[Fondation Albert-Gleizes - Maison Moly Sabata à Sablons...

[Fondation Albert-Gleizes - Maison Moly Sabata à Sablons (Isère)]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0759 FIGRPT0225 05
technique1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 18 x 24 cm (épr.)
descriptionAdresse de prise de vue : Moly Sabata, sortie autoroute Chanas, Sablons (Isère).
historiqueHier, un utopique phalanstère d'artistes. Aujourd'hui, une fondation ouverte à la création. Et toujours, l'esprit de Gleizes qui plane sur les lieux... Albert Gleizes est, avec Metzinger et Le Fauconnier, le créateur d'un cubisme déductif, fondé sur des théories précises et méthodiques à l'opposé des intuitions de Braque ou Picasso. Initié très jeune à la peinture par son grand-père et son oncle, grand prix de Rome, Gleizes expose pour la première fois au Salon d'Automne en 1901. Il a 20 ans. Sa rencontre, huit ans plus tard, avec Le Fauconnier, l'entraine vers une analyse de l'espace et de l'objet figuratif, héritière de Cézanne. Chez Gleizes le sujet restera toujours dominant et son évolution après 1920 atteste que celui-ci est, avec la perspective, le fondement même de son art. Après 1917, l'artiste cherche à rapprocher son vocabulaire plastique de la tradition de la peinture religieuse. Il élabore alors une véritable discipline qu'il met au service d'une idéologie religieuse, discipline qu'il formule dans "La Peinture et ses lois". Avec Moly Sabata qu'il ouvre à ses disciples, en 1927, il matérialise le phalanstère auquel il rêvait depuis longtemps. Ce qui deviendra un repaire d'artistes était une demeure de famille, propriété de Juliette Roche-Gleizes. Une ancienne maison de batellerie dont le bâtiment principal date dans ses parties les plus anciennes du 18e siècle. Moly Sabata, qui signifie peut-être "mouille semelle", offre alors un confort des plus rudimentaires. Gleizes n'y vécut d'ailleurs pratiquement pas, préférant la maison de Serrières, à quelques kilomètres, possession de son beau-père, notable de l'Isère. Dans ce couvent laïc où l'on prônera le retour à la terre, s'installe le disciple le plus proche de Gleizes, Robert Pouyaud. L'artiste au champ et sa femme n'ont pour toutes ressources que celles, chétives, du jardin et de la fabrication des pochoirs du maître qui se vendent mal... D'autres artistes viennent renforcer la communauté : Manevy, un écrivain, et sa femme, César Creoffray, musicien, sa femme et ses deux enfants. "Elle donnait de cours de piano, lui des leçons de violon. II faisait aussi le répétiteur et le chef de choeur pour la "Lyre Bressane" se souvient René Déroudille qui cite encore Charchoune ou Seuphor parmi les hôtes de Moly Sabata. Pour être franc, la vie communautaire n'est pas idyllique. Fidèle à la pensée du Maître, Pouyaud édicté une règle qui n'allège pas les conditions de vie déjà extrêmement difficiles. Les femmes à la cuisine et à la basse cour, les hommes au jardin et le soir tout le monde au pochoir. Lever, coucher et repas sont régimenté... L'ascétisme de rigueur. A ce rythme, l'allégresse des premiers mois fait vie place à l'exaspération. On se dispute. On se fâche. "Je restais seul avec ma femme et mes désillusions", écrit Robert Pouyaud qui quitte les lieux à la Libération. Les Gleizes, depuis 1939, se sont déjà installé aux Méjades, à Saint-Rémy de Provence où Gleizes mourra en 1953. Qu'un artiste somme toute mineur ait pu susciter une telle passion (on la retrouve chez tous ceux qui ont fréquenté Moly) peut étonner. Intellectuel, théoricien auteur d'une oeuvre écrite abondante et nourrie d'une réflexion philosophe et religieuse, Gleizes avait le charisme du maître à penser, l'aura du gourou. Cette fascination, on a voie très bien à l'oeuvre dans la trajectoire d'Ann Danglar, peintre des Antipodes qui abandonne tout en 1932 pour recevoir l'enseignement du maître à Moly Sabata. Jusqu'en 1951, elle y vit pauvrement, reconvertie à la poterie. Poterie qu'elle orne de motifs gleiziens... Quand la communauté s'effrite en 1956, du fait des morts et des départs, les disciples restent soudés dans la pensée de Gleizes, et se réunissent à Moly Sabata une fois par an, en juin, pour célébrer l'anniversaire du peintre. Mais la propriété est à l'abandon. A la mort de Juliette Roche-Gleizes en 1980, les lieux sont en piteux état, loin des souvenirs de René Déroudille qui évoque les Robert et Sonia Delaunay ornant la grande salle ouvrant sur le Rhône. [E 1986], Moly Sabata rouvre ses portes. Dans les trois salles qui désormais surplombent le fleuve, quelques unes des meilleures oeuvres du legs Gleizes et des poteries d'Ann Danglar sont exposées. "Gleizes est rentré chez lui. En artiste, pas en gourou". Mine de rien, cette petite phrase de Jean-Pierre Richard, de la Fondation Nationale des Arts Graphiques, légataire universelle de la succession Gleizes est révélatrice. Tout ne serait pas rose entre la Fondation créée en 1984 selon le voeu de la défunte et l'Association des amis du peintre, constituée de disciples. On en serait même aux procès... Les uns purs et durs redonneraient bien à Moly Sabata son statut de couvent laïc ou serait pieusement conservée la pensée du Maitre. Les autres, Jean-Pierre Richard en tête, refusent toute chapelle votive et souhaitent un lieu vivant où souffle l'air frais de la création contemporaine. L'esprit de Gleizes sans ses utopies. C'est dans ce sens qu'ont été définies les objectifs de la nouvelle fondation. Un "musée" regroupera les collections de peintures, gouaches et dessins de Gleizes et de sa femme. Une dizaine d'ateliers sont prévus pour accueillir des peintres, sculpteurs artisans d'art. Un enseignement sera dispensé par les disciples mais aussi par les artistes-hôte de Moly Sabata. Un nouveau lieu ouvert à l'art à d'aujourd'hui où planerait, tel une divinité tutélaire, le souvenir de Gleizes, c'est un peu cela Moly Sabata. C'est aussi une demeure de charme dans un lieu à paisible à seulement trois quart d'heure de Lyon. Source : "Moly Sabata" / Nelly Colin in Lyon Figaro, 17 octobre 1986, p.34-35.

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