, les prestations de grandes actrices parisiennes sur les scènes lyonnaises constituent un événement qui attire une grande partie du monde lyonnais. Le meilleur exemple est sans doute l’arrivée de Sarah Bernhardt à Lyon. Le Monde Lyonnais annonce la vedette dès le premier octobre 1881 : « La présence de Mlle Sarah Bernhardt à Lyon est un événement et une véritable fête artistique ». Le Bavard fait de cette arrivée son en-tête dans son numéro. Le numéro suivant contient un article voué aux « toilettes aux représentations de Sarah Bernhardt » :

    Ces dames mirent en œuvre leurs ruses, elles déployèrent leurs batteries, et durant quinze jours elles se donnèrent un mal extrême pour sortir délicatement de la poche des messieurs très bien, les billets de mille nécessaires pour apaiser leurs ruineux caprices. Quand on ne règne que par l’orgueil, on n’a qu’un rêve : éblouir. (Le Bavard de Lyon, n°26, 6 octobre 1881)

    Les événements théâtraux constituent ainsi une première occasion de se montrer. Les bals font partie des autres moments cruciaux pour les rencontres mondaines.

    Les bals

    Trois bals constituent les moments forts de la vie mondaine lyonnaise autour de 1900. Les deux les plus exclusifs sont le bal de la Préfecture et le bal militaire. Le plus ouvert est le bal des Étudiants.

    • Le bal de la Préfecture
    • Tenue de soirée, Le Progrès Illustré, n° 274, 15 mars 1896

      Le bal de la Préfecture réunit les grandes personnalités de la sphère politique, du monde économique et des arts à l’Hôtel de Ville. Les dates varient généralement entre février et avril. Après 1900, il clôture le concours hippique. Cet événement exclusif ne fait pas toujours l’objet d’illustrations, mais plutôt de comptes rendus qui indiquent les personnes présentes, le déroulé de la soirée et les tenues. En 1892, Le Progrès Illustré propose une illustration de cette rencontre mondaine. Le bal apparaît comme un événement codifié tant par les tenues vestimentaires que par l’organisation. L’attente de la jeune femme au fond à gauche de l’image suggère un ordre de passage pour les danses qu’il convient de respecter. Un homme à droite propose sans doute à la jeune fille de l’accompagner pour une autre danse. Le sous-titre « un coin du bal » montre que l’accent est mis sur le couple au premier plan. L’image donne à penser que ce bal permet la rencontre de personnes issues de la même couche sociale

    • Le bal militaire
    • Pour le second bal exclusif de la saison mondaine, la presse ne fournit aucune illustration. Le bal militaire sert une œuvre caritative. L’élite lyonnaise s’y retrouve pour collecter de l’argent dans le but de financer l’éducation des jeunes filles de soldats. Les militaires s’y mêlent aux jeunes femmes. L’événement regroupe un nombre considérable de personnalités lyonnaises et trouve sa place dans la presse mondaine de l’époque :

      Les toilettes élégantes et claires des dames font ressortir l’or des uniformes et des galeries qui entourent la salle on a un coup d’œil merveilleux. Profitons-en pour reconnaître au passage les principaux invités. (Le Tout Lyon, n°20, 14 mai 1905)

      Bal des étudiants, Grand théâtre de Lyon, 1907

    • Le bal des étudiants
    • A partir de 1877, le bal des Étudiants a lieu une fois par an. En plein pic de chômage, les étudiants lyonnais prennent l’initiative de créer cet événement pour collecter de l’argent au profit des ouvriers. Au fil des années, le bal des Étudiants se donne dans différents lieux, généralement des théâtres aménagés pour la soirée dansante. Le premier a pris place dans les locaux de l’Alcazar près des Brotteaux avant d’être déplacé au Théâtre-Bellecour de 1880 à 1883, au Grand-Théâtre de 1884 à 1885, puis de nouveau au Théâtre-Bellecour de 1886 à 1892. Il retrouve alors les locaux du Grand-Théâtre à la suite de la fermeture du Théâtre-Bellecour en 1892 et y restera jusqu’à la Première Guerre. Il s’est vite imposé comme le grand événement mondain connu dans toute la ville de Lyon.

