De la démocratie dans la collection des livres anciens de la Bibliothèque de Lyon
Présentée dans le cadre de l’événement « Démocratie » organisé par la bibliothèque municipale de Lyon en 2016-2017, cette sélection, à la fois partielle et partiale, invite à découvrir ou redécouvrir quelques textes importants sur la démocratie.
La démocratie dans sa relation à la culture
La place de la culture et de l’éducation dans la formation du citoyen est un thème fréquent des penseurs de la chose publique. Si plusieurs philosophes prennent prétexte de l’ignorance des foules pour critiquer les institutions démocratiques (comment des foules non instruites peuvent-elles savoir ce qui est bon ou juste ?), les textes présentés ici profitent au contraire d’une réflexion sur l’éducation et la culture pour préciser et approfondir la définition de la démocratie. Plus qu’une organisation des institutions, il s’agit à la fois d’être libre d’esprit (1 et 2) et d’avoir des chances égales d’accès aux différents statuts sociaux (3 et 4).
1. Etienne de La Boétie, « Discours de la servitude volontaire », dans Mémoires de l'estat de France, sous Charles neufiesme, tome 3, [s. l. : s. n.], 1577, p.160 (BmL, 314120 T. 03)

Dans son Discours sur la servitude volontaire (1577), Etienne de La Boétie décortique les mécanismes qui permettent à un tyran de demeurer au sommet du pouvoir sans être renversé. Parmi ceux-ci, l’abêtissement des foules par la multiplication des distractions en est un puissant (p. 178 et suivantes).
2. Abbé Grégoire, Rapport sur la bibliographie, Paris : Quibert-Pallisseaux, 1794 (BmL, A 491962-3)

L’abbé Grégoire, figure emblématique de la Révolution française, fait de l’instruction une condition nécessaire à l’émancipation des peuples. Dans ce Rapport sur la bibliographie (1794), il prend parti pour le développement sur tout le territoire des bibliothèques publiques, qu’il considère comme des « ateliers de l’esprit humain » (p. 14 et suivantes).
3. Jules Ferry, Discours sur l’inégalité d’éducation, 1870, publié dans Jules Ferry et Paul Robiquet (éd.), Discours et opinions, Paris : Colin, 1893, tome 1 (BmL, 376163)

Tout jeune député, Jules Ferry explique dans un Discours sur l’égalité d’éducation (1870) l’objectif qui guidera son action politique. Après les révolutions et l'instauration d'une égalité de droits entre chaque citoyen, il souhaite en effet abolir le principal obstacle à l’égalité réelle selon lui : « l’inégalité d’éducation » (p. 287).
Les institutions démocratiques : quelques textes choisis
Si la démocratie ne s’est imposée comme norme politique que très récemment, ses principes en sont discutés de longue date. Tous les auteurs qui s’interrogent sur cette forme d’organisation politique, affrontent les mêmes problèmes : l’opposition entre l’égalité des citoyens et la nécessité du commandement, ainsi qu’entre la liberté individuelle et la volonté de la majorité. Les réponses apportées utilisent souvent deux catégories : la loi et la morale.
1. Aristote et Louis Le Roy (trad.), Les politiques, Paris : 1576 (BmL, 107273)

Dans Les Politiques, Aristote interroge les différentes formes de gouvernement et leur adaptation à chaque peuple. Concernant la démocratie, il en saisit d’emblée le double idéal : les démocraties ont pour fondement et pour but à la fois la liberté et l’égalité des citoyens (p. 383 et suivantes).
2. Montesquieu, L’Esprit des lois, Genève : 1749 (BmL, 150223)

Dans ce siècle des Lumières où la philosophie est reine, Montesquieu, juriste, s’attache davantage aux conditions nécessaires à l’exercice des libertés qu’à leur analyse. Dans L’esprit des lois (1748), il en vient ainsi à définir la séparation des trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, afin de limiter les abus des hommes de pouvoir (Chapitre IV, p. 152).
3. Déclaration d'indépendance des Etats-Unis d'Amérique (1776), publiée dans Louis-Alexandre de la Rochefoucauld d’Anville, Constitution des treize Etats-Unis de l’Amérique, Paris : 1792, tome 2, p. 131 (BmL, 400664)

Le préambule de la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis d’Amérique (1776), est un des premiers textes « officiels » à mentionner des droits humains universels et inaliénables. Plus encore, il institue le droit pour un peuple d’abolir tout gouvernement qui ne respecte pas ces droits, dont la conservation doit être le but de toute organisation politique (p. 134 et 135).
4. Convention nationale, Acte constitutionnel précédé de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Nancy : Haener, 1793 (BmL, SJ SS 190/59)

Après l’abolition de la monarchie en août 1792, la Convention nationale est chargée de rédiger une première constitution républicaine. Votée en 1793, cette première constitution, qui ne sera jamais appliquée, est précédée d’une nouvelle Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (24 juin 1793), plus longue, moins connue que celle de 1789, et qui exprime une tendance beaucoup plus égalitaire.
5. Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Paris : Gosselin, 1842, tome 2 (BmL, SJ IG 526/229)

Alexis de Tocqueville, dans De la démocratie en Amérique (1835), analyse le fonctionnement réel de la démocratie aux Etats-Unis, et en pointe souvent les écueils, et le risque de dérive populiste. Dans ces pages toutefois, il défend la nécessité des institutions démocratiques en temps de crise, plutôt que l’illusoire tentation d’un retour au calme par le despotisme (p. 116 et 117).