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    Histoires d’usines / LA TASE / Témoignage de l'Association MémoireS

    Entretien avec Lydia PENA, Arlette SCALLATICEI, Odette GENIN, réalisé le 28 Mai 2015, dans les locaux de l’Association MémoireS.

    La Bibliothèque municipale de Lyon mène depuis plusieurs années, avec de nombreux partenaires, un travail autour du patrimoine industriel. Elle s’est impliquée de 2014 à 2016 dans un projet de collecte de mémoires sur les territoires de deux usines qui ont récemment disparu, l’usine TASE (Textile Artificiel du Sud-Est) à Vaulx-en-Velin à l’est de Lyon, et l’usine Rhodiaceta, dans le 9e arrondissement de Lyon. Ce projet est baptisé RESPIRA pour « Recueil Et Sauvegarde du Patrimoine Industriel en Rhône-Alpes ».

    Ce dossier rend compte des premiers résultats de ce projet à l’été 2016.

    Equipe ELICO

    • A.T. : Agnieszka TONA : Maître de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Claude Bernard Lyon 1 , membre du laboratoire ELICO. Elle est également responsable pédagogique de la Licence professionnelle « Bases de données et ressources documentaires » spécialité DIST (Documentation et Information Scientifiques et Techniques) de l’Université Lyon 1.
    • S.C : Sarah CORDONNIER : Maître de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication (Institut de la Communication (Université Lumière Lyon 2), membre du laboratoire ELICO, membre du Centre Norbert Elias, laboratoire réunissant des chercheurs en anthropologie, histoire, SIC et sociologie.

    Interviewées

    • LYDIA : Lydia PENA
    • ARLETTE : Arlette SCALLATICEI
    • ODETTE : Odette GENINI

    Présentation

    A.T. : Lydia est-ce que vous pouvez vous présenter et nous dire comment vous vous êtes intéressée à la TASE ? Où êtes-vous née ?

    LYDIA : Donc, je suis Lydia Pena ; je suis arrivée à la TASE à l’âge de 4 ans. Mes parents étaient réfugiés politiques espagnols, ils sont arrivé en 1939 en France. On n’habitait pas loin de la TASE. On habitait une maison délabrée, sans eau, sans électricité, ni rien. Donc mon père quand il est allé travailler là-bas comme chauffeur de chaudière, on a eu un appartement et pour nous, bien sûr, c’était du luxe puisque je venais d’un endroit où il n’y avait rien. Voilà comment on est arrivés à la TASE.

    A.T. : Et vous, vous n’y avez pas travaillé ?

    LYDIA : Non, je n’y ai pas travaillé, je suis allée à l’école.

    A.T. : Arlette ?

    ARLETTE :Alors, moi je ne suis pas du tout de la TASE non plus. Mais mon grand-père, qui était mineur en Lorraine, est arrivé à la TASE parce qu’un cousin lui avait dit : « Viens là, parce que le travail est moins fatiguant ». Donc mon grand-père, venant d’Italie, est arrivé en Lorraine et de Lorraine il est venu travailler à la TASE.

    A.T. : Quel est le nom de famille de votre père ?

    ARLETTE :Felice, mais mon grand-père c’était Corte… J’ai eu des relations avec la TASE parce j’habitais vers la rue Chardonnet et on traversait les cités TASE pour aller à l’école qui était à deux kilomètres et demi.

    A.T. : Donc vous étiez quand même autorisée à fréquenter cette école ?

    ARLETTE :Ah, oui bien sûr. Au contraire ! Il y avait même des gens qui venaient de Décines. Il y avait un paramètre [sic] assez important de l’école Jeanne d’Arc à l’époque. On avait beaucoup de copines qui étaient de la TASE. Puis maman a travaillé à la TASE quelque temps. En 1936, quand il y a eu les grèves, comme elle a été un petit peu combattante, elle a été licenciée. Et puis voilà… C’est comme ça.

    A.T. : Et vous vous êtes connues à l’école ?

    Les trois : Non dans l’association [MémoireS]

    A.T. : Alors ?

    ODETTE : Alors, moi dès le jeune âge, je suis arrivée à la TASE quand l’usine a vendu à la commune un terrain de sport. Et mon mari, handicapé suite à un accident du travail dans la métallurgie, cherchait du travail. Il a obtenu le poste de gardien du stade. On était logé sur le stade quand l’usine était encore en activité. On vivait sur le stade.

    A.T. : Et ça c’était à quelle époque à peu près ?

    ODETTE : Je dirais autour de 1970.

    Les cités ouvrières

    A.T. : Très bien. Du coup, les documents que vous nous montrez ce sont plutôt des documents qui proviennent du fonds de votre association [MémoireS]…

    LYDIA : Non, ceux-là aujourd’hui ce sont les miens

    A.T. : D’accord, très bien. Etant donné que vous êtes trois, je vous propose qu’on regarde des photos et que si chacune de vous a quelque chose à ajouter par rapport à ce qui est dit…

    Une usine de rayonne et les cités ouvrières, à Vaulx-en-Velin (Rhône). Projet RESPIRA.

    LYDIA : C’est-à-dire ce sont les premières là. [S’adressant à ARLETTE :] On voit même qu’il n’y avait rien où tu habitais toi à l’époque. Alors moi ce que je vois, au début quand j’étais petite j’habitais dans un champ là derrière.

    ARLETTE :Comme les Roms, dis-le, dis-le [sourire]

    LYDIA : Oui, oui comme les Roms. Là, il y avait la ligne de chemin fer qui passait. Les chemins de fer de l’Est, et d’ailleurs mon frère s’amusait à jeter des pierres sur le train.

    ARLETTE :Pour faire dérailler le train…

    LYDIA : Puis, je crois qu’il mettait sa tête aussi… Et ensuite on est venus habiter dans un des bâtiments. Pas le premier, mais celui qui est juste là derrière. Et c’est vrai que mes amies, mes copines, [elles habitaient] surtout dans ce petit bout de quartier. Déjà, on était isolés, mais en plus nous on [faisait] surtout [partie] des Grandes Cités. Et c’est vrai que pour aller à l’école, on traversait les Petites Cités où il y avait surtout des chefs ou des ingénieurs…

    ARLETTE :… Oui, ou des grandes familles.

