Jules Coste-Labaume, une personnalité lyonnaise engagée au 19e siècle
Impliqué en politique comme dans les milieux associatifs ou culturels, Jules Coste-Labaume est une personnalité lyonnaise complexe. Son buste, aujourd’hui au square Croix-Paquet, dans le 1er arrondissement, immortalise son souvenir. Tour à tour imprimeur, rédacteur, homme politique…, parfois les 3 ensemble, cet homme énergique se réinvente au gré des opportunités. Et c’est bien ce que lui reprochent ses détracteurs. Si le journalisme a été pour certains individus de la classe moyenne un tremplin d’ascension sociale pour vivre de revenus décents tout en construisant un réseau, la profession est marquée par la précarité. En endossant plusieurs casquettes professionnelles Jules Coste-Labaume a toujours su tirer parti de la situation. Mais qui est vraiment Monsieur Coste-Labaume ?
Les débuts
Jules Coste nait à Dardilly le matin du 8 aout 1840. Son père notaire, enregistre sa naissance dès le lendemain auprès des services administratifs. En 1860, exempté du service militaire, il se lance dans la vie active. Jules Coste exerce la profession d’avoué [note] au moment où il rencontre sa future femme Marie-Françoise Barbier-Labaume, fille de l’imprimeur Jacques-Eugène Labaume. Le mariage est célébré le 27 juin 1868. Il met un terme à sa carrière de juriste pour rejoindre l’imprimerie Labaume, tenue par son beau-père, Jacques Labaume et située 5 cours Lafayette. En février 1871, à la mort de ce dernier, il reprend la direction de l’entreprise familiale et le nom de Labaume qu’il accole définitivement au sien.
D’imprimeur, Jules Coste-Labaume prend la plume et écrit des articles pour plusieurs journaux. Mais ses ambitions ne s’arrêtent pas là. Brillant dans ce qu’il entreprend, allant au bout de ses idées, il mène plusieurs projets de front. Si certains décrient le carriériste, d’autres le présentent comme une personnalité exceptionnelle, ouverte au monde, enthousiaste et généreuse.

Imprimerie E. Labaume, Journal de Guignol n°5, 28 mai 1865
Être journaliste sous la 3e République
Le statut de journaliste, comme celui de nombreuses professions, est précaire. Beaucoup débutent comme "occasionnels" et cumulent leurs piges avec d’autres activités. Investi dans la reconnaissance du métier, Jules Coste-Labaume est le premier à Lyon à se déclarer sous la profession de "journaliste" au recensement en 1876. Il est "rédacteur" au recensement de 1881, puis "homme de lettres" en 1891, et "publiciste" à partir de 1896, alors qu’il est nommé président du conseil général.
Les différentes professions déclarées dans les recensements successifs sont intéressantes et corroborent la vision de Coste-Labaume. En 1885, dans sa conférence sur "le journalisme du point de vue économique", il décrit la proximité professionnelle entre les métiers d’imprimeur, de rédacteur et de publiciste. Il explique dans le détail la complémentarité des compétences et les liens des modèles économiques.
Par ambition ou foi en la profession, Jules Coste-Labaume porte des actions en faveur d’un statut reconnu. Il est à l’initiative de mouvements visant à développer la solidarité à l’extérieur comme à l’intérieur de la profession. Deux sont particulièrement remarqués :
- Il lance avec d’autres journalistes une action caritative de soupe populaire, connue sous le nom de l’"Œuvre des fourneaux de la presse lyonnaise". Des fonds sont levés grâce aux professionnels de la presse mobilisés pour assurer des événements mondains. L’argent est utilisé pour servir des repas aux plus démunis, après la crise économique qui frappe Lyon impactant gravement la condition de nombreux ouvriers, lors de l’hiver 1879-1880 . Les difficultés persistent et les actions de solidarité sont reconduites plusieurs années comme le montre cet extrait de L'Avenir de Lyon, le 15 décembre 1884 :
- En 1896, il crée l’Association des journalistes de la presse quotidienne lyonnaise l’A.J.P.Q.L., dont il est le président jusqu’en 1910. Il défend le métier et tente d’apporter une protection aux travailleurs et à leurs familles. Cette association dissoute à la fin du 20e siècle est remplacée par l'AJP, l'Association des Journalistes Professionnels. Cette évolution a été nécessaire pour remplir les conditions administratives et juridiques des sociétés de secours mutuels.

L'Avenir de Lyon n°147, 15 décembre 1884
Malgré tout, si un petit nombre de rédacteurs arrivent à s’organiser pour essayer de cadrer la profession, la réalité du métier est des plus précaires. Et le cumul des fonctions ne fait qu’ajouter de l’ambigüité quant aux objectifs de ceux qui exercent plusieurs emplois simultanés.
Une carrière sur tous les fronts
L’énergie de Jules Coste-Labaume semble inépuisable. Il collabore à de nombreux quotidiens comme La Mascarde, le Tohu Bohu, La Renaissance... et signent certains articles sous le pseudo Glaudius Canard. Il lance en 1875 le Guide indicateur Labaume répertoire général, ancêtre de l’annuaire. Il est en pleine ascension professionnelle. De 1884 à 1886, il rejoint la direction du Courrier de Lyon. Son expérience et sa vision du métier lui permettent en 1895, après le décès de Lucien Jantet, de prendre la direction d'un autre grand journal lyonnais, le Lyon Républicain. Il repense et modernise ce dernier, dont il fait le 1er quotidien lyonnais à paraître sur six pages dès novembre 1902.
Critiqué, il est accusé d’avoir utilisé des contacts de son annuaire comme tremplin professionnel. Mais rien ne semble stopper son élan. Il connait l’apogée de sa carrière en devenant président du conseil général du Rhône d’août 1897 à août 1899 et reçoit la médaille de Chevalier de la Légion d’honneur en 1897 puis d’Officier de la Légion d'honneur, 10 ans plus tard, en 1908.

