« Où sont les femmes ? » Le matrimoine à l’origine du partenariat entre la Bibliothèque municipale de Lyon et l’association Filactions
La signature en 2012 de la « Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale » par la Ville de Lyon a donné lieu (à l’heure où nous rédigeons) à deux Plans d’action, reposant notamment sur la collaboration d’acteurs et actrices de terrain aux compétences complémentaires. Ce dossier est ainsi le produit du partenariat entre l’association Filactions, spécialisée dans la prévention des violences faites aux femmes, et la Bibliothèque municipale de Lyon. Depuis 2009, Filactions propose les balades urbaines « Où sont les femmes ? » sur la presqu’île de Lyon. Faire connaître et mettre en lumière les femmes qui ont marqué l’histoire lyonnaise est objectif de ces visites. Ce travail de valorisation du matrimoine a donné naissance à la collaboration entre Filactions et la bibliothèque, ici, par le biais de numelyo, bibliothèque numérique, riche de documents témoignant de l’histoire locale des femmes.
Nous vous proposons de remonter aux origines du partenariat. Les balades urbaines « Où sont les femmes ? » de Filactions ont évidemment trouvé leur écho dans numelyo, réservoir de ressources numérisées de la bibliothèque municipale de Lyon, mais plus largement au sein de la bibliothèque. Rédigés par l’association Filactions, les dossiers qui constituent la galerie de portraits ci-dessous reprennent l'intitulé « Où sont les femmes ? », créant ainsi un titre de série qui se décline en divers évènements, projets et ateliers au sein de Filactions et à la Bibliothèque municipale.
La Bibliothèque municipale de Lyon
Je me pose toujours la question : pourquoi aucune femme n’a-t-elle écrit un mot dans cette extraordinaire littérature, quand il semble qu’un homme sur deux s’est montré capable de composer une chanson ou un sonnet ? [...] Vraiment, j’aimerais aller jusqu’à supposer que cet Anon., qui écrivit tant de poèmes sans les signer, était souvent une femme.
Virginia Woolf, Une Chambre à Soi.
La Bibliothèque municipale de Lyon héberge depuis 2006 un service dédié aux questions de genre et de sexualités, Le Point G. Les collections de la bibliothèque, tant par leur ampleur que par leur profondeur, constituent un formidable réservoir de sources exploitables afin de rendre visible le matrimoine local, c’est-à-dire la contribution des femmes lyonnaises à notre histoire intellectuelle, artistique, technique, sociale... La tâche est objectivement ardue en raison des conditions et rôles sociaux historiquement réservés aux femmes, renforcés lorsqu’elles s’en affranchissent par l’effacement de leurs engagements et productions (absence de reconnaissance ou dévalorisation explicite).
Tâche néanmoins passionnante et nécessaire tant pour notre édification que pour rendre aux femmes de toutes générations le plein sens de leur citoyenneté, reconnaître la légitimité de leurs aspirations, et la valeur de leurs actions ou créations.
Travailler en collaboration avec l’association Filactions est apparu comme une évidence puisque la logique de valorisation de la bibliothèque rejoint l’objectif des balades urbaines de Filactions, qui œuvrent à une meilleure représentation des femmes dans l’espace public.
L’association Filactions et la prévention des violences faites aux femmes
Aujourd’hui en France, c’est une femme qui meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint – et beaucoup d’enfants aussi. D’après le conseil de l’Europe, les violences conjugales représentent la première cause de mortalité pour les femmes de moins de 60 ans.
La violence à l’encontre des femmes n’est pas un hasard. C’est un phénomène de société qui touche toutes les catégories sociales, tous les âges, toutes les origines culturelles. Les violences sexistes prennent diverses formes - verbales, psychologiques, sexuelles, physiques – et ont lieu dans toutes les sphères sociales -à l’école, au travail, sur les réseaux sociaux, dans la rue, dans la famille, et dans le couple. C’est un véritable enjeu de santé publique, et il est nécessaire d’agir en amont des violences pour réduire le risque qu’elles adviennent.
C’est dans cette idée que Filactions est née en 2004 afin de prévenir les violences sexistes et conjugales en travaillant l’égalité auprès des jeunes, du grand public et des professionnel·le·s.
Ainsi nous avons développé nos actions autour de trois axes principaux :
- Nous organisons des actions de prévention auprès des jeunes dans les établissements scolaires et les structures socioéducatives.
- Nous menons des actions de sensibilisation à travers des évènements culturels, artistiques et publics, notamment lors de notre Festival "Brisons le Silence" contre les violences conjugales qui a lieu chaque année au mois de novembre.
- Nous proposons des formations pour les professionnel·le·s.
Il y a un continuum de violences faites aux femmes : certaines sont plutôt flagrantes comme les violences physiques et le harcèlement de rue, d’autres le sont moins comme le langage sexiste ou encore l’inégale présence des femmes par rapport aux hommes dans la culture. Toutes les violences sexistes sont reliées et issues du même système patriarcal, qui a historiquement imposé un statut inférieur aux femmes.