    LYDIA : Mais enfin, c’était surtout des petits chefs, des cadres …

    ARLETTE :Oui ou des grandes familles, ce n’étaient pas des chefs mais bon…

    Une cité autonome

    LYDIA : C’est vrai qu’il y eu ici l’église en bois que je n’ai pas fréquentée bien sûr.

    ARLETTE :Tu l’as en photo, l’église en bois.

    A.T. : Elle est où cette église ?

    LYDIA : Normalement elle est là [deux centimètres au-dessus du bord inférieur droit]. Donc il y avait l’église en bois et là on avait l’infirmerie. Après il y a eu les bains douches, mais ils n’y sont pas encore. On a aussi, l’infirmerie : je me souviens une fois j’y suis allée pour me faire arracher une dent et le dentiste m’a donné une gifle, ça m’a laissée de mauvais souvenirs [rires]. Et aussi en décembre, on avait l’arbre de Noël et parfois en sortant de l’école on allait chercher notre cadeau et aussi notre sachet de mandarines avec des papillotes…

    ODETTE : Trois papillotes [rires]

    LYDIA : Et mon papa devait travailler ici [bord gauche de l’image, au milieu], vers le château d’eau, puisqu’il me parlait toujours du château d’eau.

    ARLETTE :Qui y est toujours d’ailleurs, non ?

    LYDIA : Oui, ils l’ont refait. Et on avait les gardes mobiles… Ils sont arrivés à partir de 1936. Alors certains disent que c’était à cause des grèves et d’autres disent que c’est parce qu’il y avait moins de personnes qui travaillaient à la TASE et que c’est pour ça qu’on les avait logés. Les gardes mobiles, les garçons qui habitaient la Grande Cité ne les aimaient pas beaucoup, donc ils se tapaient dessus, c’était des bagarres… C’est vrai qu’on ne le voit pas, mais je fréquentais le cinéma : le cinéma Palace. On avait un cinéma aussi, c’est vrai.

    ODETTE : Le cinéma qui est un restaurant maintenant, oui, oui...

    A.T. : Et vous, elle vous parle cette photo ?

    ARLETTE :Moi non, parce que… à part la traversée de l’avenue Roger Salengro pour aller à l’école. On faisait deux kilomètres quatre fois par jour parce qu’il n’y avait pas de cantine à l’époque. Mais on s’amusait tout le long, il y avait justement la ligne de l’Est et une carrière. Les relations qu’on avait avec la TASE : il y avait l’école, il y avait les bains douches… parce qu’à l’intérieur de nos appartements il n’y avait pas de douches, loin de là. Donc, quand le jeudi on pouvait aller prendre un bain si on avait 10 centimes et 5 centimes la douche, enfin quelque chose dans ce goût-là. Donc, quand on pouvait prendre un bain on était content à l’époque. Vous, vous ne payiez pas, mais nous comme on était hors de la TASE on payait. Donc on avait le droit d’aller aux bains douches.

    A.T. : Juste le jeudi ?

    ARLETTE :Oui parce qu’on n’allait pas à l’école le jeudi, donc le jeudi on pouvait aller se laver [rires]. Et puis par rapport à la TASE, quels souvenirs je peux avoir… bah les relations qu’on avait avec les enfants, quand on allait à l’école. Avec les garçons par exemple, quand ils nous attendaient de pied ferme, surtout quand il y avait de la neige… Je ne peux pas dire que j’avais des relations vraiment intimes avec la TASE, à part que tous mes copains et copines étaient de la TASE.

    A.T. : Et le stade on le voit ici ou pas encore ?

    ODETTE : Le stade ? Je ne pense pas, non. Il n’était pas construit. C’était un terrain qui n’était pas clos quand la ville l’a acheté. Je crois que c’est au franc symbolique. C’est ce qui se disait, au franc symbolique…

    Une usine de rayonne et les cités ouvrières, à Vaulx-en-Velin (Rhône). Projet RESPIRA.

    LYDIA : Le terrain du stade il est par là [coin inférieur gauche]. Il y a une espèce de pré…

    ARLETTE :Parce qu’il y avait de très bonnes équipes de basket…

    LYDIA : J’ai oublié de dire mais j’ai habité la Petite Cité. Parce que lorsque l’usine a fermé ils ont vendu quand même les maisons et donc mon père a acheté aux Petites Cités. Donc on a changé de catégorie, comme beaucoup [rires]. On est allé habiter les Petites Cités…

    A.T. : Et la photo qui est derrière là ?

    Une usine de rayonne et les cités ouvrières, à Vaulx-en-Velin (Rhône). Projet RESPIRA.

    LYDIA : Non celle-là est en plus gros plan, celle-là tu peux voir qu’il n’y avait rien où tu habitais toi [au centre]. Regarde, il y a pas de maison là, rue de…

    ARLETTE :Non mais là, c’est Décines…

    LYDIA : Ah oui voilà, vous êtes là vous [au centre, vers la gauche], c’est vrai que tu marchais beaucoup. Oui c’est qu’on était près du canal quand même. Mais bon c’est vrai que…

    A.T. : Le canal c’est ce qu’on voit ici [diagonale dans le coin supérieur gauche] ?

