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    Le Libertinage au début du 17e siècle : autour de l'affaire Théophile de Viau (1621-1625)

    « Jamais la foy n'a eu plus besoin d'estre vivifiée. Jamais on n'a péché plus dangereusement contre la Relligion. Ce n'est plus le toit ny les defences qu'on bat ; on attaque le pied de la muraille : on mine les fondements, on veut faire sauter tout l'édifice », écrit J. de Silhon dans De l'Immortalité de l'âme (1634), témoignant de la montée de l’impiété et du libertinage au début du 17e siècle. Dans les années 1620, le père Mersenne n’estime pas à moins de 50000 le nombre d’athées dans Paris ! Une véritable effervescence philosophique règne en ce début de siècle. Pour nommer un mouvement de pensée perçu comme particulièrement menaçant par les dévots, on emploie un terme générique qui désigne tout à la fois la liberté de mœurs et la libre pensée : le libertinage. Les libertins, qui mettent en doute les vérités de la foi – impies, déistes, voire athées – constituent donc les nouveaux ennemis combattus par les défenseurs de la religion, tant catholiques que protestants. Face à la montée du libertinage, autorités politiques et religieuses éprouvent le besoin de réagir. C’est dans ce contexte qu’éclate l’affaire Théophile de Viau, au début des années 1620.

    Un procès pour libertinage au 17e siècle : le cas de Théophile de Viau (1623-1626)

    Un poète renommé

    Au début des années 1620, Théophile de Viau (1590-1626) est un poète de cour renommé. Il continue d'être lu tout au long du siècle, comme en témoigne la publication de plus de quatre-vingts éditions de ses Œuvres entre 1621 et 1696. La Bibliothèque municipale de Lyon, qui possède une vingtaine d’entre elles dans ses collections – dont onze émanant de libraires-imprimeurs lyonnais – témoigne ainsi de la réception de ses écrits au 17e siècle.

    Portrait de Théophile (1590-1626) collé en regard de la page de titre des Œuvres de Theophile divisées en trois parties […], Rouen, P. de la Motte, 1630. Il porte l’excudit du graveur français Etienne Jehandier, dit Desrochers (1668-1741) (B 509724)

    T. de Viau, Les Œuvres du Sieur Théophile, Paris, J. Quesnel, 1621 (Rés 344436)

    Comme poète, Théophile de Viau connaît la consécration dans les années 1619-1620 avec la publication d’un nombre conséquent de ses poésies dans plusieurs recueils collectifs puis avec la publication de ses Œuvres en 1621.

    T. de Viau, Les Œuvres du Sieur Théophile, Paris, J. Quesnel, 1621 (Rés 344436)

    L’affaire Théophile de Viau (1621-1625)

    En 1621 paraît le Parnasse des poètes satyriques, recueil collectif de vers licencieux. En première page, il comporte un sonnet attribué de manière explicite au poète – peut-être s’agit-il là d’une stratégie de la part du libraire, qui espère ainsi vendre davantage d’exemplaires.

    Marquis de Villequier, Le Parnasse satyrique du sieur Théophile, Leyde, Hackius, 1660 (811526)

    Au début des années 1620, le royaume vit une période de crise : le durcissement du pouvoir, qui cherche à imposer un ordre moral et religieux, ainsi que les menées des dévots, expliquent l’éclatement de l’affaire. En réaction à la publication du Parnasse, le père jésuite François Garasse rédige sa Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps […], dans laquelle il fait de Théophile le modèle du libertin. Le procureur général du roi ordonne l’instruction d’un procès contre les auteurs supposés du Parnasse. Théophile, qui se cache, est condamné par contumace et sa sentence est exécutée en effigie :

    [La Cour] déclare lesdits Théophile, Berthelot et Colletet vrais contumaces atteints et convaincus du crime de lèse-majesté divine, et [...] condamne lesdits Théophile et Berthelot à être menés et conduits des prisons de la Conciergerie en un tombereau au devant la principale porte de l’église Notre-Dame de cette ville de Paris, et illec à genoux, tête, pieds nus, en chemise, la corde au col, tenant chacun en leurs mains une torche de cire ardente du poids de deux livres, dire que très méchamment et très abominablement ils ont composé, fait imprimer et exposé en vente le livre intitulé le Parnasse satyrique, contenant les blasphèmes, sacrilèges, impiétés et abominations y mentionnées contre l’honneur de Dieu, son Église et honnêteté publique, dont ils se repentent et en demandent pardon à Dieu, au roi et à la justice, ce fait menés et conduits en place de Grève de cette dite ville, et là ledit Théophile brûlé vif, son corps réduit en cendre, icelles jetées au vent et lesdits livres aussi brûlés …

    Alors qu’il cherche à fuir à l’étranger, Théophile est arrêté et transféré en septembre 1624 à la Conciergerie. L’affaire est rejugée, et le poète risque une double condamnation pour athéisme et sodomie, deux accusations qui peuvent le conduire au bûcher. Ses écrits font alors l’objet d’un examen minutieux : on cherche à y déceler la revendication de mœurs ou d’opinions contraires à l'ordre public. À travers la mise en accusation de l’homme, perçu comme un danger pour la société par l’exemple qu’il donne, il s’agit d’éradiquer toute velléité d’imitation. Après une grève de la faim, le poète obtient l’autorisation de lire et d’écrire. Il rédige entre autres des poèmes dont la Maison de Sylvie, en l’honneur de l’épouse de son protecteur le duc de Montmorency, mais aussi des écrits de défense :

    Mon frère, mon dernier appui,

    Toi seul dont le secours me dure

    Et qui seul trouves aujourd'hui

    Mon adversité longue et dure ;

    Ami ferme, ardent, généreux,

    Que mon sort le plus malheureux

    Pique d'avantage à le suivre,

    Achève de me secourir

    Il faudra qu'on me laisse vivre

    Après m'avoir tant fait mourir

    (Lettre à son Frère)

    La sentence est prononcée le 1er septembre. Le jugement par contumace est supprimé, Théophile est acquitté ; cependant, en raison des délits mis à jour par le procès, il est condamné au bannissement et ses biens lui sont confisqués. Le 25 septembre 1626, il décède de maladie à l’âge de 36 ans, après deux ans passés dans un cachot insalubre. Cette sentence marque la fin du mouvement libertin « flamboyant ».

