[Jean-Baptiste Brunet-Jailly, universitaire lyonnais et...

droits Creative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0759 FIGRPTP0760 01
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 20 x 15 cm (épr.)
historique La traduction est une histoire d'amour. C'est en amoureux-raisonné que Jean-Baptiste Brunet-Jailly évoque sa rencontre avec la Suède. "J'ai été très marqué par la douceur des gens et la beauté extrême des paysages". Comme pour témoigner de son attachement à ce pays, il porte une parka et un gros pull. "Je suis parti en Suède à seize ans et demi. J'étais attiré par les voyages. Un ami rentrait de Suède et j'ai eu envie d'aller voir de plus près". Il y passera dix-sept ans de sa vie, enseignera le français à l'université de Stockholm et fera la connaissance de Carl-Gustaf Bjurstrom, le "maître" en la matière de traduction franco-suédoise. "Si je suis traducteur aujourd'hui, je le dois entièrement à Bjurstrom. Il fut mon mentor. Il m'a encouragé, conseillé, corrigé et dirigé sur la bonne voie". Il lui doit beaucoup, en effet, puisqu'il fut à l'origine de son premier contrat avec les Presses de la Renaissance, à la recherche d'un traducteur pour la version française de "Speranza", un roman du grand écrivain contemporain suédois, Sven Delblanc. "Je connaissais alors déjà Stig Larsson et "Les autistes" et je rêvais de traduire ce livre. Cela n'était pas possible car Stig était un jeune auteur, marginal et je n'avais pas les moyens. J'ai donc commencé par le texte de Delblanc que j'appréciais aussi. Puis, ce fut un second roman de Delblanc, "La nuit de Jérusalem". L'éditeur fut très satisfait et en redemanda. C'était le moment de sauter sur l'occasion... Brunet-Jailly ne s'encombre pas de convenances et nomme Larsson par son prénom Stig, laissant sous-entendre une amitié complice. Il réagit en un clin d'oeil quand il s'agit de le défendre, le justifier - ou le faire accepter. Si nous accusons le Suédois d'en faire un peu trop dans "Nouvel an", il rétorque aussitôt : "Non, il n'y a aucune affection chez Stig, aucun tape à l'oeil". Tolérant et respectueux avant toute chose, Brunet-Jailly semble puiser en l'écriture de Larsson le complément vital à son existence et son activité de professeur. "Traduire, c'est comme enseigner. Il y a acte de donner à autrui. Et puis, cela ressemble à un exercice de piano. Interpréter une partition avec cette joie intense... Il y passe aussi un temps fou. "J'ose à peine en parler", il se prend alors le front. "Il faut compter six mois pleins pour traduire deux cents pages. C'est affolant, et puis, ça rend la vie sociale difficile, surtout lorsque l'échéance approche, car il faut s'enfermer des journées entières. Je me dis parfois que l'éditeur me vole ma vie... J'ai repris vingt-cinq fois les premières pages des "Autistes" et de "Nouvel an" pour trouver le ton juste. La traduction, c'est une course de fond en solitaire. Puis le texte traduit devient un énorme soufflé qu'il faut ramener à sa dimension originale. Ce qui me console, c'est que Stig écrit huit cents pages pour en publier cent cinquante". Une fois encore, Larsson et Brunet-Jailly avancent sur la même voie, avec précaution, l'un partageant le doute de l'autre. L'écrivain et son double. A l'heure où la Scandinavie bénéficie d'un regain d'intérêt et où le traducteur sort enfin de l'ombre, Brunet-Jailly incarne l'exemple type de l'homme qui met sa passion au service de l'homme, il oeuvre sur une multitude de terrains et confère à l'Université Lyon II un rôle de découvreur. Il attirait à Lyon II le 3 novembre 1987 un écrivain suédois, Tunstrom, nouvellement traduit chez Actes Sud et prévoit pour le 25 novembre une rencontre à l'Espace Gerson avec les Danois Christensen et Sorensen, puisque cette année universitaire s'inscrit sous le signe des relations France-Danemark. Brunet-Jailly annonce une quinzaine suédoise à Lyon pour le mois de mars 1988. Au programme, une rencontre avec l'écrivain S. Delblanc, une semaine de cinéma suédois au CNP, un spectacle de ballets, une exposition au musée Saint-Pierre du peintre-sculpteur Dietman, ainsi que la participation de Lyon II. "J'ai traduit le catalogue de l'exposition "Entre lard et l'art". Il est disponible au musée". D'autres projets encore, il s'attèle en ce moment à la traduction du troisième roman de Delblanc Castrats, parachevant ainsi la trilogie. Il attend d'autre part le feu vert pour signer un nouveau contrat qui lui permettra de replonger avec délectation dans le spleen Larsson : "Introduction", nous appartiendra bientôt. Puis ce sera au tour de "Comédie", encore signé Larsson, sur le point de paraitre en Suède. De quoi abandonner un peu plus de sa vie à un éditeur vampirisant ! Mais Brunet-Jailly aime ça. "Un travail de Bénédiction" qui lui procure un plaisir intense. Source : "Stockholm-Lyon : la course de fond en solitaire" / Brigitte Giraud in Lyon Figaro, 13 novembre 1987.

Retour