    LYDIA : Voilà, le canal de Jonage. Ah oui pour mon école ! Voilà mon école était là…

    ARLETTE :Elle était sur Villeurbanne d’ailleurs, elle n’était pas sur Vaulx-en-Velin…

    LYDIA : L’autre jour j’ai rencontré des copines d’école, des anciennes. L’une d’elles ne se souvenait pas qu’on avait été à la maternelle ici. Tu sais, là où il y avait des Indochinois. A mon époque, ils avaient fait une maternelle. Alors une se souvenait bien et l’autre pas du tout, comme quoi… Alors, ensuite ils ont construit l’école Ambroise Croizat…

    ARLETTE :Ah oui, un bâtiment magnifique…

    LYDIA : Ça c’était comme pour ceux qui allaient à l’église lorsqu’ils l’ont enlevée. En fait, l’église elle n’a pas été démolie, elle a été remontée. Certains disent que c’est dans les Vosges et il paraîtrait qu’elle a brulé dernièrement. Mais c’est vrai que quand on nous enlève quelque chose, comme l’école La Fontaine qui se trouvait ici [au centre sur la droite]

    ARLETTE :Qui a été brulée aussi…

    LYDIA : Chaque fois qu’on nous enlève quelque chose c’est vrai que…

    ARLETTE :… C’est une partie de notre vie… C’est l’histoire de notre enfance, surtout les écoles…

    ODETTE : Ce qui m’avait frappé, c’est de savoir que l’industrie faisait venir des travailleurs. Et quand ils les faisaient venir, ils avaient le logement, l’école, l’église… Enfin tout ce qu’il fallait…

    ARLETTE :Ca dépendait du patron…

    ODETTE : C’était vraiment une ville…

    ARLETTE :C’était les patrons de l’époque. Comment on appelle ça… le paternalisme ? Oui on avait tout.

    Le pensionnat et l’école Jeanne d’Arc

    Pensionnat Jeanne d'Arc à Vaulx-en-Velin. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    ARLETTE :Alors il y avait un pensionnat. Nous, on n’a pas connu ça mais il y a eu un pensionnat où les jeunes femmes qui venaient des pays alentours, toutes des étrangères à Vaulx-en-Velin ou qui venaient de la campagne, elles étaient chez les sœurs.

    LYDIA : Bah voilà, c’était cette dame-là, qui était dans le pensionnat, on le voit ici.

    ARLETTE :En face de l’école

    LYDIA : C’était le pensionnat Jeanne d’Arc. A un moment, ça a été un truc militaire ; après la guerre, ça a été un hôpital puis après ça a été…

    ARLETTE :Une école normale pour préparer les professeurs aux lycées techniques ou quelque chose comme ça.

    LYDIA : Bon voilà, ces jeunes filles devaient surement habiter l’hôtel du pensionnant, puisqu’il y a les bonnes sœurs.

    ARLETTE :… Et il y avait des Italiennes, des Polonaises

    ODETTE : Les religieuses étaient professeures dans l’école ?

    LYDIA : Non, non…

    S.C. : Et ces jeunes filles, vous parliez avec elles ?

    ARLETTE :Nous, puisque je vous parle de ça, c’était dans les années 1930, donc je n’étais pas née. Mais oui il y avait surement des contacts, il y avait des fêtes…

    LYDIA : Voilà ça c’est l’école Jeanne d’Arc et on voit dessus, la correspondance… C’était, c’était… bah c’est écrit : « La maison Jeanne d’Arc ». On voit la garderie d’enfants.

    Soie artificielle du Sud-Est. Usine de Vaulx-en-Velin (Rhône). Maison Jeanne d'Arc. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    A.T. : [lisant les inscriptions manuscrites sur la carte :] « Entrée principale », « garderie d’enfants »…

    LYDIA : Voilà

    ARLETTE :Ca a été l’école polytechnique aussi pendant un temps, je crois…

    ODETTE : Mais elle était si grande ?

    ARLETTE :Ah bah oui ! Elle y est toujours d’ailleurs.

    LYDIA : Mais ce n’est pas l’école, l’école était beaucoup plus petite. Et quand on regarde la correspondance, parce que les correspondances sont parfois intéressantes… on a l’année aussi.

    A.T. : Ah c’est super ça.

    ARLETTE :C’était rare quand ils écrivaient parce que les trois quarts ils étaient analphabètes. Les gens qui venaient de l’étranger, souvent, ils ne connaissaient pas la langue.

    LYDIA : C’est peut-être une sœur qui a écrit puisqu’elle dit : « amitié et union de prière ». On suppose que c’était une des sœurs… Et puis déjà c’étaient des filles qui étaient étrangères donc c’est une des sœurs qui a du écrire.

    Les Polonais et les Hongrois

    A.T. : [Revenant à la photographie de groupe précédente :] Et ça, c’est quand même un document assez marrant…

    ARLETTE :Après elles se sont mariées avec des ouvriers de la TASE, souvent elles sont restées sur place. Il y a Madame Goulevitch qui racontait qu’elle a connu son mari comme ça puis après ils se sont mariés… Elle venait de Montceau-les-Mines d’ailleurs. C’était des Polonais qui étaient venus travailler dans les mines. Puis souvent ils se disaient : « Viens là, c’est moins fatiguant ».

    Histoires de soie, 1990.

    Wanda Szyszka, épouse Goulevitch :

    Polonaise née avant la résurrection de la Pologne

    Son père était mineur mais il mourut avant la naissance de Wanda.

    Elle vécut sa première enfance avec sa mère, son beau-père et d'autres membres de sa famille mineurs eux aussi : tradition polonaise très vivace dans ce pays de mines. En 1922, sa famille doit quitter le pays. Wanda n'avait alors que sept ans, lorsqu'elle fut, avec sa famille, emmenée dans un train jusqu'à la frontière franco-allemande. Là, les Polonais rassemblés furent installés dans des casernes inconfortables et bondées puis après un mois et demi, chacun fut vacciné et d'après leurs professions, les familles furent envoyées dans différentes régions de France, surtout dans les régions minières : Lorraine, Nord, Massif-Central (Le Creusot, Montceau-les-Mines...).

    C'est là que la famille de Wanda se retrouva. On les logea dans un petit appartement exigu et sale. La mère de Wanda ne put supporter toutes ces épreuves et mourut en 1924. Wanda resta seule avec son beau-père et une demi-soeur.

    Son beau-père qu'elle considérait comme le père qu'elle n'avait jamais connu, partit pour la Belgique dans le pays noir presque aussitôt après la mort de sa femme.