Nomination de Jules Coste-Labaume au titre d'Officier de la Légion d'honneur, 1908.

Nomination de Jules Coste-Labaume au titre de Chevalier de la Légion d’honneur, 1897.
Il assure, par ailleurs, les fonctions de conseiller général radical du deuxième canton du Rhône, conseiller municipal de Lyon, administrateur des hospices civils de Lyon, administrateur de la Caisse d'épargne, vice-président de la commission administrative de l'École nationale des beaux-Arts, membre du conseil académique et membre de l'académie du Gourguillon. Figure prédominante du journalisme à Lyon à la fin du 19e siècle, il a sa page dans le Livre d’or de la presse lyonnaise. Cet annuaire de la presse lyonnaise avec photographies recense les plus grandes personnalités de la profession.
Sa mort le 9 septembre 1910 suscite l’émotion au sein de l’élite lyonnaise. Il s’éteint à l’âge de 70 ans, moins de 2 ans après son épouse. Son acte de décès est enregistré à Saint-Cyr au Mont d’Or dans l’établissement du Rozay. Il est enterré à Brignais. En 1911 un monument, tribut de l’amitié et de la reconnaissance de ses pairs, lui est consacré. Sur des plans de Louis Rogniat, le sculpteur Jean Chorel grave dans le marbre les traits de Jules Coste-Labaume. Représenté légèrement de trois-quarts sur une colonne cannelée, son buste est révélé le 5 novembre 1911 dans le jardin de l’Ancien séminaire au cœur de "son canton", correspondant au 1er arrondissement de Lyon (actuellement place Croix-Paquet). La cérémonie est rapportée par plusieurs journaux comme le Grand National, la Construction Lyonnaise ou encore le Lyon Universitaire qui publie quelques mots du discours de Edouard Herriot, alors maire de Lyon.

Monument à Coste-Labaume, Construction Lyonnaise n°22, 16 novembre 1911
À l’instar de sa vie, l’histoire de son buste mérite d’être racontée. Étêté, il est remplacé en bronze… une mésaventure que toutes les statues lyonnaises ne peuvent revendiquer ! Une page s’ouvre pour un prochain dossier…
Pour en savoir davantage sur l’histoire de monument commémoratif de Jules Coste-Labaume, consultez l’article : Coste-Labaume une postérité mouvementée

Bibliographie
Disponible au catalogue de la BmL
Œuvres de Coste-Labaume
- Guignol député, Lyon, 1883 (BmL, 313916)
- Un mariage lyonnais, Lyon, 1890 (BmL, 444365)
- Notice sur l'œuvre des Fourneaux de la Presse Lyonnaise vendue au profit de l'Œuvre, à la vente de charité de Mme la duchesse d'Auerstaedt, les 6, 7, 8 avril 1886, Lyon, 1886 (BmL, 443163)
- Mémoires de l'académie du Gourguillon, Lyon, 1887 (BmL, 164015))
Préface et participation de Coste-Labaume
- Les classiques du Gourguillon Lyon, 1889 (BmL, Rés 451409)
- BLETON Auguste, À travers Lyon, Lyon, 1887 (BmL, 451838)
- BLETON Auguste, Aux environs de Lyon, Lyon, 1892(BmL, 101774 )
- BLETON Auguste, Lyon pittoresque, Lyon, 1896 (BmL, Rés 156436)
- TAIRIG Jules, Au gré du vent, Lyon, 1892 (BmL, 322310)
Plus de référence sur IdRef
Pour aller plus loin
- COSTE-LABAUME Jules, Le journalisme au point de vue économique, Compte rendu annuel de la société d'économie politique et d'économie sociale de Lyon, 1885
- JAMPY Marc, Experiences de presse, Lyon, 1870-1914, sous la direction d’Olivier Faure. - Lyon : Université Jean Moulin (Lyon 3), 2013 (consultable en ligne)
- Presse AJP Lyon
- Vieux journaux et approche nouvelle
Des journaux en ligne
- Lectura +, portail du patrimoine écrit et graphique en Auvergne-Rhône-Alpes : 500000 pages de presse ancienne numérisée de la région Auvergne-Rhône-Alpes, interrogeables en texte intégral ! Découvrez les gazettes, journaux, échos, revues, canards des années 1807 à 1944
- Numelyo, presse lyonnaise
- Retronews, plateforme d’accès aux archives de presse, parues entre 1631 et 1966, issues des collections de la Bibliothèque nationale de France
Auteur du dossier : Virginie De Marco