"A l'Anticaille, des livres vous en verrez cent ..." : la bibliothèque humaniste de Pierre Sala
Antiquaire, humaniste et homme de lettres lyonnais. Il a composé des vers, remanié des romans de chevalerie, écrit sur les antiquités de Lyon.
Valet de chambre de Louis XI puis de Charles VIII et Louis XII, il fera de nombreux séjours en Italie jusqu'au début du XVIe siècle lorsqu'il se retire à Lyon. C'est alors qu'il fait construire l'Antiquaille, une maison des champs "sumptueusement bâtie" sur la pente orientale de la colline de Fourvière où se trouvent de nombreux vestiges de l'antiquité lyonnaise.
Il va y écrire plusieurs œuvres qui ne seront pas publiées et pour ce faire, utiliser une bibliothèque fournie comme il le suggère dans sa dédicace du Régime contre la pestillence à François Ier : "S'il vous plaisoit un jour me faire honneur a venir veoir ... l'Anticaille, des livres vous verrez cent, A vostre choix, du grand jusqu'au mineur".
Dans un de ses ex-libris, dans le manuscrit des Cy nous dit... conservé comme plusieurs autres de ses œuvres à la Bibliothèque Nationale de France, il signale d'ailleurs la générosité avec laquelle il prête ses livres à ses amis et connaissances : "Ce livre est à Pierre Sala, Qui souvent le prête, s'a la; Ne nul loyer il n'en demande, Fors seullement qu'on le luy rende".
Les livres de Pierre Sala à la BmL
Trois des ouvrages qu'il a possédés se trouvent à la Bibliothèque municipale de Lyon et portent ses marques de provenance :
- Un manuscrit du Poème sur la grande peste de 1348 d'Olivier de La Haye (1426), donné par Pierre Sala à son ami et voisin le médecin Antoine de Tolède
- Traité de l'amitié par Pierre Sala : manuscrit aux armes de Claude Laurencin, baron de Riverie, beau-frère de Pierre Sala
- Le recueil ou croniques des hystoires des royaulmes dAustrasie ou France orientale dite a present Lorrayne de Symphorien Champier (1510). Lyon : Vincent de Portonariis (1510)
- Le Miroir historial de Vincent de Beauvais (1495-1496) en 5 vols. Imprimés à Paris, pour Antoine Vérard (1495-1496)
Le Tome IV de ce dernier ouvrage porte les notes de lecture de Pierre Sala. En particulier, il a ajouté une note « ardiesse de Charlemaine » dans la marge du f. CXXIV dans le chapître intitulé : « Comment Charlemagne explora l’exercice d’Agolant et le chaça ».
Cet ouvrage a dû être utilisé par Pierre Sala lorsqu’il a écrit son traité des :
- Hardiesses de plusieurs roys et empereurs, par Pierre Sala
(Ms Français 584 (cote) ; Anc. 7075 (ancienne cote), un manuscrit sur vélin orné de miniatures, maintenant à la Bibliothèque Nationale de France.
Autres manuscrits de Pierre Sala
Quelques autres manuscrits des œuvres de Pierre Sala qui se trouvaient à l’Antiquaille (maintenant à la Bibliothèque Nationale de France consultables sur Gallica) :
Français 10420 (cote). Supplément français 191 (ancienne cote). Ca. 1522-1523. L’une des miniatures propose une autre vue de la colline de Fourvière et du quartier Saint-Jean. Sur les pentes de l’Antiquaille Pierre Sala est représenté offrant son livre au roi François 1er lors de la visite rendue par ce dernier en 1522.
- Traité de l'Amitié, par Pierre Sala
Dédié « à son amy maistre Jehan de Paris » (Jean Perréal), avec qui il échangeait des vers. Français 14942 (cote). Supplément français 5089 (ancienne cote). XVIe siècle. Parchemin. 16 feuillets.
- Réponse à une épître de Mgr de Tournon, par Pierre Sala
Cote Français 2267 Anc. 8028 (ancienne cote). Manuscrit en français sur vélin.
- Le « Chevallier au Lyon », par "Sala de Lyon"
Cote : Français 1638 (cote). Anc. 7636 (ancienne cote). Manuscrit en français, sur papier, avec dessins rehaussés.