    En 1928, le grand-père de Wanda, fatigué et âgé, décide de retourner dans sa Pologne « ressuscitée » depuis le traité de Versailles, pour rejoindre la famille restée au pays. Il place alors sa petite fille âgée de douze ans, dans une famille d'épiciers polonais où elle s'occupe des enfants. Elle perfectionne son français car à la maison on ne parle que polonais.

    En 1929, grâce à un membre de sa famille adoptive elle peut obtenir une place à l'usine de textile de la T.A.S.E. (Textile Artificiel du Sud-Est) qui demande alors beaucoup de main-d'oeuvre. On y fabrique de la fibrane. Wanda loge avec d'autres jeunes ouvrières (Polonaises, Hongroises...) au pensionnat Jeanne d'Arc.

    Elle se marie en 1933 avec Mr Goulevitch, Russe émigré de Sibérie. Leur premier enfant naît peu après. Mr Goulevitch travaille à l'usine de la Soie de 1925 à 1972, année où il eut un très grave accident de la circulation qui le rendit invalide.

    Mme Goulevitch vit dans le quartier à trois cent mètres de l'usine [en 1990], aujourd'hui fermée. Elle s'occupe de son jardin et taille ses rosiers.

    Extrait de : Histoires de soie, 1990, p.49-50.

    LYDIA : Ah ! Un des curés les avait bien accompagnées [assis au deuxième rang, au centre]. Ah ! ben voilà, avec toutes ces dames… [rires]

    ARLETTE :C’est pas le père Bois ? Non, c’est pas le père Bois…

    LYDIA : Il y avait aussi le père Aimone. C’est peut être le père Aimone ?…

    ARLETTE :Ils sont tous morts, on ne peut pas se repérer, c’est dommage… Tu vois du coup, la photographie est dans le livre [Histoires de soie, 1990, p.50]. Ca doit pas être la même…

    Pensionnat Jeanne d'Arc à Vaulx-en-Velin, ca. 1931.

    LYDIA : Ah, non, c’est pas tout à fait la même.

    ARLETTE :Non pas tout à fait…C’était une autre sortie…Ils les sortaient souvent !

    LYDIA : « Les jeunes filles de l’hôtel Jeanne d’Arc devant le car d’usine (vers 1931). Il y a de nombreuses Polonaises, dont les religieuses et le prêtre également d’origine polonaise » [légende de l’image].

    ARLETTE :Des Hongroises aussi, beaucoup…

    A.T. : En fait ce sont deux photos différentes alors qu’elles se ressemblent beaucoup !

    ARLETTE :Il y avait beaucoup de Hongrois aussi qui étaient arrivés parce qu’on raconte que les Hongrois connaissaient déjà le textile dans leur pays. Une Hongroise raconte d’ailleurs qu’il est arrivé environ 3000 Hongrois, un peu de toute la France parce qu’ils avaient déjà connaissance des machines du textile, je présume… Et donc il y en avait beaucoup à la TASE.

    LYDIA : Aussi sur le car d’usine c’est pas marqué TASE, mais « Soie artificielle du Sud-Est ». C’était le premier nom de la TASE.

    A.T. : On voit qu’ils ont posé de la même manière. Arlette, vous ne reconnaissez personne ici ?

    ARLETTE :Non, mais cette personne, il me semble l’avoir vue sur d’autres photos. Et là je suis sûr que c’est une Polonaise ou… ça te dit pas ?

    LYDIA : Ah non, non, elles sont jeunes là…

    ARLETTE :Mais celle-là ça me dit de l’avoir vue sur d’autres photos, la coiffure… On a des photos sur les Italiens aussi tu l’as ?

    LYDIA : Oui je l’ai quand ils sont à l’école Jeanne d’Arc…

    ARLETTE :Oui ils sont à l’école Jeanne d’Arc parce qu’ils font la fête de Saint-Antoine de Padoue… Alors là, c’était les femmes d’un côté et les hommes de l’autre.

    LYDIA : Alors attend je vais chercher la photo des Italiens…

    A.T. : Ça c’est vous ?

    Fête de l'école Ambroise-Croizat, ca. 1953. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    LYDIA : Moi je suis là. [à l’extrême gauche]

    A.T. : Vous ne voulez pas nous montrer cette photo ?

    LYDIA : Si, si, alors justement l’autre jour je l’ai amenée à ma copine. Alors je lui ai dit : « Tu vois, ça c’était à la fête de l’école, à l’école Croizat ». C’est les années 1953-54 à peu près.

    S.C. : Et qui a pris cette photo ?

    LYDIA : Je pensais que c’était ma mère… Mais non il y en a d’autres qui ont la même, donc c’est peut être une photo d’école. Tous les enfants posent donc je suppose qu’elle a été prise par [un photographe professionnel]…

    ARLETTE :Oui ou les parents, dès fois ils se les donnaient…

    ODETTE : Je peux regarder ? Pour voir si je te reconnais ?

    LYDIA : Bah, je l’’ai montrée à un copine et elle ne s’est pas reconnue.

    Après l’école, la caserne Jeanne d’Arc

    Villeurbanne - Peloton des E.O.R. - Caserne Jeanne-d'Arc. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    LYDIA : [Poursuivant sur une autre carte postale :] Alors on revient à nouveau au foyer Jeanne d’Arc, avec la fameuse école primaire Jeanne d’Arc, celle qui a été détruite [petit bâtiment sur la gauche]. C’est bien dommage d’ailleurs. C’est une carte postale. Et c’est vrai qu’après c’est devenu le peloton des EOR… Et ensuite un hôpital, après la guerre…

    Villeurbanne - Peloton des E.O.R. - Caserne Jeanne-d'Arc. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    ARLETTE :Après la guerre, on allait voir. On y allait avec l’école…

    A.T. : Vous les achetez où vos cartes postales ?

    LYDIA : En allant dans des bourses aux cartes postales, puis maintenant par internet. Mais bon il n’y en a pas souvent. Au départ je collectionnais juste le sud [de Vaulx-en-Velin] mais comme il n’y en avait pas beaucoup je me suis mise à collectionner tout Vaulx-en-Velin…Le Sud commence après le pont de la sucrerie.

