[Museum d'histoire naturelle de Lyon : exposition "Momies"]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0758 FIGRPT0077 06
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 18 x 24 cm (épr.)
description Adresse de prise de vue : Muséum d'Histoire naturelle de Lyon - Musée Guimet, 28, boulevard des Belges, Lyon 6e.
historique Patte de mammouth, têtes réduites, crânes sculptés, crocodiles momifiés ou Egyptiens enrubannés, le musée Guimet entame sa saison d'hiver dans les bandelettes. Inaugurée le 2 décembre 1988, l'exposition "Momies" aligne les sarcophages, les vieilles peaux racornies, les chats de Haute-Egypte, les poissons du Nil et quelques individus recroquevillés, issus des hauts plateaux péruviens. Avec, en vedette, le fameux "Egyptien de Lyon", la momie démaillotée, la mascotte des égyptologues, passée au crible par une flopée de scientifiques en 1986. Une exposition qui se veut une "première nationale", selon son responsable Roland Mourer : "Aucun musée n'a encore consacré une exposition exclusivement aux momies, de toutes origines. Naturelles ou artificielles. Nous avons tenu à ne pas nous limiter aux seules momies égyptiennes afin de montrer que cette pratique est assez répandue dans le monde". Toutes les momies présentées sortent principalement des fonds du musée Guimet, du musée des Beaux-Arts et du museum d'Histoire naturelle de Paris. Répartie sur deux niveaux, l'exposition présente à la fois des momies humaines et des momies animales, les secondes provenant essentiellement du culte de l'Egypte antique. Poissons, musaraignes, rapaces, serpents, crocodiles, les animaux momifiés s'alignent par dizaine sous les vitrines, tant la production des ateliers antiques est importante. Des millions de momies animales sont en effet conservées dans les musées. Certaines sont présentées en véritables "agglomérats", sorte de paquets informes de serpents ou de rapaces entourés de bandelettes. D'autres sont remarquablement conservées, comme cette oie du Nil au plumage encore soyeux et au bec conservé bien que réduit en miettes. "Toutes ces momies ne sont pas le fait de l'homme, précise Roland Mourer. Beaucoup d'animaux ont été momifiés du fait des conditions particulières dans lesquelles ils ont été inhumés. Le corps a été préservé de la putréfaction par des causes naturelles". Certains, comme les mouches et fourmis présentées par l'exposition, sont restés prisonniers dans la résine de pin. D'autres ont été déshydratés comme cette musaraigne prisonnière d'un grenier chaud. D'autres enfin ont été conservés dans le gel : c'est le cas de la patte de mammouth de Sibérie prêtée au musée Guimet par le museum d'Histoire naturelle de Paris. Une patte qui a conservé sa peau et de grandes plaques de fourrure épaisse. La momification artificielle des animaux est surtout le fait des Egyptiens qui en faisaient un objet de culte : "Contrairement à ce que l'on croit, les Egyptiens ne se livraient pas à la zoolâtrie. Ils considéraient les animaux comme le réceptacle de la divinité. Ainsi la déesse Bastet s'incarnait, dans sa forme douce, sous les traits du chat et dans sa forme dure, sous les traits de la lionne". Mais, outre les hirondelles, les singes et les faucons pèlerins, l'exposition présente quelques humains effilochés. A commencer par des momies du Pérou, recroquevillées sur elles-mêmes, masquées pour certaines par une longue chevelure parfaitement conservée. Une momification naturelle, due au climat désertique des hauts plateaux, ou artificielle avec extraction des entrailles, dessèchement et onctions. Deux têtes réduites de Jivaro se balancent également dans une vitrine, la bouche cousue de longues tresses de fil. Autres réjouissances : les crânes gravés ou tatoués des Dayak de Bornéo ou des Maori de Nouvelle-Zélande, ou encore un crâne surmodelé et peint de Nouvelle-Guinée. "Ces crânes sont souvent dus au culte des ancêtres, commente Roland Mourer. Ils servent surtout lors des cérémonies ou des rites d'initiation". Personnage insolite de l'exposition des morts-vivants : la momie d'un artisan en tablier de cuir et foulard à damiers, datant du XIXe siècle. Un simple anonyme qui, soudain, a eu des envies d'éternité. Une intrigue pour Roland Mourer : "Personne ne sait qui il est. La légende veut qu'il soit mort à la suite d'un accident du travail, alors qu'il travail/ait sur les toits. Mais personne ne Sait pourquoi il a été ainsi momifié". Et ce n'est pas l'artisan en question, la poitrine encore velue à travers un large décolleté, les yeux bleus exorbités qui apportera une réponse. Mais la vedette incontestable de cette exposition, c'est le fameux "Egyptien de Lyon" couché sous la vitrine. L'objet de tous les petits soins des scientifiques qui, depuis trois ans, s'intéressent à la moindre poussière de cet être venu du fond des âges. Démailloté bandelette après bandelette, trépané, autopsié, l'Egyptien a été sommé de livrer ses secrets sous les projecteurs de télévision et le crépitement des flashes. Une expérience unique qui, pour la première fois, a permis d'approfondir la connaissance des momies grâce aux techniques scientifiques les plus pointues. Familiarisé avec.le scanner et le microscope à balayage électronique, dépecé par les anatomo-pathologistes, édenté pat les odontologistes, mesuré par les anthropologues, aspiré par les palynologues, l'Egyptien a avoué son âge : quarante à quarante-cinq ans, vingt quatre dents et des caries douloureuses en série. Tout l'itinéraire post-mortem a pu être reconstitué : lavé à l'eau nitrée, plongé dans du shedeh, liqueur fortement aromatisée, débarrassé de ses viscères attentivement emballées dans des paquets canopes, l'"Egyptien de Lyon" a permis d'affiner la connaissance des techniques d'embaumement. Emporté par une broacho-pneumopathie ou une tuberculose, l'Egyptien sans nom repose au centre de l'exposition, entouré de planches explicatives retraçant étape par étape sa grande aventure post-mortem. Source : "Mémoire de momies" / Carole Chatelain in Lyon Figaro, 7 décembre 1988, p.44.

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