Prévenir les violences faites aux femmes, c’est aussi agir contre l’invisibilisation des femmes. C’est pourquoi depuis 2009, Filactions propose les balades urbaines « Où sont les femmes ? » dans le 1er et 2e arrondissement de Lyon dans l’idée mettre en lumière les femmes qui ont marqué l’histoire lyonnaise. Construire l’égalité, c’est aussi redonner une place historique et culturelle aux femmes. Ces balades revalorisent ce qui a été accompli : les luttes sociales et politiques des femmes mais aussi toutes leurs productions artistiques et culturelles. C’est aussi un bon moyen d’inspirer les femmes d’aujourd’hui en leur montrant les modèles de réussite de leurs aïeules et contemporaines.
Dans les articles publiés sur numelyo, vous allez retrouver certains portraits de nos balades : Julie-Victoire Daubié, Eugénie Brazier, Marcelline Desbordes-Valmore, la Reine des tilleuls, clotilde Bizolon, Juliette Récamier.
Nous vous souhaitons une belle découverte, et si vous souhaitez approfondir le sujet, vous pouvez venir découvrir in vivo d’autres portraits de Femmes lors de nos balades urbaines. Plus d’informations sur notre site www.filactions.org ou sur Facebook Filactions Asso.
Le matrimoine
Nous choisissons d’utiliser le mot de « matrimoine » pour parler de l’héritage commun culturel de notre pays en montrant que des Femmes ont marqué notre Histoire et font partie intégrante de cet héritage.
L’Histoire et la façon dont elle est écrite n’est pas neutre, elle est écrite par les personnes qui ont le pouvoir de l’écrire. Elle reflète le contexte patriarcal dans lequel elle a été écrite. Ainsi elle n’accorde pas la même visibilité aux femmes et aux hommes. Utilisons en exemple l’inégale représentation des femmes pour les noms des rues, qui sont à plus de 90% masculins.
De tout temps, de nombreuses femmes ont accompli de grandes choses mais leurs histoires et leurs parcours sont tombés dans l’oubli. C’est pour ré-équilibrer cette inégalité que Filactions a décidé de créer les parcours « Où sont les femmes ? », mettant en lumière le matrimoine lyonnais.
Aller plus loin :
Chiffres sur les inégalités
- Inégalités entre les femmes et les hommes dans les arts et la culture. Acte II : après 10 ans de constats, le temps de l’action, Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, 16 février 2018.
- Où sont les Femmes dans la culture ? Toujours pas là. Bilan 2012-2017, Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques
- Vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, Chiffres clefs, édition 2017, Secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes.
- Si, si les Femmes existent, site internet
- Page « Pour une histoire mixte » sur le site internet de l’association EgaliGone
- L’histoire par les femmes, site internet
Les femmes dans l’Histoire
L’écriture inclusive
Nous avons choisi de rédiger nos textes en utilisant une écriture inclusive, permettant une représentation égalitaire des femmes et des hommes.
Notre langue a une histoire, elle est en permanente évolution. Comme l’ont montré les recherches de l’historienne Elianne Viennot, des termes comme « autrice », « doctoresse » ou « philosophesse » étaient utilisés avant le XVIIe siècle, mais ont progressivement disparu sous l’influence des membres de l’Académie Française. Aussi, la règle de l’accord de proximité a été remplacée par la règle du « masculin l’emporte sur le féminin » sous l’avis d’un de leur membre, Nicolas Beauzée, sous prétexte que le genre masculin est réputé plus noble que le féminin, à cause de la supériorité du mâle sur la femelle. Notre langue s’inscrit dans un contexte patriarcal qu’elle reflète et dont elle renforce les rapports sociaux de sexe.
Il est important de questionner le vocabulaire que nous utilisons car les mots sont performatifs et ont des conséquences sur notre façon de penser le monde, de se projeter, d’imaginer les possibles. L’énigme du chirurgien montre qu’il est difficile de penser l’existence des femmes lorsque l’on parle au masculin.
Ainsi, la langue formate notre façon de penser et a des conséquences sur la manière dont se construit l’égalité femmes-hommes.
Nous choisissons d’utiliser une écriture égalitaire, ce qui consiste à :
- Utiliser le féminin des noms de métiers, grades, fonctions
- Ne pas utiliser le masculin neutre. Par exemple parler des « droits humains » plutôt que des « droits de l’Homme »
- Faire apparaître le féminin et le masculin lorsque l’on parle de groupes composés de femmes et d’hommes. Par exemple parler des « étudiantes et étudiants » ou utiliser l’écriture avec des points médians : les étudiant·e·s
- Utiliser des termes épicènes plutôt que le masculin : par exemple parler de « corps enseignant » plutôt que des « enseignants ».
Aller plus loin :
Le site Ecriture Inclusive permet d’apprendre à utiliser cette écriture non discriminante.
Micro-trottoir : l’énigme du chirurgien, de l'association EgaliGone : L’énigme du chirurgien, montre qu’en parlant au masculin d’un métier, il est beaucoup plus difficile d’imaginer que la personne incarnant ce métier soit une femme. Utiliser le féminin et le masculin pour les noms de métier permet aux filles et garçons de mieux se projeter et s’imaginer dans tous les métiers.
« Où sont les femmes ? » Galerie de portraits
JULIE-VICTOIRE DAUBIE, Première bachelière
EUGENIE BRAZIER, dite la « La mère Brazier »
MADAME GIRARD, dite « La Reine des Tilleuls »
CLOTILDE BIZOLON (1871-1940), « la maman des poilus »
MARCELINE DESBORDES-VALMORE (1786-1859), dite « Poétesse maudite »
JULIETTE RECAMIER (1777-1849), « Femme d’esprit »