      Le bal des Étudiants prend chaque année les proportions d’un gros événement lyonnais, et l’on pourrait même dire sans trop d’exagération qu’il est devenu une manière d’institution, mais une institution qui allie si à propos la gaîté et la bienfaisance que le monde y applaudit. (Le Progrès Illustré, n°117, 12 mars 1893)

      Bal des étudiants, Le Progrès Illustré, n° 117, 12 mars 1893

      Le Progrès Illustré en propose même une histoire illustrée, qui retrace les différentes années de son existence :

      Le Progrès Illustré, n°117, 12 mars 1893

      Il s’agit d’un bal masqué pour lequel tous les participants se préparent soigneusement. Des prix viennent primer une jeune femme pour sa beauté ou l’originalité de son costume. La presse régionale publie la liste des vainqueurs et contribue de cette manière à rendre publiques les personnalités lyonnaises. Le Mondain Étudiant, numéro spécial du Monde lyonnais à l’occasion du bal des Étudiants, rend compte de l’importance accordée à ces prix :

      Cependant les heures coulent ; les concours sont ouverts. Des bruits courent, des pronostics circulent : « C’est une telle ! » et déjà l’on sait par quoi elle a triomphé ! … La beauté ne se pardonne point entre femmes… (Le Mondain Étudiant, 24 mars 1901)

      Sur plusieurs pages, le journal reproduira les photographies des détentrices du prix de beauté, des listes de vainqueurs et résumera l’événement. Des trois bals cités, il s’agit du plus médiatisé et prouve que les rencontres mondaines constituent une information divertissante pour le lecteur lyonnais.

    Concerts, salons, hippodromes… l’habit fait la mondaine

    D’autres activités mondaines permettent encore de se montrer en société et d’être vu autour de 1900. Elles ont lieu en extérieur ou dans des espaces ouverts à tous et font également partie des rubriques récurrentes dans la presse régionale. Parmi ces points de rencontre connus du public, on compte les concerts-Bellecour, le salon de Lyon et surtout le concours hippique.

    Les concerts-Bellecour

    Concert Bellecour, Le Bonnet de nuit, n° 9, 19 aoüt 1876

    Les concerts-Bellecour datent du dernier tiers du XIXe siècle : alors que Joseph Luigini avait pris la direction de l’orchestre du Grand-Théâtre en 1863, il décide de quitter cette scène en raison d’un changement de direction en 1871 et fonde les « Concerts-Bellecour ». Alexandre Luigini, son fils, reprend les « Concerts-Bellecour » en 1881. Tout habitant de la ville pouvait s’y rendre afin de profiter de la musique lyrique et symphonique jouée sous un kiosque. Cette animation s’impose rapidement parmi les activités mondaines estivales à Lyon. La presse rend compte des derniers concerts et s’intéresse également aux personnes vues à cette occasion :

    La musique de Bellecour attire généralement nos mondaines, tous les jours de 4 à 5 heures. Nous aurons soin, de nous y rendre les lundis et vendredis jours préférés de ces dames, afin d’examiner attentivement leurs toilettes. Il faut que nos belles petites se rendent au moins utiles au commerce lyonnais. (Le Bavard de Lyon, n°1, 14 avril 1881)

    Une illustration du Progrès Illustré de 1892 représente très bien l’organisation spatiale des concerts-Bellecour. À l’avant du kiosque, des personnes écoutent le concert, assises sur des chaises. Pour avoir une de ces places, il faut louer une chaise. Les conversations au premier plan de l’image suggèrent que les hommes et les femmes s’y retrouvaient également pour se rencontrer et se montrer :

    Sous les marronniers en fleurs, curieusement éclairés par les lumières du kiosque, près des parterres délicieusement odorants, dans l’enceinte ou hors barrières, la foule se presse – composite. À l’intérieur – où l’on paie – on froufroute, on intrigue, on papote ; élégantes et beaux messieurs font assaut de mondanités.

