[Maquette de l'Opéra de Lyon, version Jean Nouvel (projet...

[Maquette de l'Opéra de Lyon, version Jean Nouvel (projet I)]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0916 FIGRPTL0154 02
technique1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 15 x 20 cm (épr.)
historiqueOn ne le sait guère en dehors de Lyon : l'Opéra de cette ville est actuellement l'objet d'une querelle presque aussi âpre que celle de l'Opéra de Paris. Point de Bastille en vue cependant, la construction d'un nouvel édifice (estimé à 450 millions de francs) a été délibérément écartée comme chimérique sur le plan financier. L'Opéra devra donc s'en tenir à ses quelques 1250 places ; espérons que d'ici vingt ans, la génération prochaine n'accablera pas ses aînés sous les reproches d'imprévoyance... La restauration de l'édifice n'est discutée par personne : construit en 1831 par Chenavard, il n'a connu aucune rénovation importante depuis soixante-six ans, et il est à bout de souffle, avec des normes de sécurité largement dépassées, au point qu'il doit de toute façon fermer. Ce sera fait en mars [1987] et, en attendant de réintégrer la place de la Comédie, les troupes de Louis Erlo et de Jean-Pierre Brossmann iront jouer dans différents lieux d'accueil de Lyon et de la région. Les choses se sont passées d'abord, apparemment, de la manière la plus harmonieuse : un concours est lancé, il réunit quarante-six cabinets d'architectes ; la commission municipale, formée en janvier [1986], choisit trois équipes qui remettent leur projet détaillé le 4 juillet. Lauréat : Jean Nouvel et associés. Erlo et Brossmann exultent : "le projet, non seulement répond au cahier des charges, mais dépasse nos espérances" (cf. Monde Rhône-Alpes, 13 septembre 1986). Malheureusement, la politique s'en mêle. Ce n'est plus, comme à la Bastille, la nouvelle majorité contre les chantiers du président, mais une querelle RPR-UDF, pour ne pas dire Michel Noir, ministre du commerce extérieur, contre Francisque Collomb, maire de Lyon, ou plutôt son premier adjoint, André Soulier, plus ou moins dans la perspective des élections municipales de 1989... Le délégué RPR s'est abstenu lors du vote du 4 juillet, puis déclare avoir voté contre. Il demande le 3 septembre que la commande soit réservée à une équipe lyonnaise et qu'on lance un nouveau concours. Malgré cela, M. Noir reconnaît qu'il trouve superbe le projet Nouvel ; mais il ne peut admettre que le devis s'élève à 150 millions de francs, alors que le cahier des charges arrêté par le conseil municipal en décembre ne dépassait pas 90 millions. "Le problème, dit-il, n'est ni politique, ni esthétique, mais financier." Sur ces entrefaites, le ministre de la culture, M. François Léotard, débarque le 12 septembre à Lyon, visite les "dessous honteux" de l'Opéra, loue le projet Nouvel et assure une participation financière de l'Etat de 20% à 30%. Dans ces conditions, et sans entrer trop avant dans la bataille de chiffres, il semble que la charge ne doive pas être insupportable pour la ville, grâce au concours de l'Etat (40 millions), du conseil général et du conseil régional (chacun pour 10 millions au moins). Le dépassement du cahier des charges était d'ailleurs le fait des trois dossiers retenus en avril, celui de Nouvel étant le moins cher. Tout irait donc bien si l'on n'avait trouvé entre-temps une nouvelle pomme de discorde, non pas la pyramide de M. Peï, mais le dôme de verre conçu par Jean Nouvel. Cette vaste galerie en demi-cylindre vient se superposer à l'édifice néoclassique, et en double, ou peu s'en faut, la hauteur ! Cette audace architecturale divise les Lyonnais; certains craignent qu'elle dénature le site de l'hôtel de ville, d'autres plaident pour la lumière qu'elle met dans le vieux quartier de la presqu'île, réponse victorieuse au gros