[Louis Thomas Achille, chantre de la négritude]

[Louis Thomas Achille, chantre de la négritude]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0759 FIGRPTP0007 09
technique1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 15 x 20 cm (épr.)
descriptionLouis-Thomas Achille dans son bureau au 2e étage du 11, place Maréchal-Lyautey (Lyon 6e), appartement où il résida de 1950 à son décès survenu le 11 mai 1994. Information transmise par les descendants de Louis-Thomas Achille, 26 juin 2018.
historiqueLouis-Thomas Achille, né le 31 août 1909 à Fort-de-France (Martinique), fils de Louis Achille premier agrégé noir de l'Université, arrive à Paris en 1926 et entre à hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand. C'est là qu'il côtoie Léopold Sedar Senghor et qu'il prend une part étroite à l'émergence du mouvement de la négritude en collaborant à la création de "La revue du Monde Noir", fondée par ses cousines Jane et Paulette Nardal, et qu'il fait rééditer en 1993, où écriront notamment Félix Eboué, premier gouverneur noir des colonies, le poète américain Claude Mac Kay et l'antillais René Maran, prix Goncourt 1921. Ce premier foyer intellectuel rapprochant Noirs d'Afrique, des Caraïbes et d'Amérique sera suivi entre autres échos des voix nègres majeures de Léopold Sedar Senghor, ami et condisciple de khâqne de Louis T. Achille, Léon-Gontran Damas, son beau-frère et Aimé Césaire. A la suite de l'Appel du 18 juin, il s'engage dans les Volontaires français résidant en Amérique, ce qui le conduit à une affectation en Afrique du Nord comme interprète-officier de liaison d'Etat-major. De retour en France, il réussit l'agrégation d'anglais, à l'instar de son propre père. Il est nommé en 1946 au lycée du Parc à Lyon où il enseigne en classes préparatoires à l'Ecole normale supérieure et aux autres grandes écoles, ainsi que dans divers établissements lyonnais (Institut d'études politiques, Ecole supérieure de chimie industrielle...). Au lycée du Parc, il fonde en 1948 une chorale d'anglais dont le répertoire s'oriente rapidement vers les negro spirituals sous le nom de "Park Glee Club". C'est cette chorale qui accueille notamment Martin Luther King le 29 mars 1966, lors de sa visite à Lyon. Acteur de l'émergence des radios libres, Louis T. Achille y a diffusé des negro spirituals au cours de nombreuses émissions sur Radio Fourvière. Riche d'un abondant corpus de partitions, recueils, disques de negro spitituals, il crée enfin en 1990 un centre de documentation, "Négro-spirituals Lyon", qui est hébergé au lycée du Parc. Quant au Parc Glee Club, il a disparut avec son fondateur en 1994.
historiqueDepuis quarante ans un monsieur fait chanter les élèves du lycée du Parc. Mains croisées dans le dos et torses bombés, garçons et filles du Park entonnent dans l'allégresse (Glee) des negro-spirituals sous la houlette du directeur du club, Louis T. Achille. Devant un petit rhum millésimé 48 comme le club, cet homme plein de chaleur et de foi, né en 1907 à la Martinique, nous éclaire quant à l'origine de ces hymnes d'inspiration chrétienne chantées en anglais par les noirs américains. "Le negro-spiritual est à la musique noire ce que le grégorien est à la musique classique européenne. Le gospel est la forme évoluée, actuelle du negro-spiritual". Si le jazz commence à montrer le bout de sa trompette en Europe à partir de 1917, il faut attendre les années vingt et l'éclosion des revues noires, de l'art africain, pour que soit reconnu ici son père spirituel le chant : "C'est en 1927 que ma cousine, Paulette Nardal, fondatrice de la revue du monde noir devenue depuis 'Présence Africaine', m'a initié aux spirituals". M. Achille nous entraine alors dans les tréfonds de sa mémoire, quelque soixante années en arrière, à l'époque où le jeune agrégé d'anglais prodiguait des cours de français à la Howard University. Chaque jour à l'heure du break déjeuner, le professeur savourait comme un bon dessert le répertoire du Yale et Howard University Men's Glee Club. Ces chorales de campus prêteront d'ailleurs le mot glee - signifiant également, chant à plusieurs voix - au futur club lyonnais : "Leurs chants n'avaient cessé de me fasciner... Il y eut, sans doute, de la prétention d'emprunter une partie de leur nom à ces célèbres chorales des Etats-Unis, mais surtout de l'humour et un peu d'anglomanie, excusable et opportune". En même temps les problèmes de ségrégation raciale qui sévissent dans l'Amérique des années quarante touchent de près Louis