    ODETTE : Et « E.O.R » ça veut dire quoi ?

    LYDIA : « Élève Officier de Réserve ».

    ARLETTE :Il est beau d’ailleurs ce bâtiment. Il y est toujours…

    LYDIA : Pour les dames, quand elles sont arrivées, elles étaient bien logées. D’ailleurs, attendez, on a une vue de l’intérieur, avec une chambre du pensionnat…

    Soie artificielle du Sud-Est. Usine de Vaulx-en-Velin (Rhône). Une chambre de pensionnaire. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    A.T. : Et ces chambres, vous les avez vues ?

    LYDIA : Non, on ne les a pas vues. C’était déjà devenu un hôpital. Alors qu’est-ce qu’ils nous disent ? « A l’hôtel des célibataires » [rires]. Mais « Célibataires “Dames” » !

    ARLETTE :C'est vrai que par rapport aux cités, il y avait quelque chose de particulier, parce qu'il y avait un esprit de partage. On travaillait ensemble et on se bagarrait ensemble quand il y avait des revendications… Il y avait quand même une cohésion.

    LYDIA : Alors, avant, quand c'est devenu caserne Jeanne d'Arc, vous avez la chambre de l'élève officier. Donc vous pouvez voir la différence…

    Villeurbanne - Peloton des E.O.R. - Caserne Jeanne-d'Arc - Une chambre d'élève. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    A.T. : Donc ça c’est le même bâtiment ?

    LYDIA : Oui, c’est le même bâtiment. C’est aussi une chambre, mais c’était pour les officiers de réserve…Ca doit dater des années 1930, juste avant la guerre.

    La fête des italiens

    LYDIA : Voilà, ensuite il y a la fête des italiens.

    Festa di Sant Antonio di Padova, à la Poudrette (15 Giugno 1930). Gruppo degli nomini. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    Festa di Sant Antonio di Padova, à la Poudrette (15 Giugno 1930). Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    Festa di Sant Antonio di Padova, à la Poudrette (15 Giugno 1930). Il comitato dei Zelatori. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    A.T. : Alors « Festa di Sant Antonio di Padova »

    ARLETTE :Il y a ma grand-mère là…Il y avait les femmes d’un côté et les hommes de l’autre…

    LYDIA : Tu vois que j’ai bien fait de la sortir ! Alors là c’est les hommes : groupe d’hommes, groupe de femmes et groupe des « zelatori », le groupe où il y a le curé…On voit le curé, on voit les gens qui ne sont pas des cités.

    S.C. : Les notables peut être…

    LYDIA : C’est lequel le père Bois ?

    A.T. : Il était italien ?

    LYDIA : Non, mais comme c’était la fête des Italiens donc… vous avez vu qu’il y a une date : « 1930 »

    ODETTE : C’est que des Italiens ?

    ARLETTE :Ah oui ! C’était la fête des Italiens, Saint-Antoine de Padoue, tu sais…

    ODETTE : Est-ce que c’étaient les Italiens qui étaient les plus nombreux dans les cités ?

    ARLETTE :Je ne sais pas. Je ne crois pas, c’était bien mélangé. Il y avait de tout, il y avait même des mongols, c’était vraiment… comment on dit : un « Melting pot » ? C’était tout à fait ça, il y avait de tout, des Arméniens, des Albanais… c’est pour ça que, obligatoirement, il y avait des relations un peu particulières.

    ODETTE : Et tout le monde se comprenait. C’est ça qui est bizarre…

    ARLETTE :Oui parce qu’ils étaient tous dans la même galère…

    LYDIA : Bah oui, parce que on était pauvre. Mais on ne le savait pas puisqu’on vivait en vase clos. Mais on était heureux.

    A.T. : Et vous avez assisté à ces fêtes ?

    ARLETTE :Ma mère, ma grand-mère, mes oncles… dans les années 1930…

    S.C. : Et ça s’est perdu ?

    ARLETTE :Oui ça s’est perdu. Après l’église a peut-être aussi perdu un peu d’influence… Je ne sais pas comment l’expliquer…

    ODETTE : Oui parce que c’était l’église qui organisait ces fêtes ?

    ARLETTE :Oui, évidement, avec le patron. Parce que le père Bois, il était employé par le patron. C’était la société de l’époque… Puis le père Bois d’ailleurs il portait bien son nom, il n’était pas très tendre.

    Une enfance dans les Cités

    LYDIA : Voilà de ce côté-là, c’est Villeurbanne, vous voyez les maisons-là sont sur Villeurbanne. Et là il y a les trois cheminées, parce que vous avez vu sur les premières [photographies] qu’on a regardées, il n’y avait pas encore les trois cheminées.

    Vue générale des usines de Soie artificielle du Sud-Est. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    ARLETTE :Yvette Urrea vous racontera que quand l’usine marchait [ça sentait très mauvais] parce qu’il y avait des produits toxiques. A l’époque, il n’y avait pas de syndicat [note], donc ils [les ouvriers] étaient soumis. Et quelques fois, ça tombait sur le linge et les femmes n’étaient pas contentes. Yvette vous racontera…

    Vaulx-en-Velin Décines. Les usines Givet Izieux. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    LYDIA : Vous avez vu la carrière [en haut, à gauche]. On vous en a parlé…

    ARLETTE :On nous disait de jamais passer là et, évidemment, comme on était des enfants très obéissants, c’est ce qu’on faisait en premier [rires]

    A.T. : Ce n’était pas sur le chemin de l’école, cette carrière ?

