[Epicerie Bahadourian]

droits Creative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0913 FIGRPT0038 02
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 18 x 24 cm (épr.)
description Adresse de prise de vue : Bahadourian, 20, rue Villeroy, Lyon 3e.
historique Ici, l'exclamation est un compliment, car le but recherché par Armand Bahadourian est bel et bien de faire de sa boutique un souk. A l'image de ceux qui, en Afrique du Nord, attirent immanquablement les touristes. Sur huit cents mètres carrés, dans un désordre d'arômes déroutant, vous trouvez toutes les épices, condiments, alcool qui, des quatre coins du monde, donnent la saveur. Cette épicerie d'Ali-Baba attire dans ce quartier peu coté, le gratin de la gastronomie lyonnaise qui se glisse, incognito, entre deux sacs de cacahuètes, pour étudier en catimini les recettes épinglées et tester les épices les plus inédits. En 1928, Djebraïl Bahadourian quitte Cogna (Turquie) et crée une petite épicerie au coin des rues Villeroy et Moncey. Un quartier déjà plus voué au couscous qu'à la quenelle. Cet énergique patriarche ne se contente pas de vendre trois pistaches et quatre loukoums, mais c'est son fils Armand qui, dès 1960, donne à l'établissement son essor. Agrandissement, quant à la superficie qui passe de quarante à huit cents mètres carres, mais aussi et surtout, quant au nombre d'articles vendus. En 1990, plus de quatre mille produits qui permettent de composer un repas marocain, chilien, pakistanais; grec, turc... Une balade gastronomique qui fait le tour du bassin méditerranéen et se prolonge en Orient. Vendus en vrac, conditionnés en sacs (bien étiquetés) d'un kilogramme, cent grammes, voire un gramme pour le safran, vous avez toutes les écorces, graines, racines, feuilles, fleurs, baies des végétaux du monde entier. Le classique raz el hanout, communément baptisé quatre épices, mélange coriande, cavi, cumin, curcuma. Les graines de fénugrec incorporées au miel constituent un fortifiant très prisé en Afrique du Nord. Le pavot bleu orne les brioches, le tandoori en poudre ou en pâte enrobe le poulet, les achards relèvent fortement beignets et poissons réunionnais, les curry (carry ou curi) viennent de la Réunion, mais aussi des Indes. Les poivres sont noirs, gris, roses, verts et les piments, de Cayenne ou de la Jamaïque (moins forts), emportent les palais européens. Heureusement, les confitures aux aubergines, pistaches, noix... apportent une apaisante douceur. Etonnante, aussi sucrée qu'un loukoum, celle à la rose se savoure comme un dessert ou à l'heure du café, avec le traditionnel verre d'eau. Quant au safran, précautionneusement gardé en boîtes de un ou deux grammes près du saint des saints, c'est-à-dire la caisse, originaire des rives de l'Euphrate, il est aujourd'hui cultivé en Espagne et même dans le Gâtinais. De la fleur de crocus, une variété qui fleurit à l'automne, on ne récolte que les stigmates, d'où leur prix élevé (25 francs les deux grammes). Au rayon fromage, l'excellente feta de Bulgarie, au lait de brebis peut paraître salée, il suffit de la rincer avant de l'accompagner d'une salade de tomates assaisonnée d'une huile d'olive fruitée, fabriquée en Crète. Les légumes secs constituent souvent la base d'une alimentation quotidienne assez pauvre. Bien préparés, ils sont délicieux, haricots rouges pour le chili mexicain, petits et gros cocos que les Grecs proposent avec les classiques feuilles de vigne. Des riz, nature pour la paëlla mais aussi basmati ou parfumés, de la semoule pour tous les couscous, du tarama à faire ou prêt à tartiner sur du pain grillé. En un mot, une carte détaillée de toutes les spécialités à cuisiner dans des plats adaptés. Des couscoussiers pour quatre ou cinquante personnes, des tajines en terre cuite simplement vernissée ou joliment peinte, des verres dorés à souhait pour boire thé ou café, des fours palestiniens, des mangals turcs en cuivre ciselé, plus élégants que nos braséros. Vins et alcools, indispensables compléments de ces nourritures relevées, ont des noms enchanteurs, montent vite à la tête et vous emmènent sur les pentes du mont Athos. Un monde de saveurs, un capharnaüm d'odeurs qui choque ceux qui, d'un univers aseptisé (souvent une pure illusion), préfèrent l'apparence, mais que les nomades, du bout des pieds ou des lèvres, placent sous la protection de l'oeil du malin. Minuscule perle jaspée, d'un bleu de bon augure ! Source : "De nature épicée" / Françoise Puvis de Chavannes in Lyon Figaro, 29 août 1990, p.19.
note à l'exemplaire Négatif(s) sous la cote : FIGRP02614.
note bibliographique Epices et aromates : mode d'emploi / Armand Bahadourian, 1996 [BM Lyon, K 107946].

Retour