Cote : Français 5447 (cote). Anc. 9876 (ancienne cote). 73 feuillets. Manuscrit avec peintures et dessins à l’encre sur papier provenant de Jehan Sala, frère de Pierre.
Un de ses manuscrits autographes se trouve maintenant à la British Library :
Cote : Stowe 955. Daté du 1er quart du 16e siècle. En français et en espagnol (f. 7v). 1 + 34 f. Manuscrit autographe de Pierre Sala écrit à l’encre d’or sur vélin pourpre pour Marguerite Bullioud qui deviendra sa femme en seconde noces. C’est sans doute en Italie que Pierre Sala a vu utiliser des manuscrits pourpre brun puisqu’ils y étaient à la mode à la Renaissance. Le portrait (rajeuni) de Pierre Sala a été peint par son ami Jean Perréal (f. 17) avec au verso : « Set de vray le portret de Pierre Sala mestre dotel de ches le roy … ».
La BNF conserve un autre manuscrit portant l’ex-libris de Pierre Sala :
- Histoire de la grant cité de Belges. 1521
Cote : Français 5612 (cote). Anc. 10197 (ancienne cote). Manuscrit sur papier. On lit en plusieurs endroits du volume, fol. 1, 3, 3 v° 36 et 138 v°, le nom : « Pierre Sala », ou « P. Sala », et au bas du fol. 3, ses armes à la plume : de... à une étoile de... surmontée d'un croissant versé, à la bordure engrêlée, avec la devise : « Riens ou sela ».
- Tristan . 1520-1529 ?
Copie de Pierre Sala. A appartenu à François de Tournon. Fondation Bodmer
- Le songe et l’espitre à Monsieur de Tournon . 1523-1525 ?
Copie de Pierre Sala. British library : Ms 17377
- Fables
British Library : Add. Ms 59677
- Les moraulx dictz des philozophes
Pierpont Morgan library : Ms M. 277
Sala semble donc préférer les livres écrits à la main et ne cherchera pas à faire publier ses travaux. Il est d’ailleurs l’un des principaux commanditaires de manuscrits enluminés à Lyon au début du seizième siècle, préférant offrir ses œuvres richement décorées pour créer un rapport très personnel avec ses dédicataires royaux ou offrir une remarquable preuve d’amour à sa future épouse Marguerite Bullioud. Le livre devient alors un objet aussi inoubliable que son auteur, un gage pérenne de la dévotion de ce dernier, lorsqu’il l’offre en cadeau à son illustre visiteur François Ier ou à Louise de Savoie.
Des recherches récentes analysent en détail la relation complexe et particulièrement intéressante entre les images et les textes dans les contenus moraux ou amoureux des manuscrits de Pierre Sala, à la charnière de la tradition médiévale et de l’esthétique de la Renaissance. L’emploi du portrait qui magnifie, rajeunit et immortalise l’auteur dans son manuscrit du Petit livre d’amour ainsi que le rapport entre les textes et les images symboliques, préfigurent le livre d’emblème et leur utilisation dans la Délie, œuvre-clé du poète lyonnais Maurice Scève.
Bibliographie
Philippe Fabia, Pierre Sala, sa vie et son œuvre, avec la légende de l’Antiquaille. Lyon : M. Audin, 1934.
François Avril et Nicole Reynaud, Les manuscrits à peinture en France, 1440-1520. Paris : Flammarion, 1993, n° 208 du catalogue.
Elizabeth Burin.Pierre Sala's pre-emblematic manuscripts. Emblematica, 3, 1988
Elizabeth Burin. Manuscript illuminations in Lyon. Tornhout : Brepols, 2001
Marie-Luce Demonet. Centre d’études supérieures de la Renaissance, Université de Tours et Institut universitaire de France, "Les « parasignes » dans Délie : Babel parergon amoris", Délie, du canzoniere au temple d’érudition
Pierre Sala. Tristan, roman d’aventures du XVIe siècle, éd. Par L. Muir. Genève : Droz, 1958
Pierre Sala. Tristan, édition critique par Chantal Verchère. Paris : H. Champion, 2008
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Inventaire général du Patrimoine Culturel de Rhône-Alpes. Vues de l'Antiquaille
Fouilles du site de l'Antiquaille par le Service archéologique de la Ville de Lyon : Antiquaille - 1 et Antiquaille - 2