    ARLETTE :Si, on pouvait couper par la carrière et on passait par derrière, l’été surtout. Ca nous faisait un raccourci. Ah, c’était bien ! On revenait tous ensemble. On s’arrêtait au boulanger pour prendre des bonbons le samedi, parce que quelques fois les parents nous donnaient une petite pièce. On allait chercher des martinets en réglisse… et alors c’était bien, c’était mieux que le martinet sur les cuisses [rires]

    La garde mobile

    LYDIA : Alors attends, j’ai l’entrée de la garde mobile. Mais il y en a un qui devait me faire un cadeau si je trouvais le portail en grand. Je ne l’ai jamais trouvé… Voyez ça c’est l’entrée de la garde mobile

    Villeurbanne - Peloton des E.O.R. - Caserne Jeanne-d'Arc. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    ARLETTE :Alors, une anecdote : pendant la guerre, la garde mobile, qui devait être plus riche que nous, avait invité les enfants pauvres à venir manger. Je me souviens que ma mère m’avait dit de bien me tenir, évidemment, et la dame avait fait du tapioca. J’ai un souvenir de ce tapioca, je ne vous en parle pas ! [rires]. Que j’ai mangé de force parce qu’il le fallait bien…

    LYDIA : Donc là il y avait le chemin de fer, le passage à niveau, l’entrée de la caserne

    A.T. : Quel était le rôle de cette garde mobile ?

    LYDIA : Pour moi je ne sais pas….

    ARLETTE :Bah c’est-à-dire qu’ils étaient à l’école avec nous. On les regardait un peu avec une différence de statut. Ils avaient quand même une situation, ils étaient fonctionnaires à l’époque, surement…

    LYDIA : Une des institutrices faisait partie de la garde mobile…

    ARLETTE :Comment elle s’appelait ?

    LYDIA : Vigouroux ou Bigouroux. Alors moi j’ai une photo. Elle n’est pas prise ici, à Vaulx-en-Velin : « Légion de garde républicaine mobile, Vaulx-en-Velin » [inscription figurant sur le support de la photographie]…

    Légion de garde républicaine mobile, Vaulx-en-Velin, 1938. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    ARLETTE :Tu sais, il y a une fille qui chante… Tu pourras lui demander s’il y a son père. Elle chante à la Chorale des Enchanteurs…

    LYDIA : Ils sont impressionnants quand même, toute l’équipe… Regardez l’année : « 1938 », il y a toujours des petits indices…

    A.T. : Ils étaient avec leurs familles ?

    ARLETTE :Ah oui, ils étaient installés, les filles étaient à l’école avec nous, il y en a une qui habite encore à Vaulx. On pourrait essayer de la contacter, mais je ne sais plus son nom…

    LYDIA : Alors là c’était la fameuse épicerie…la coopérative, en somme, non ? [à droite de l’image]

    Quartier de la Garde républicaine mobile, Cité Gillet, à Vaulx-en-Velin (recto). Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    ARLETTE :Voilà oui, la coopérative

    LYDIA : Et c’était par là [à gauche de la photo] où il y avait le fameux mur où certains se faisaient passer des bouteilles de vin. Ils venaient jusqu’au mur et hop ! Et là, ils demandaient aux passants de leur… ça c’est mon père qui me l’a raconté, attention…

    A.T. : Et ça c’est dans la Grande Cité [à l’extrême gauche de l’image] ?

    LYDIA : Oui et la garde mobile était là, regardez : « Quartier de la garde républicaine mobile, cité Gillet à Vaulx-en-Velin »

    ARLETTE :C’était tout de suite au début des Grandes Cités..…

    LYDIA : [lisant le verso de la carte postale] « Un bonjour de Décines »

    Quartier de la Garde républicaine mobile, Cité Gillet, à Vaulx-en-Velin (verso). Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    LYDIA : Ca va pas non ! [rires] ; on mélange pas ! Il y a eu des erreurs de faites, regardez : « Décines », alors que c’est Vaulx-en-Velin.

    LYDIA : Oui donc là il y avait une épicerie, puis ici il y avait une « Économique », une autre épicerie et il y avait…

    ARLETTE :Un boucher…

    LYDIA : La boulangerie… Donc voilà tout ce qu’on avait ! Et maintenant on se plaint quand on n’en a pas assez [des petits commerces]…

    ARLETTE :On allait chercher des yeux… des yeux de bœuf pour étudier à l’école, pour étudier en sciences.

    ODETTE : Des œufs de quoi ?

    ARLETTE :De bœufs ! On allait demander au boucher, il nous donnait des yeux de bœuf…

    ODETTE : Ah des YEUX ! J’avais compris des œufs [rires] Des œufs de bœuf ! Je me demandais : « Qu’est ce que c’est que ce truc ? »

    La collection de Lydia

    A.T. : Je suis impressionnée par votre collection. Depuis combien d’années vous [collectionnez les cartes postales] ?

    LYDIA : Oh peut-être 10 ans ! 10-11 ans. [En montrant une page de son album où apparaissent des photographies de bâtiments :]

    Soie artificielle du Sud-Est. Type de Maison de la Cité-jardin. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    Soie artificielle du Sud-Est. Type de Maison de la Cité-jardin. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    Soie artificielle du Sud-Est. Type de Maison de la Cité-jardin. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    Soie artificielle du Sud-Est. Type de Maison de la Cité-jardin. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    Cité TASE à Vaulx-en-Velin. Fonds Lyon Figaro, Claude Essertel, 1990.

    « Les Petites Cités », cités ouvrières de l'usine, Nicolas Daum, 2014. Fonds Vos Photos..

    « Les Petites Cités », cités ouvrières de l'usine TASE, Nicolas Daum, 2014. Fonds Vos Photos.

    LYDIA : Mais c’est vrai que j’ai eu la chance de trouver des constructions... Vous voyez elles sont jolies aussi celles-ci ? Où on voit encore... Elles ne sont pas finies donc après… après on en a d’autres où elles sont terminées… voilà… Mais c’est vrai qu’il y avait différent types de maison. C’est joli. Alors, celle-ci c’est la première carte postale que j’ai trouvée !

    Soie artificielle du Sud-Est. Type de Maison de la Cité-jardin. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    A.T. : Vous l’avez trouvée comment ?

    LYDIA : Dans une bourse aux cartes postales... Et donc, voilà, première carte : j’ai commencé ma collection avec cette carte-là. Et là on voit l’usine. C’est ça qu’on voit... [elle pointe le bâtiment derrière la maison]

    Soie artificielle du Sud-Est. Type de Maison de la Cité-jardin. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    A.T. : ...qui est en train de se construire ?