    On écoute peu !

    À l’extérieur, au contraire, les amateurs sont nombreux, ils ont plus de laisser-aller, ils ne posent pas, il se reposent. On essaie d’écouter, non sans peine, car la musique est bien éloignée des oreilles, mais on en a pour son argent, puisqu’on ne paye pas ! (Le Progrès Illustré, n°75, 22 mai 1892)

    Les concerts-Bellecour apparaissent dès lors comme un lieu de rencontre et un moment de la vie mondaine. Cela est d’autant plus le cas que l’organisation de l’espace permet de montrer sa fortune : plus les places étaient proches du kiosque, plus elles coûtaient cher, de telle sorte que, du kiosque à la rue, on pouvait apercevoir une gradation sociale.

    Le concert du soir, Le Progrès Illustré, n°75, 22 mai 1892)

    Les salons

    Le Salon de Lyon voit le jour en 1836. Cet événement annuel répond au manque d’expositions d’œuvres des Beaux-arts, notamment de celles d’artistes lyonnais. Il devient un rendez-vous pour le monde lyonnais, qui s’empresse de se montrer à cette occasion. Le Tout Lyon de 1911 fournit une courte description de l’ampleur de l’événement :

    Les salles étaient si pleines que l’on avait grand’peine à y circuler, couturières et modistes eurent ce jour-là un beau triomphe. (Le Tout Lyon, n°6, 5 novembre 1911)

    Le concours hippique

    Il manque cependant encore l’événement le plus marquant de la saison mondaine : le concours hippique. À la fin du XIXe siècle, cet événement sportif était connu pour être le rendez-vous du beau monde. L’activité sportive donnait un prétexte pour se montrer dans de nouvelles tenues.

    Une illustration du Progrès illustré de 1898 intitulée « Le Tout Lyon aux courses » rend compte de la mobilisation de toutes les classes sociales. Les différents moyens de transport montrent bien sur cette bande dessinée l’intérêt général pour les courses.

    Tout comme à Paris, on s’y rend également pour découvrir les dernières nouveautés des créateurs de mode. La presse régionale complète ainsi les comptes rendus des courses par des descriptions des grandes personnalités et de leurs toilettes. Un journaliste du Lyon s’amuse avoue qu’il apprécie le sport uniquement parce que les femmes profitent de l’occasion pour se présenter dans de nouvelles toilettes :

    Puis, faut-il vous le dire ? j’aime le sport, à cause de la femme ; c’est à lui que nous devons chaque printemps, cet assaut de toilettes, toutes plus exquises les unes que les autres, qui émaillent gracieusement toutes les réunions sportives. (Lyon s'amuse, n°29, 9 mai 1886)

    Une semaine plus tard, la journaliste de mode qui se cache derrière le pseudonyme Blondinette propose une « chronique du chiffon » consacrée au concours hippique. Elle ne se contente pas de faire une simple description des tenues vues à l’occasion de l’événement sportif, mais replace les acquisitions de toilettes dans le cadre de l’économie lyonnaise.

    On nous dira qu’il [le concours hippique] gênait la circulation et nuisait au commerce des petits boutiquiers des environs. Quelle naïveté ; et qui donc ose nous alléguer de si bénévoles raisons ? Je ne sache pas qu’il empêchât aux habitants de Perrache de vivre comme d’habitude, au petit peuple de fréquenter les estaminets environnants, ni aux épiciers de vendre des radis. Bien au contraire, ces réunions nous obligeaient à des frais de toilettes – huit costumes pour les huit jours – De plus elles attiraient à Lyon pas mal d’étrangers riches. Qui donc profiteraient de toutes les dépenses occasionnées, sinon le commerce lyonnais ? (Lyon s'amuse, n°30, 16 mai 1886)

    Les achats de nouvelles tenues à cette occasion profiteraient au commerce lyonnais. Plus encore, la rencontre à Bonneterre permettrait d’organiser des rencontres entre jeunes lyonnais et lyonnaises et encouragerait ainsi les mariages. L’illustration qui accompagne les textes du Lyon s’amuse met les femmes au premier plan. Elles ne regardent même pas la course mais posent pour l’illustration. Toute la scène évoque une activité mondaine plutôt qu’une rencontre sportive.

