[1re Biennale d'art contemporain de Lyon (1991)....

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0741 FIGRPTL0143 12
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 18 x 24 cm (épr.)
historique Après le saucisson et le jeu de boule, Lyon s'offre une nouvelle spécialité : la Biennale ou plus exactement, les Biennales. Toute la spécificité lyonnaise est dans le pluriel. A défaut d'avoir inventé ce hoquet du calendrier, la Ville le pratique avec un bel enthousiasme et l'accommode à toutes les sauces culturelles. La danse et la musique classique appliquaient déjà l'alternance festivalière, le Théâtre pour enfant a pour lui les années impaires et, dernier secteur frappé par l'épidémie, les arts plastiques qui suivront la tendance générale dès l'automne [1991]. Ainsi placées sous le signe de la biennalisation, vont apparaître en septembre les premières manifestations prestigieuses de la politique Michel Noir/Jacques Oudot. La nouvelle municipalité se sera donné deux ans et quelque pour remplacer l'Octobre des Arts et transformer l'ex-festival Berlioz en une Biennale de musique française. Le tout étant bien évidemment assorti d'une stratégie de communication sans précédent. Autre caractéristique commune aux deux Biennales : l'Hexagone. La Biennale de musique a choisi de décliner les grands et petits maîtres du XIXe français, tandis que l'art contemporain rassemble ses artistes sous le drapeau tricolore mais élastique de "l'art en France". C'en serait donc fini des grandes déclarations d'intentions internationales et c'est déjà ça de gagné.
historique Octobre des Arts est mort en 1988, vive septembre 1991. Pour la première fois en France, une grande Biennale d'Art contemporain se tient hors Paris. Et grâce au soutient de l'Etat. Le 3 septembre, en effet, après quelques reports et tergiversations pour raisons de convenances financières, la première Biennale d'Art Contemporain de Lyon verra le jour. A ceux qui tordent le nez sur la date, Jacques Oudot, adjoint chargé des Affaires culturelles, assure, péremptoire, que "c'est une excellente date" et qu'il le prouvera... Les galeristes ordinairement fermés à celle période n'ont pas l'air convaincu. Et certains n'ont même pas l'envie de lever leur rideau plutôt que de coutume. D'autres feront l'effort d'être là, mi-septembre. Un peu nunuche, le titre, "L'amour de l'art'. Tout à fait démago, l'image. Des petits bonshommes et bonnes femmes stylisés très mode, genre monsieur et madame Tout-le-monde, qui envahissent le dos du dépliant d'informations, parsèment la surface de l'affiche dans les tons de rouge orangé/bleu. Mémère poussant un caddy, coquette à chien-chien, mangeur de sandwich obèse, familles en goguette et poussette, amoureux, sportifs, handicapé, vieillard, voleur, touriste, enfants en bas âge... Le message est clair. La Biennale de Lyon se place sous le signe de l'ouverture et veut réconcilier l'art contemporain avec le grand public. Le BAC veut briser le ghetto et jeter entre la création et les gens les ponts emportés par les avant-gardes artistiques depuis la fin du XIXe siècle. Grandes ambitions que cinq minutes en compagnie de Jean-François Brégy, le monsieur communication des Biennales de Lyon, confirment aisément... On n'a d'ailleurs pas lésiné sur "une communication bien signée, bien conduite, pour, comme dit Jacques Oudot qui présentait la Biennale à la presse, rendre l'excellence accessible à tous". L'amour de l'art, pour une Biennale d'Art contemporain. Pourquoi pas après tout si l'on pense comme ses initiateurs que l'art est affaire de croyance et de conviction. Un titre qu'on peut dire "naïf", "ingénu". Thierry Raspail, responsable avec Thierry Prat de la manifestation, reprend les termes à son compte, et le sous-titre, aussi. Anthropologique, il est dans son énoncé à la fois vague et précis : "Une exposition de l'Art contemporain en France". Une exposition parmi tant d'autres potentielles. Et la première d'importance depuis celle de Beaubourg en 1972. Du 3 septembre au 13 octobre [1991], soixante-dix expositions personnelles réparties entre la Halle Tony-Garnier, l'Espace Lyonnais d'Art contemporain et le Musée Saint-Pierre rendront compte d'un certain état de la création en France. Au menu, on nous promet plus de 85% d'oeuvres inédites. Du célébrissime en tout genre : Arman, César, Ben, Soulages, Viallat, Combas, di Rosa, Hains, Tinguely et Buren, bien sûr, dont on se demande comment il acceptera de se plier à la règle du jeu qui réserve à chaque exposant de la Halle Tony-Garnier les même 120 mètres carrés. Du franchement pas ou peu connu : Lucas Lhermitte, Françoise Quardon, Laurent Pariente, Denis Castellas... Et de l'entre-deux : Martin Barré. Sophie Calle, Jean-Pierre Raynaud, Jean Le Gac... Dans cette francitude qui ne veut pas vraiment en être pas une, et sans vouloir faire de rhônalpitude, signalons toutefois la présence d'artistes du coin comme Kacem Noua, Jean-Pierre Giard, Catherine Beaugrand, Philippe Perrin, Jean-François Gavoty, Georges Adilon... A la question "pourquoi eux ?" La réponse est "pourquoi pas eux ?" A l'exposition proprement dite s'ajouteront d'autres manifestations (rencontres ponctuelles avec les artistes et le public, par exemple) ou encore, le 21 septembre, une Journée des Arts qui devrait réunir dans la même célébration festive institutions, artistes et galeries privées. Ces dernières, échaudées par la disparition d'Octobre des Arts, et tenues jusqu'à présent, c'est du moins leur impression, à l'écart de la Biennale, demeurent un peu sur la réserve. Si c'est un système de navettes qu'on leur propose, si c'est de figurer sur un calendrier d'information, elles trouvent que c'est un peu court et ne voient pas bien pour l'instant la portée et la forme de l'association Biennale-galeries évoquée encore par Jacques Oudot lors de la présentation du BAC. Rendez-vous est pris toutefois jeudi prochain entre l'association Lyon-Galeries et la municipalité pour clarifier la situation. Sur le plan financier, cette première Biennale d'Art contemporain bénéficie d'un large soutien de l'Etat qui, laissant tomber la Biennale de Paris, voit d'un bon oeil la décentralisation d'une manifestation d'envergure nationale. Cinq millions de francs de l'Etat, six millions de la Ville, 500.000 francs de la Région (c'est beaucoup moins que ce qui était espéré au départ) et 400.000 francs de partenaires privés, c'est le budget global de cette Biennale auquel s'ajoute le montant escompté des recettes propres. Celles de la billetterie, on prévoit 30.000 entrées, et celles de la vente d'un catalogue tiré à 5000 exemplaires. Soit un total de 12/12,5 millions de francs. Çôté dépenses, on peut noter que 8 millions de ce budget sont consacrés à la partie artistique, 1,5 million aux dépenses générales et 1,7 million à la communication. Avant même que "L'amour de l'art" n'ait vu le jour, on pense déjà à 1993. Ce type de manifestation lourde se préparant au moins deux ans à l'avance, il n'est que temps de l'envisager. Une inconnue : la participation de l'Etat déterminante dans la préparation de la première édition sera-t-elle reconduite à même hauteur. "Attendons de voir le résultat de la première", telle est la réponse du représentant du ministère. Une sagesse qui ne facilite pas le projet artistique. "Vive la France, vive les Biennale" / Nelly Gabriel in Lyon Figaro, 23 avril 1991, p.36-37.
note à l'exemplaire Négatif(s) sous la cote : FIGRP03767.

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