    LYDIA : Voilà.

    S.C. : Et donc cette carte vous l’avez montrée…

    LYDIA : A Joseph [Damiéqui] qui était à l’époque correspondant du Progrès, et qui faisait partie de l’association MémoireS. C’est comme ça aussi que je les ai rencontrés.

    L’association MémoireS

    ARLETTE :Au départ l’association elle est née avec des anciens déportés. On voulait raconter l’histoire de la déportation afin que l’histoire de la déportation et de la Résistance ne se perde pas. Et puis après on s’est aperçu qu’il fallait qu’on élargisse [notre propos]. Ce qu’on a manqué souvent, c’est quand même l’immigration maghrébine. Parce qu’il y en a eu beaucoup dans les années 1950, mais on a eu des difficultés à contacter les gens. Ils n’ont pas bien envie de parler, c’est dommage. Mais c’était peut être trop récent…

    ODETTE : Et on a mis un « s » à Mémoire, et un « S » majuscule…

    ARLETTE :Oui parce qu’on s’est dit qu’il fallait qu’on aille vers toutes les mémoires. On avait surtout [un intérêt] par rapport à l’histoire de Vaulx-en-Velin, qui est une commune paysanne et qui était coupée par le canal de Jonage. Le sud était très ouvrier…

    ARLETTE :Ceux du sud [de Vaulx-en-Velin], ils connaissaient plus leur histoire… Enfin, non, parce qu’on a aussi plein de cassettes sur les paysans. On a même quelqu’un qui savait le patois, parce qu’il y a un patois vaudais mais n’on a pas pu l’enregistrer… Et puis, ce n’était pas notre métier. Ce n’est pas simple…

    LYDIA : Juste là, regardez parce que je pense que ça vous parle…

    L’école des garçons

    ARLETTE :Ça c’est l’école… des garçons

    Vaulx-en-Velin (Rhône). Quartier de la Poudrette. L'école des garçons. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    Vaulx-en-Velin (Rhône). Quartier de la Poudrette. L'école des garçons. Fonds de cartes postales, Projet RESPIRA.

    ARLETTE :Comme il y avait l’école Ambroise Croisat, les garçons sont ensuite allés à l’école Ambroise Croisat. Là [l’ancienne école des garçons], ça été une bibliothèque, puis après un foyer, et puis un jour elle a été brulée. Il y a eu une manifestation ; je crois que toute la TASE - les vieux, les anciens et les jeunes - y sont venus à cette manifestation. Vraiment, ça leur a crevé le cœur de voir leur école bruler. Parce que ce sont tous les souvenirs de l’enfance.

    A.T. : Et vous n’avez pas l’intérieur de celle-là ?

    ARLETTE :Si on en a ! On peut vous les chercher si vous voulez…

    Le laitier

    LYDIA : Encore un bon souvenir pour les Cités : c’est le passage du laitier. Donc moi ce laitier, je ne l’ai pas connu - mais il parait que ce serait M. Guillard, peut-être.

    Distribution du lait à Vaulx-en-Velin. Fonds Vos Photos, ca. 1945. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    ARLETTE :Ou son frère…

    LYDIA : Oui, lui il s’est pas reconnu mais bon…. Des fois, on ne se reconnait pas ! [rires]

    A.T. : Vous lui avez montré ?

    LYDIA : C’est… Solange qui l’a montrée, je crois…

    ARLETTE :Vous savez c’était en 1945, hein… Les gens laissaient leurs berthes aux fenêtres…

    LYDIA : Oui, aux fenêtres ; alors y avait les escaliers... Les fenêtres des toilettes donnaient sur la cage d’escalier. Donc on laissait notre berthe avec les sous dedans et le laitier venait. Et jamais ni l’argent, ni le lait, ne disparaissait à l’époque… C’est vrai que le laitier, c’est un autre monde...A chaque fois qu’on en parle, on parle de l’honnêteté des gens. Parce qu’on était quand même pauvres donc ça aurait pu être simple de voler. Même les garçons qui étaient des voyous ils nous ont jamais volés, pourtant…

    ARLETTE :[Montrant la photo] Puis alors on voit qu’il y a des familles nombreuses, parce que regardez tous les bidons de lait qu’il y a… Et c’était [Lanon] qui était le laitier, tu te rappelles ?

    LYDIA : Non, c’était Tripier je crois.

    A.T. : Elle date de quand ? [Regardant au dos de la photographie :] « 1945 ». Et vous l’avez trouvé sur une bourse ?

    LYDIA : Non, sur internet encore.

    A.T. : Heureusement qu’on a internet. [rires]

    LYDIA : Heureusement, ça m’évite de me déplacer. Quand je vais aux bourses, comme je suis petite, on ne me voit pas. Je suis derrière et on ne me laisse pas passer… [rires]

    Le papa de Lydia

    A.T. : Et vous nous avez dit que vous avez trouvé des trésors ?

    LYDIA : Ah oui, alors les trésors c’est des années 1960, donc on voit le stade, sinon... [Elle cherche une photo] ah ! Attendez ! Il y a une photo, une vraie photo ! Je reconnais mon père, bien sûr. On lui a remis la médaille du travail…

    Remise de la médaille du travail à Monsieur Inchausti, ancien ouvrier de la Tase, années 1960. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    A.T. : C’est votre papa ?

    LYDIA : Voilà : c’est mon papa. Alors y a peut-être M. Pauli, mais là il faudrait demander à Marcel Prost ou alors à quelqu’un d’autre… Voilà, c’est mon Papa lors de la remise de la médaille du travail.

    A.T. : Ca date de quand ?

    LYDIA : Des années 1960 je pense.

    A.T. : Comment s’appelait votre père ?

