« Où sont les femmes ? » CLOTILDE BIZOLON (1871-1940), « la maman des poilus »
Suite au départ à la guerre de son fils, la mère Bizolon, s’installe dans le hall de Perrache avec un comptoir pour servir aux soldats en transit du café et du vin afin qu’ils gardent le moral. La « maman des poilus » aura permis d’offrir un véritable espace de parole et de réconfort pour les soldats. Elle traversera les deux guerres et deviendra un personnage de légende à Lyon.
Clotilde, née Thévenet, devient Mme Bizolon suite à son mariage avec un cordonnier à Perrache. En 1914, son fils Georges est mobilisé et envoyé au front. C’est en pensant à lui qu’elle décide, avec quelques ami•e•s, de s’installer dans le hall de Perrache avec un comptoir pour servir aux soldats en transit du café et du vin afin qu’ils gardent le moral. Elle les apostrophe en leur lançant « Venez, petits, n’ayez crainte c’est gratuit ! ».
Le 26 mars, elle apprend que son fils est mort au combat à Noulette dans le Pas de Calais. Elle lui avait néanmoins promis de continuer son action même s’il venait à mourir. Elle poursuit donc dans la cohue de plus en plus impressionnante de la gare.
On commence à l’appeler « la mère Bizolon ». Sa principale préoccupation est de trouver de l’argent pour poursuivre son action car les poilus se sont donnés le mot et sont de plus en plus nombreux à venir à son stand. Elle sollicite les autorités municipales qui sont réticentes à la financer, car elles trouvent que son entreprise n’est pas très officielle. Qu’à cela ne tienne, elle n’improvise plus et devient une dame d'œuvre dont l’œuvre est « le déjeuner du soldat » et rédige un opuscule destiné aux plus charitables pour récolter de l’argent.
Le Déjeuner gratuit du soldat, chez Clotilde Bizolon, à Perrache, en 1939, Jules Sylvestre (1859-1936)
Après quelques temps, Edouard Herriot alors maire de Lyon, lui donne satisfaction et fait construire devant Perrache, en face de l’hôtel Terminus, un abri en dur avec un guichet. Cet endroit devient rapidement le pied à terre des poilus. Ils s’y rencontrent, échangent leurs expériences et se racontent les horreurs de la guerre. La mère Bizolon, leur remonte le moral et s’occupe également du raccommodage pour le vestiaire de la mairie.
A L’armistice, Clotilde Bizolon est à la fois soulagée et nostalgique. Elle paraît beaucoup vieillie et usée par son activité. Mais, dans un premier temps, sa boutique ne désemplit pas et les anciens poilus se rencontrent toujours devant un verre d’Arquebuse.
En 1925, Edouard Herriot la décore de la légion d’honneur pour services rendus à la Nation. Elle devient un personnage de légende dans la ville et plus particulièrement dans son quartier où on lui confie des enfants en garde et les courses pour les personnes âgées. Cela ne l’empêche pas de se sentir seule car le décès de son fils et de plusieurs de ses proches l’ont beaucoup touchée.
Clotilde Bizolon décorée de la Légion d'Honneur, Jules Sylvestre (1859-1936)
A l’annonce de la seconde guerre mondiale, elle reprend instinctivement du service, même si à cette époque, les soldats ne sont plus des poilus. Cette fois, son initiative est largement soutenue par les dons des lyonnais•e•s et par une subvention de la ville. Elle n’a donc plus à quémander.
Malheureusement, le 29 février 1940, un de ses voisins droguiste la découvre inconsciente dans sa boutique. On la conduit à l’Hôtel Dieu, où elle est soignée et interrogée par la police. Il semblerait qu’elle ait été victime d’un crime crapuleux, qu’un jeune homme l’ait attaquée par derrière. Sans doute sa générosité légendaire l’avait fait paraître plus riche qu’elle ne l’était réellement. Elle meurt le 3 mars 1940 et ses funérailles, à St Martin D’Ainay, voient défiler de nombreuses-eux lyonnais-e-s. La population va se mobiliser pour retrouver l’auteur, en vain.
En savoir plus
Actuellement une Rue de Lyon lui est dédiée : elle se situe près du métro Ampère. C'est une courte liaison entre le quai Tilsitt et la place Vollon.
Références
- Bernard BOUCHEIX, Les mères lyonnaises et auvergnates: la mère Quinton, belle meunière, la mère Fillioux, reine des poulardes, la mère Bizolon, maman des poilus, Brioude (Haute-Loire), DL 2017, 2017, p. 53-64.
- Jean BUTIN, Ces Lyonnaises qui ont marqué leur temps, passionnées, fascinantes, légendaires , Lyon, éditions lyonnaises d'art et d'histoire, 2004, p. 187-193.
- Bruno BENOIT, Georges CORNELOUP, Dictionnaire historique de Lyon , 2009, p. 156.
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Ce portrait est un extrait des balades urbaines « Où sont les Femmes ? » proposées par l’association Filactions.
Qu'elles soient artistes, poétesses ou réalisatrices, militantes, résistantes ou gastronomes, nombreuses sont les femmes qui ont laissé leur empreinte dans notre ville, sans être pour autant connues du grand public. Venez découvrir la ville à travers les lieux qui rendent hommage à des femmes qui ont marqué leur temps, par leurs idées, leurs actions, leur métier.
Vous pouvez trouver plus d’informations sur notre association et nos balades urbaines sur notre site www.filactions.org ou sur Facebook Filactions Asso.