    Le monde lyonnais aux courses, Le Monde Lyonnais, n°33, 25 juin 1881)

    Une illustration du Monde Lyonnais (n°33, 25 juin 1881) de 1881 joue avec l’image des femmes aux courses de Lyon. Elle oppose « ceux qui courent » et « celles qui sont courues ». Le jeu de mots montre bien que l’événement sert à la rencontre.

    Lieux mondains et lieux de divertissement : codes et valeurs

    Pour mettre les activités mondaines en perspective, on peut jeter un regard sur les autres lieux de divertissement à Lyon à la même période. Les brasseries et certains cafés font aussi l’objet de descriptions détaillées. En revanche, dans le premier des rencontres mondaines, on commente l’élégance de la rencontre, les tenues et l’on évoque quelques noms connus du lecteur. Dans le cas du demi-monde, on pose un regard moralisateur sur le comportement des personnes. La Bavarde fournit un exemple significatif. Le journal satirique propose régulièrement des descriptions de brasseries et cafés où les filles de brasserie sont mises au centre :

    Un café du cours Vitton a eu, mardi dernier, l’honneur de recevoir les deux belles impures. Amélie David la Plantureuse et Annette la Licheuse. Elles étaient accompagnées de leur lingère. Amélie a fait un discours sur la situation financière. Annette, pendant ce temps, vidait un flacon de cognac. (La Bavarde, n°1, 2 février 1882)

    Jenny Bidel, La Petite Bavarde Illustrée, n° 5, 14 mai 1882

    On voit une première de couverture de la Petite Bavarde illustrée, qui propose un portrait satirique de Jenny Bidel, bock à la main (n°5, 14 mai 1882). Connue pour ses excès d’alcool et son animal de compagnie, un singe, elle fait l’objet de nombreuses remarques critiques.

    De plus, Le Bavard propose une série intitulée « Les Brasseries de Lyon ». Il l’introduit en disant : « Sous ce titre nous commençons aujourd’hui une étude très intéressante sur les principaux établissements de Lyon. Nous espérons que ces chroniques, toutes locales et rédigées avec la plus grande exactitude, obtiendront beaucoup de succès auprès de nos lecteurs ». Le journaliste ne s’intéresse pas uniquement au lieu, mais aussi à la clientèle et aux filles de brasserie. Nous apprenons ainsi que La Taverne de l’Est emploie de « hébés », nom satirique donné aux filles de brasserie aux mœurs légères.

    Ainsi, les nombreuses rubriques qui portent sur les activités du Tout Lyon montrent l’intérêt qu’avait le lecteur lyonnais pour toutes les activités mondaines de sa ville. Il y retrouve des noms connus, des descriptions de soirées et de toilettes. Les différentes activités décrites rythment l’année à Lyon et donnent des repères. Par la description des soirées plus exclusives comme le bal de Préfecture ou le bal militaire, celle de lieux de rencontre plus ouverts comme les concerts-Bellecour ou encore le concours hippique, la presse fournit en images et en textes une histoire de la vie mondaine à Lyon, façonnant des réputations, jouant sur les cotes de popularité, sublimant le caractère de la nouveauté ou méprisant sans ménagement les coquettes attirées par cet univers, rencontrées dans les cafés et les brasseries.

    Auteur du dossier : Philipp Jonke

    Pour citer cet article

    Référence électronique

    Philipp Jonke, La vie mondaine à Lyon autour de 1900, numelyo [en ligne], mis en ligne le 2019-02-25T10:59:12.060Z, consulté le 2023-06-10 07:20:28. URL : https://numelyo.bm-lyon.fr/BML:BML_00GOO01001THM0001viemon1900

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