crayon opaque du Crédit lyonnais, qui symbolise le quartier neuf et bétonné de la Part-Dieu. A la longue, la querelle semble s'apaiser, et chacun de se réjouir ou se résigner devant "ce coup de théâtre dans le ciel de Lyon", selon l'expression d'un architecte de la ville, M. Bernard Chamoussy. Et M. Francisque Collomb prend position avec éclat pour le projet Nouvel (cf. Le Journal Rhône-Alpes, 25 octobre 1986), affirmant qu'il ne laisserait pas traîner les choses : "Je suis le maire de Lyon, celui qui décide. Cet opéra doit être refait avec de grands moyens, et il le sera. Or, [le] 7 novembre, avant "l'ultime" réunion à huis clos du conseil municipal, M. Michel Noir tient une conférence de presse, déclare que Jean Nouvel est un architecte génial mais que son projet est une "monstruosité" en ce lieu... Du coup, le conseil renvoie une fois de plus la décision ; le maire, qui veut obtenir "un large consensus", demande à Jean Nouvel d'abaisser la hauteur de la fameuse galerie... L'architecte accepte de réviser ses plans. Cela risque malheureusement de mettre en question toute l'économie du projet. Celui-ci repose en effet sur l'édification de ce dôme qui, ajoutée à la reconstruction totale de l'intérieur, va presque doubler la surface utile (de 7900 mètres carrés à 14.600 mètres carrés). La salle et la scène seront haussées d'un étage et mises à la hauteur du foyer, ce qui permettra d'avoir en sous-sol un plateau à l'identique (pour les répétitions d'ensemble), équipé d'installations de télévision, une seconde salle en amphithéâtre de trois cents places (accueillant concerts et conférences), une cafétéria et un lieu d'accueil. Un système ingénieux de monte-charge et ascenseurs assurera la circulation de tous les éléments de décors, accessoires, instruments de musique et musiciens, entre le niveau - 3 et le niveau + 12. La grande salle, débarrassée de ses piliers et de ses sièges coincés les uns contre les autres, offrira enfin aux 1250 places confort et visibilité. Mais qu'en sera-t-il de ces beaux plans, conçus pour un fonctionnement idéal de l'Opéra, l'autorisant à accroître considérablement son activité et à pratiquer une véritable alternance ? Car la surélévation du bâtiment par une voûte en verrière permettrait de créer des espaces assez vastes pour l'atelier de couture, la direction, l'administration, les loges de tous les artistes, ainsi que les salles de répétition du ballet et des choeurs rapatriés de la coûteuse annexe de l'avenue Berthelot (d'où une économie de 15 millions). Au lendemain du conseil municipal [du 7 novembre 1986], les pessimistes pensent que la polémique est repartie pour un tour et que la valse des chiffres et des opinions va reprendre de plus belle. Les optimistes rétorquent au contraire que deux préalables viennent d'être levés : on ne discute plus le montant du devis et le choix de Jean Nouvel semble entériné. Mais les nouveaux plans pourront-ils tenir dans l'enveloppe des 150 millions ? La réalisation risque fort d'être retardée et l'on s'achemine ainsi doucement vers une inauguration qui aurait lieu - pourquoi pas ? - après les élections municipales de 1989... Le danger de ces atermoiements est de saboter à la longue la vie d'un Opéra qui est l'un des meilleurs de France et un titre de gloire pour la ville de Lyon. Source : "La reconstruction de l'Opéra de Lyon Polémique autour d'un dôme" / Jacques Lonchampt in Le Monde, 11 novembre 1986.
note à l'exemplairePhotographie attribuée à Nöel Lieber (d'après Lyon Figaro, 1er novembre 1986).
note bibliographique"L'examen du Projet Nouvel est repoussé au 7 novembre" / Sophie Bloch in Lyon Figaro, 1er novembre 1986, p.1 et 14. - "Côté R.P.R. le flou demeure" / Anne Masson in Lyon Figaro, 1er novembre 1986, p.14.

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