    Le père Garasse, La Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps […], Paris, S. Chappelet, 1623 (338719)

    La réaction religieuse contre la montée du libertinage

    Image de l’homme sensuel, enchanté par la volupté, lié par la mauvaise habitude et tourmenté par la syndérèse , (d’après un tableau du Corrège), Étienne Picart, 1676 (F17PIC009098).

    Parallèlement aux poursuites judiciaires exercées contre les libertins – outre le cas de Théophile, on peut noter que le philosophe italien Jules-César Vanini a été brûlé à Toulouse en 1619 pour blasphème, impiété, athéisme, sorcellerie et corruption de mœurs, et qu’un Arrest de la Cour de Parlement. Contre les Jureurs et les Blasphémateurs du nom de Dieu paraît en 1626. On voit se multiplier dans les années 1620-1630 les livres destinés à combattre ou à convaincre les libertins. Ils commencent à être diffusés dès la fin du 16e, moment où renaît l’Apologétique, branche de la théologie qui tend à apporter des preuves rationnelles relatives à la véracité de la foi chrétienne. Le premier ouvrage de ce genre semble être le fait d’un auteur protestant, Philippe Duplessis-Mornay, qui fait paraître De la vérité de la religion chrestienne en 1581. Ces écrits, souvent rédigés en français, ont pour visée de combattre les théories des libertins. Ils peuvent traiter d’un point de doctrine, comme l’immortalité de l'âme, ou chercher à avoir une approche plus globale. Cette production augmente considérablement entre 1622 et 1630 – selon René Pintard, on peut ainsi compter une vingtaine d’ouvrages de ce type publiés sur cette période, contre onze pour les années 1600-1622 et onze encore pour les années 1630-1640.

    Pour mener ce combat, chaque ordre religieux dispose de ses propres combattants, parmi lesquels on peut citer Marin Mersenne (Minimes), Boucher (Cordeliers), Yves de Paris (Capucins), Polycarpe de la Rivière (Chartreux), ou les pères Garasse, Raynaud, Richeome, Antoine Sirmond, et Caussin (Compagnie de Jésus). Les protestants ne sont pas en reste et comptent dans leurs rangs Pierre du Moulin, Charles Drelincourt, Philippe Duplessis-Mornay, ou encore Hugo Grotius, originaire des Pays-Bas. Mais ces ouvrages ne sont pas seulement le fait de religieux ; des laïques, comme Jean Silhon ou Puget de la Serre, peuvent également être à l’origine d’écrits de ce genre. On peut même compter parmi ces auteurs des libertins. Le philosophe italien Vanini publie ainsi à Lyon en 1615 son Amphitheatrum aeternae Providentiae Divino-Magicum pour se disculper des accusations d’athéismes qui pèsent contre lui.

    J. C. Vanini, Amphitheatrum aeternae Providentiae Divino-Magicum, Lyon, 1615 (Rés B 491051)

    Parmi les ouvrages qui paraissent dans les années 1620, certains sont restés très connus. La Bibliothèque municipale de Lyon en possède un nombre important, parmi lesquels on peut citer à titre d’exemple, entre autres, la Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps du père Garasse (1623) et sa Somme Théologique (1625), les Quæstiones celeberrimæ in Genesim de Marin Mersenne (1623) ainsi que De l'impiété des Déistes et des plus subtils libertins (1624) du même auteur, ou encore Les Triomphes de la religion chrestienne de Jean Boucher (1628). Du côté protestant, la Bibliothèque municipale de lyon possède plusieurs éditions de De veritate religionis christianæ (1627) d’Hugo Grotius, ouvrage qui rencontre un large succès et qui est très souvent réédité aux Pays-Bas et à Paris.

    H. Grotius, De veritate religionis christianæ, Leyden, 1629 (SJ CS 331/115)

    Un miroir déformant ?

    La multiplication des ouvrages contre le libertinage est paradoxale compte tenu du fait que les théories combattues ne font pas l’objet de publications. Les ouvrages d'inspiration ouvertement libertine imprimés à Paris sont rares. Il existe des publications clandestines, mais elles ne représentent qu’un très petit nombre de livres. Beaucoup d'ouvrages qu'il aurait été dangereux d'imprimer circulent sous forme de manuscrit. Ce moyen de diffusion joue un rôle très important au 17e siècle. Dans la mesure où il était difficile d’y avoir accès, les apologistes ne disposaient pas toujours des ouvrages qu'ils réfutaient. Les historiens s’appuient d’ailleurs en partie sur l’apologétique pour étudier le libertinage ; qu’en était-il des libertins eux-mêmes ?

    Auteur du dossier : Julie Menand

    Pour citer cet article

    Référence électronique

    Julie Menand, Le Libertinage au début du 17e siècle : autour de l'affaire Théophile de Viau (1621-1625), numelyo [en ligne], mis en ligne le 2019-08-01T12:01:53.738Z, consulté le 2024-04-20 11:55:35. URL : https://numelyo.bm-lyon.fr/BML:BML_00GOO01001THM0001libertinage17

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