    LYDIA : Inchausti, c’est un nom basque. Donc on est fier d’être du Sud. Puis on est fier d’avoir un père basque aussi. [rires]

    ODETTE : Fais voir ton papa si je l’ai connu…

    LYDIA : Oh, je ne pense pas… Mais c’est vrai, je crois qu’on a dû lui donner une montre et qu’elle est à la maison… C’est une Lip, il me semble. C’est une jolie montre. Ma mère me l’a donnée quand il est décédé. C’est un peu le genre de cadeau qu’ils faisaient à l’occasion.

    A.T. : Il avait quel âge à peu près votre père ?

    LYDIA : Il est né en 1921 … Il était à la retraite jeune, donc il devait avoir une cinquantaine d’années. 50 ans, un peu plus. Entre 50 et 55 ans.

    A.T. : Vous avez d’autres photos comme ça ?

    LYDIA : Non, c’est vrai que celle-ci…

    A.T. : Et qui l’a fait ?

    LYDIA : Oh c’est le service communication de l’usine-même, ils venaient les prendre en photo…

    A.T. : [s’adresse à O.G. ] Vous l’avez pas connu ?

    ODETTE : Euh… non, je crois pas

    L’école La Fontaine

    LYDIA : Et puis, bien sûr, [on a] des photos d’école... Mais il y en a tellement…

    A.T. : D’abord nous allons regarder celle-là.

    LYDIA : C’est bien l’école La Fontaine, on voit que les deux fenêtres là sont collées et après on a une séparation…

    Vaulx-en-Velin (Rhône). Quartier de la Poudrette. L'école des garçons. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    A.T. : Ah, d’accord, c’est comme ça que vous identifiez les lieux ?

    ARLETTE :C’est de quelle année tu ne sais pas ?

    LYDIA : Je ne sais pas si c’est marqué derrière… [De toute] façon, c’est avant 1950… puisque la nouvelle école Croizat a ouvert en 1954…

    ARLETTE :Celle-ci je ne pense pas [photographie ci-dessus]… mais celle-là oui [photographie ci-dessous, antérieure à la précédente]…

    Ecole La Fontaine (?) à Vaulx-en-Velin. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    A.T. : Vous reconnaissez quelqu’un sur cette photo ?

    Ecole La Fontaine (?) à Vaulx-en-Velin.

    ARLETTE :Lui je le connais [deuxième au premier rang en partant de la gauche] mais je ne me rappelle plus de son nom… Mon frère y est allé à cette école…Celle-ci elle parle, parce que ce sont les années 1930. Regardez les enfants comme ils ne sont pas très heureux…

    A.T. : Il n’y a que des filles, là ?

    ARLETTE :Ah oui, parce qu’à l’époque, on n’était pas mélangés.

    LYDIA : Ça ce sont les photos de l’association.

    A.T. : D’accord alors toutes ces photos c’est quelqu’un qui vous les a….

    ARLETTE :Qui nous les a données…

    A.T. : Vous savez qui, ou non ?

    LYDIA : C’est comme celles que j’ai mises sur ma tablette, des années 60, on pense que c’est le curé... Des fois c’est marqué « Curé Mémoires », mais on sait pas si c’est le curé. Parce qu’en plus il y en a pas mal qui sont prises depuis l’église, alors ça ne peut être que le curé…

    Ecole La Fontaine (?) à Vaulx-en-Velin. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    LYDIA : Alors mon frère il est peut-être là. Mon frère est né en 1942…

    LYDIA : C’est vrai que beaucoup de mes photos, on peut les retrouver aux archives parce que je vais souvent aux archives et, bon, je leur laisse copier des photos…

    A.T. : Vous allez aux archives municipales ?

    LYDIA : Oui, oui, bien sûr … Parce que le plaisir c’est de partager, pas de collectionner et de garder pour soi [sans] les montrer. Il y en a qui ne veulent pas les sortir, mais je ne vois pas l’intérêt de ne pas partager.

    A.T. : Alors là on a vos souvenirs ? [A.T. fait défiler des photographies scolaires appartenant à L.P.]

    LYDIA : Oui, ce sont mes souvenirs, mes photos d’école

    A.T. : Alors, regardons-en une des deux. Vous vous reconnaissez là ? Arlette, vous êtes peut-être sur ces photos ?

    LYDIA : Non, non, elle n’y est pas, mais tu dois reconnaitre du monde peut être…

    ARLETTE :Non c’est ton époque ça, ma belle…

    LYDIA : Vous avez vu comme on était bien habillés…

    A.T. : Je note que vous n’aviez pas d’uniforme…

    LYDIA : Non on n’avait pas d’uniforme puis… apparemment les carreaux étaient à la mode…

    ARLETTE :[Elles] n’étaient pas heureuses vous voyez, il n’y en pas une qui sourit, c’est terrible ça ! La tristesse…

    • Souvenir scolaire : école Jeanne-d'Arc (année 1954-1955)], ca. 1955. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    • Souvenir scolaire : école Jeanne-d'Arc (année 1945-1946), ca. 1946. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    • Souvenir scolaire : école Jeanne-d'Arc à Vaulx-en-Velin, cours élémentaire - 2e année (année 1956-1957). Fonds Vos Photos, ca. 1957.

    • Souvenir scolaire : école Jeanne-d'Arc à Vaulx-en-Velin, cours élémentaire - 1re année (année 1955-1956). Fonds Vos Photos, ca. 1956.

    • Souvenir scolaire : école Jeanne-d'Arc (année 1959-1960), ca. 1960. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    • Souvenir scolaire : école Jeanne-d'Arc (année 1958-1959), ca. 1959. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    • Souvenir scolaire : école Claude-Kogan (année 1961-1962), ca. 1962. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    • Souvenir scolaire : école Claude-Kogan (année 1960-1961), ca. 1961. Fonds Vos Photos, Projet RESPIRA.

    Pour citer cet article

    Référence électronique

    Philippe Rassaert, Histoires d’usines / LA TASE / Témoignage de l'Association MémoireS, numelyo [en ligne], mis en ligne le 2016-08-30T12:46:23.183Z, consulté le 2024-04-16 10:31:37. URL : https://numelyo.bm-lyon.fr/BML:BML_00GOO01001THM0001respira4

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