« Où sont les femmes ? » MADAME GIRARD, dite « La Reine des Tilleuls »
Figure emblématique de la place Bellecour, Madame Girard, en tenancière à succès a réussi à transformer son pavillon en un véritable lieu de rendez-vous pour les lyonnais·e·s. Toute la société lyonnaise se bouscule pour la voir parader sur son cheval, fière et imposante, ressemblant à Marie-Antoinette, entre deux verres servis à son pavillon. Elle marquera les esprits de toute une génération.
En 1833, la statue de Louis XIV était déjà présente sur la place Bellecour, mais à la place des marronniers actuels, on trouvait des tilleuls. La place était un lieu de rencontres et de balades pour les lyonnais·e·s. Une femme commençait à se faire connaître bien qu'elle ne fut qu'une limonadière, on l'appelait « la Reine des tilleuls », de son vrai nom Madame Girard, née Marie-François Machioletti.
Portrait de Madame Girard, Source : Girard, Mme, née Machiolleti, La Reine des Tilleuls, ou la Limonadière de Bellecour, à ses amis et à ses ennemis, 1841. (BML : 102009)
Louis XIV avait interdit toute construction sur la place. Mais un poste de garde fut construit à côté de la statue et un pavillon situé côté ouest du poste de garde. Les époux Girard reçurent ce pavillon par adjudication, en 1829. A cette période, les « dames de comptoirs » prenaient de plus en plus d'importance. Mais les débuts furent difficiles, certains disaient que le bâtiment gâchait la vue, d'autres que c'était un coupe gorge. Le pavillon fut aussi pris dans les émeutes des canuts en 1831, la montée du chômage n'aidait pas non plus.
La « limonadière des tilleuls » était toujours présente au poste. Lors des révoltes lyonnaises de 1834, en tenant ses enfants par la main, elle refusa de quitter son comptoir.
Ayant sans doute reçu des indemnisations, les époux, afin d'attirer les aristocrates, agrandirent leur pavillon et installèrent des arbustes et des vitraux de couleurs. Ils organisèrent aussi des concerts tous les soirs de 19h à 22h. On disait que le pavillon était le seul établissement où une femme pouvait se rendre seule.
Certain·e·s ami·e·s trouvèrent une ressemblance entre la « limonadière des tilleuls » et Marie Antoinette. Ils lui conseillèrent donc de faire le tour de la place à cheval suivi d'un écuyer et de jeunes et beaux laquais. Tous les soirs les lyonnais·e·s, mais aussi les touristes, venaient pour acclamer leur limonadière désormais « Reine des tilleuls » hautement coiffée et vêtue.
Malheureusement, les autres propriétaires de bars ou de théâtres, jaloux du succès de Madame Girard, l'accusèrent d'être une propagandiste des Bourbon car ses laquais portaient des habits des valets de pied de Louis XVI.Elle fut soutenue par de nombreux poètes qui écrivirent pour la défendre. Mais cette attaque ne fut que le début. Face au soutien de l'opinion publique, ses détracteurs décidèrent de faire tomber la « Reine des tilleuls » par le biais de la procédure. Ils convinrent un propriétaire d'un des immeubles de la place d'intenter un procès à la ville, pour pouvoir obtenir le pavillon. Malgré le soutien qu'avait obtenu la « Reine », la municipalité se mit du côté des procéduriers. La « Reine des tilleuls » dû quitter le Pavillon.
Le Constitutionnel, samedi 09 février 1850 . Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Elle publia ses « mémoires » en 1841 pour régler ses comptes à la suite du procès et de l'expulsion de sa famille. Elle conclut en disant : « La reine des Tilleuls a perdu ses états, mais elle n'a pas abdiqué». On n’entendit plus jamais parler de la « Reine des Tilleuls ». Le pavillon fut démoli en 1842 et les tilleuls furent remplacés par des marronniers.
Les mémoires de Madame Girard Source : Girard, Mme, née Machiolleti, La Reine des Tilleuls, ou la Limonadière de Bellecour, à ses amis et à ses ennemis, 1841. (BML : 102009)
Aller plus loin :
- Soufflet donné à M. Lagrange, la Reine des tilleuls : tribunal correctionnel de police, séance du 8 février, paris, 9 février 1850 , Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
- Eugène VIAL, « la Reine des tilleuls » , Revue du Lyonnais, série 6 - n°7, 1922, p. 81-97.
- Jean BUTIN, Ces Lyonnaises qui ont marqué leur temps, passionnées, fascinantes, légendaires , Lyon, éditions lyonnaises d'art et d'histoire, 2004, p. 181-187.
- Rebecca Morse, La Reine des Tilleuls , Caluire, L'Epicerie séquentielle, février 2015, 10 p.
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Ce portrait est un extrait des balades urbaines « Où sont les Femmes ? » proposées par l’association Filactions.
Qu'elles soient artistes, poétesses ou réalisatrices, militantes, résistantes ou gastronomes, nombreuses sont les femmes qui ont laissé leur empreinte dans notre ville, sans être pour autant connues du grand public. Venez découvrir la ville à travers les lieux qui rendent hommage à des femmes qui ont marqué leur temps, par leurs idées, leurs actions, leur métier.
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