Achille : "Je salue l'effort considérable des Américains pour mettre un terme à ce que l'on aurait pu appeler l'apartheid. Pour cela il fallut le martyre de Martin Luther King et de ses militants blancs et noirs". Le problème des relations interraciales sera d'ailleurs au coeur du premier negro-spiritual lyonnais écrit par le fondateur du Park Glee Club. "En mémoire des longues marches sous le soleil géorgien, lors du boycott des autobus urbains pendant plus d'un an, dans le but de mettre fin à la ségrégation raciale dans les transports publics". A l'issue d'une guerre où il défendit les couleurs bleu blanc rouge... de l'étendard américain, M. Achille est nommé au lycée du parc. Les chants des esclaves noirs d'Amérique ont conquis une digne place dans l'enseignement français, ce qui ne manque pas de réjouir le nouveau professeur. A ce chapitre précis du programme, il n'y résiste pas, descend de sa chaire et entame naturellement "Nobody knows the trouble l've seen..." devant une classe de frenchies éberlués mais ravis de cette prestation. Plusieurs d'entre eux proposent alors leurs cordes vocales. Avec le renfort d'autres classes, des répétitions s'organisent et les premiers trémolos résonnent ainsi en salle E entre les cours. "J'acquis la certitude que les spirituals les plus riches de substance, les plus lourds de souffrance humaine, les plus dansants tout ensemble, pouvaient gagner l'estime et susciter l'admiration des jeunes français". C'est en 1948 que la "Chorale d'anglais" devient le "Park Glee Club". Depuis quarante ans les choristes se succèdent mais ne se ressemblent pas. Comme pour le bon vin, il y a de plus ou moins bonnes années. Pour les internes des classes terminales préparatoires aux concours d'entrée dans les grandes écoles, le club est un remède à une vie d'étudiant ascétique aux couleurs parfois saumâtres : "Ça y est ! Je suis gonflé à plein" s'écriait à la fin d'une répétition un élève qui se rendait à sa "compo" de maths. Le recrutement des chanteurs s'effectue en toute liberté, sans critère de sélection préalable. S'il recommande l'improvisation, le chef de choeur s'attache au respect des textes originaux mais aussi à une certaine spiritualité dans l'interprétation de la forme propre aux negro-spirituals. Un minimum de connaissance du contexte historique de ces chants permet un meilleur feeling : "Ce sont des chants qui ne lassent pas, tant ils sont riches, culottes, patinés... ils ne vieillissent pas". Comme M. Achille d'ailleurs, qui, à la retraite depuis 1974, multiplie ses activités au point d'être devenu une personnalité lyonnaise incontournable. Cet homme d'action en prise directe sur la vie, préside au conseil d'administration de Radio Fourvière, donne des conférences et rédige des articles sur la race noire et ses musiques, tout en vouant fidélité au Park Glee Club. Côté chaumière, les toiles et les dessins du maître des lieux voisinent avec un univers de souvenirs dont la médaille d'or de la jeunesse et des sports, la distinction des Palmes académiques et la Légion d'honneur... Mais avec son large sourire, Louie Achille préfère montrer à notre Photographe un appareil révolutionnaire des années 30, qui ferait, sans doute, l'admiration de l'institut Lumière. Le fondateur du Park Glee Club n'est pas homme à s'endormir sur son passé, fut-il glorieux. Entre autres manifestations et concerts du club en 88, l'événement sera l'inauguration d'un centre de documentation sur la musique sacrée de noirs d'Amérique, baptisé negro spirituals Lyon. Dès à présent le fonds comprend près de deux cents partitions de negro-spirituals, des catalogues d'éditions musicales, une vingtaine de recueils de spirituals et gospel songs et plus de cent disques et cassettes de solistes ou choeurs, généralement noirs. Ainsi les spirituals font partie du paysage culturel lyonnais. Merci Monsieur Achille et "Happy birthday !" au Park Glee Club. Source : "La saga Glee" / Claude Simonet in Lyon Figaro, 29 décembre 1987, p.30-31.
note bibliographique[Nécrologie] in Le Progrès de Lyon, 15 mai 1994. - Le lycée du Parc : 100 ans d'histoire / Dominique Achille, Walter Appel, Jean-Paul Berlioz [et al.], 2014, p.72-73 [BM Lyon, 6900 V8 LYC]. - Louis Thomas Achille : de la négritude aux negro spirituals / [Bande dessinée] par Hélène Marie et Josselin Limon Duparcmeur, 2018 [BM Lyon, 6900 Z9 ACH]. - Site internet. [En ligne] : http://alrmab.free.fr/ltachille.html (consulté le 25-09-2015).

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