[Affiche de la 4e Biennale de la danse de Lyon (1990)]

droits Creative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0741 FIGRPT0617A 16
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 24 x 18 cm (épr.)
description Inscription(s) sur l'image : "Informations municipale" ; "13 septembre - 6 octobre 1990" ; "Lyon / 4eme biennale de la danse".
historique Timide mais avec un esprit d'anticipation, la campagne d'affichage de la quatrième Biennale de la danse commence à parsemer la ville. Quai Saint-Antoine et dans quelques points de la Presqu'île, l'affiche censée symboliser le thème "Un siècle de danse aux Etats-Unis" se cantonne pour ce mois-ci aux "sucettes" municipales, espace disponible oblige, première étape d'une offensive publicitaire, visuelle et culturelle qui passera au format 4x3 au mois d'août et descendra dans le métro. Anticipation, voire précipitation d'un affichage qui devance les premières présentations officielles de l'événement à Lyon, Paris et New York. Signé Euro TSG, conçu par l'agence lyonnaise sous l'oeil de la direction de la Maison de la Danse voilà trois mois environ, le visuel de la future Biennale recourt au "dye transfer" pour incruster une photographie de la chorégraphe Martha Graham sur fond d'esquisse de drapeau américain, sous l'accroche généraIe qui constitue aussi le slogan de la Biennale : "An American Story" sous-titré "Un siècle de danse aux Etats-Unis". Rencontre presque parfaite entre une image symbolique du monde de la danse américaine et... Lyon, par l'intermédiaire du pinceau du fresquiste Pascal Chalard, influencé par le travail du peintre Jasper-Johns, auteur de nombreuses variations sur le thème du drapeau américain. Quant au portrait en mouvement de l'égérie de la danse contemporaine née aux Etats-Unis, on le retrouve dans un recueil de photographies de Barbara Morgan, intitulé "16 Dances in Photographs". Extraite de la chorégraphie "Every Soul Is A Circus", cette image de fluidité et d'énergie a été baptisée "Star Turn" par l'auteur. Avant de parvenir à cette image qui synthétise l'esprit généraI qui planera sur les différentes manifestations et représentations cadrées du 13 septembre au 6 octobre 1990, le staff créatif d'Euro TSG dirigé par Jean Michel a bien failli s'égarer dans un visuel "trop fort et trop faux" selon Denis Troux, directeur de l'agence : "Nous cherchions des pistes pétaradantes pour chercher à exprimer l'Amérique, sa violence, en gardant l'idée d'une rétrospective de la danse américaine depuis le XIXe". Le premier projet représente un pistolet dont le canon tourné vers le bas expulse les jambes tendues-pointées d'une danseuse en tutu. Erreur d'aiguillage et recentrage obligatoire : "Les jambes tendues, les pointes et le tutu étaient l'inverse de l'apport de la danse américaine, Duncan en tête. La danse américaine relève d'une expression beaucoup plus libre, née d'une révolte de femmes contre le courant des conventions". Mal perçu par les danseurs, notamment aux Etats-Unis, le projet est rejeté dans les oubliettes. "Nous avons été tentés de céder à l'impact, qui aurait pu être bon auprès du public français, mais n'a pas été admis par les danseurs américains : le colt est à l'opposé de ce monde-là. On nous avait prévenus que pour la Biennale, tant que ce ne serait pas parfait, aucun projet ne pourrait être accepté". Re-brief dans les locaux d'Euro TSG, agence repérée pour avoir mijoté les stratégies de communication de l'ONL et du Huitième avec le fameux "Weber et Maréchal reviennent, pas vous ?". Cette fois, sous les conseils diligents de Guy Darmet, on brûle : "Les lignes stratégiques étaient simples : la danse aux Etats-Unis est une histoire de femmes. Pour le formuler, nous avons choisi cette image de Martha Graham dans sa cape, elle sera la grande papesse de cet événement puisqu'à 93 ans, elle pourrait apparaître au cours de cette Biennale. C'était aussi une forme d'hommage envers quelqu'un dont une compagnie porte encore le nom". Publicitaire, culturelle, visuellement équilibrée, l'affiche éveille même une forme de vraie émotion, grâce à cette représentation de celle qui déclarait dans les années vingt : "Je veux traiter les questions d'aujourd'hui". Juste retour des choses envers la chorégraphe complètement incomprise et rejetée lors de son passage à Paris dans les années cinquante, lors de sa première tournée en Europe. Enveloppée de tissu mais incroyablement libre, Martha Graham focalise donc toute l'importance de cette manifestation, qui déborde grâce à son thème, les frontières européennes : "Ce visuel était diplomatiquement délicat : il fallait satisfaire, à la fois, la mairie, les Américains, les danseurs et le public. Mais il faut reconnaître que la cote de Lyon aux Etats-Unis prend un tour extrêmement intéressant". Un défi publicitaire réussi qui s'explique également par la présence et la compétence de l'annonceur, toujours selon Denis Troux : "Une affiche, c'est l'art de la réduction. Il s'agit d'entrer des tas de données dans un entonnoir et qu'à la sortie, en cinq mots et un visuel tout soit dit et compris... Celui qui apparaît sur cette affiche est une évidence, donc c'est bon. Nous avons réduit, trouvé les cinq gouttes qui restituent l'essence". Une campagne qui sonne juste et pas par hasard : "An American Story, je crois que c'est Guy Darmet qui, dans son exposé, a résumé le problème dans cette phrase, trouvé ce titre idéal. Nous les avons mis en scène. Il faut toujours écouter un annonceur sensible qui connaît bien son domaine : dans les éléments qu'il apporte se trouve la solution. Son équipe a émis de bonnes critiques qui nous ont aidé à trouver la suite. Nous détestons l'annonceur qui dit ça ne va pas et s'imagine que cela suffit. Les annonceurs ont la pub qu'ils méritent, certains savent accoucher les projets". Accouchement presque sans douleur puisqu'il aura suffi d'une bonne dose de sens artistique, de compétence médiatique pour concentrer un sujet aussi vaste dans un visuel et une formule magique efficaces. D'emblée plus séduisant que les esquisses de coqs d'il y a deux ans, ce "logo" très fouillé se retrouvera dans les mois à venir non seulement sur les murs ou les couloirs de métro, mais également sur des tee-shirts, des badges, programmes et dépliants. Avant la première conférence de presse, bien avant les premières exhibitions scéniques, la Biennale pose ses marques et marque des points en conjuguant "Lyon international" et "Lyon intelligent", via le choc du culturel, du commercial et du publicitaire. Source : "La bannière de la danse" / Pascaline Dussurget in Lyon Figaro, 2 avril 1990, p.61.

Retour