[Squatts de La Croix-Rousse. Semaine d'action contre les...

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0758 FIGRPTL0200 02
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 24 x 18 cm (épr.)
description Inscription(s) sur l'image : "J'y suis / j'y reste".
historique La Semaine d'action contre les expulsions a débuté le 10 mars 1990, sur les pentes de la Croix-Rousse. Manifestation peu commune, elle a été mise en place par l'association "Vis là, sans souci", jeune organisme qui a vu le jour en janvier 1990 à l'initiative d'une équipe de jeunes squatters. Durant une semaine, les membres de l'association se proposent de sensibiliser la population lyonnaise aux problèmes des expulsions, à travers une succession de manifestations. Et le 16 mars, dernier jour de la fête, correspond également à la fin de l' "hiver juridique". Disposition préfectorale qui permet aux squatters de rester dans un logement du 1er décembre au 15 mars inclus. Passé cette date, huissiers et policiers se chargeront du reste. C'est parce qu'ils sont directement concernés par ce phénomène que Bruno et ses amis ont décidé de réagir et d'organiser cette série de manifestations, soutenus dans leur démarche par des habitants du 1er arrondissement. Le 16 mars, ces huit jeunes squatters, installés depuis la mi-décembre dans un appartement vide du 1, place du Chardonnet, comparaîtront devant le tribunal de grande instance. Assignés en référé par les propriétaires du logement qu'ils occupent. A leurs côtés, pour assurer leur défense, maître Dominique Rousset tentera, selon les dispositions de l'article 613-1 du code de construction et d'habitation, de demander des délais supplémentaires à cette occupation jugée illégale. "II n'y a pas d'urgence quant aux travaux que veulent engager les propriétaires. Puisqu'il reste aujourd'hui huit locataires en titre dans cet immeuble. Rien n'a encore été prévu pour leur assurer un relogement dans le secteur où ils vivent actuellement. Il est donc possible d'obtenir un délai supplémentaire. Le juge peut également ordonner l'expulsion s'il y a eu troubles illicites, détérioration de la propriété", explique maître Rousset. Ce qui n'est apparemment pas le cas. Toutefois, les conclusions de l'huissier qui suit l'affaire depuis l'entrée des squatters dans les lieux ne demeurent pas les mêmes. Selon lui, les jeunes auraient piraté l'électricité, cassé certaines cloisons... Et, comble d'une situation illégale et dangereuse : ils s'adonneraient à la drogue, seraient agressifs, provocateurs... Pourtant, lorsque l'on pénètre dans ce logement du 1, place du Chardonnet, l'idée primitive que l'on se fait d'un squatt est quelque peu bouleversée. Un appartement aménagé avec les moyens du bord, propre et décent. Quant à l'attitude de locataires. elle ne permet pas, a priori, de suivre la même interprétation que celle de l'huissier. Celle de Bruno notamment. Un look d'étudiant-inteIlo, de petites lunettes rondes sur le nez, il vient d'avoir 23 ans. Un baccalauréat en poche, trois années universitaires à son actif, une formation d'informaticien, il s'est retrouvé, à l'issue de ses études, à la recherche d'un emploi." Rapidement sans ressources, il a refusé l'aide de sa famille, revendique son indépendance et tombe progressivement dans une situation financière qui ne lui permettait plus de louer ou d'acheter un appartement. Seule solution : la rue ou le squatt. Il opte pour la seconde formule. C'est ainsi que depuis la mi-décembre, il a investi ce logement de la place du Chardonnet. Un site qui lui plaît, dans un secteur où il réside "depuis toujours", dit-il. "Je suis né à la Croix-Rousse. Pas question d'en partir". "Je suis arrivé ici le 22 décembre précisément. Le logement était vide. J'ai poussé la porte et je me suis installé", poursuit-il. Progressivement, il invite Alex, Lionel, Jacques et quatre autres de ses amis à venir le rejoindre. L'âge des nouveaux occupants varie de 16 à 25 ans. L'entente est au beau fixe. La vie en communauté ne leur déplaît pas. Entre les mains de l'équipe, l'appartement de 90 mètres carrés se transforme rapidement. Les graffitis ornent les murs. Duvets et matériel hifi rapportés de leur ancien logement leur donnent le sentiment de vivre dans un appartement décent. Pas de détérioration, les cloisons sont intactes, les fenêtres presque neuves. Une situation qui les fait sourire : "Les autres locataires de l'immeuble vivent pratiquement moins bien que nous. Leur logement est vétuste. Ils ne veulent pas faire de réparation car ils savent qu'ils devront bientôt partir", explique Lionel. L'immeuble du 1, place du Chardonnet manque effectivement de confort et la sécurité est relative. Boîtes aux lettres brinquebalantes, cage d'escaliers obscure, un dernier étage assombri par cinq années d'inoccupation, des logements sans confort, avec toilettes sur le palier. Une situation que les propriétaires ont décidé récemment de modifier. Mais la présence de tout ce petit monde compromet sérieusement leurs projets. Ils ont fait appel à l'huissier pour provoquer l'expulsion des jeunes squatters. Un huissier qui promet, après leur départ, de détruire portes et fenêtres afin d'éviter que des squatts se reforment. Quant aux autres locataires, ils attendent, pour partir, qu'on leur propose de nouveaux logements. Rien n'est, à l'heure actuelle, prévu à ce propos. Seize ménages vivaient dans l'immeuble. Il en reste huit. Qui subissent aujourd'hui, à leur tour et d'après les rumeurs qui dévalent les pentes, des pressions. L'objectif étant de provoquer un départ plus rapide, sans propositions de relogement, ni indemnités. Source : "La Croix-Rousse se met en squatt" / Séverine Meille in Lyon Figaro, 16 mars 1990, p.4-5.

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