[Démolition des anciennes usines Gillet]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0900 CRDP R08753
technique 1 photographie positive : diapositive couleur ; 24 x 36 mm
historique Coincée entre la Saône et la falaise abrupte qui termine le plateau de la Croix-Rousse, l'usine se présentait tout en longueur, tout en façade comme un décor de théâtre pour une pièce "naturaliste" à la Zola. Depuis plus d'un siècle, elle symbolisait pour les Lyonnais une véritable dynastie industrielle dont l'origine se situe dans un petit village près de l'Arbresle : Bully. C'est de là qu'un jour, un modeste ouvrier teinturier vint à Lyon pour chercher du travail, il avait nom : François Gillet, un destin hors-série l'attendait. En trois ans (1831-1834), Lyon vient de connaître deux insurrections. Toutes deux venant de la Croix-Rousse, bastion des ouvriers en soie, les Canuts. Les remparts qui ceinturaient le plateau, viennent d'être démantelés pour laisser la place à un boulevard, la ville se transforme. En 1838, la première cheminée d'usine se dresse quai de Serin : l'ère industrielle commence et avec elle, l'ascension de la famille Gillet. Presque cent ans passent. En 1931 disparaît Edmond Gillet, petit-fils du fondateur. Celui-ci que l'on avait surnommé "le roi de Lyon", crée en 1903 l'industrie des textiles artificiels en France. Pendant la Première Guerre mondiale, il s'intéresse à la chimie industrielle et en 1920 c'est la naissance des "produits chimiques Gillet et fils" qui bientôt deviendront "Progil". Un nom que le monde entier connaît désormais. Combien d'ouvriers lyonnais sont passés par l'usine du quai de Serin depuis plus d'un siècle ! Lorsque le brouillard monte de la Saône, engloutissant le paysage, ses fenêtres alignées étaient autant de repères lumineux du travail des hommes. En 1977, son oeuvre terminée, elle disparaît. Ses murs gris s'écroulent sous le choc des démolisseurs. Ainsi le passé s'efface peu à peu, suivant la loi inexorable du progrès. Mais beaucoup de vieux Lyonnais garderont le souvenir de l'usine du quai Serin, l'usine Gillet.
historique Une époque se meurt... Les bulldozers ont défoncé le briquetage noirci des usines au bord de Saône. Trois hectares où la dynastie des Gillet avait bâti plus qu'un Empire : un mythe. Mythe de la fortune acquise au fil du temps grâce à un procédé secret de teinture au noir de Campèche. Mythe de la notoriété s'étalant au long des quais, jusqu'à lui donner son nom. Mythe du vieux bourg de Vaise, où trois cents familles vivaient sur la rive gauche de la Saône au rythme immuable des sonneries d'usine. En 1977, le 10 du quai de Serin ouvre sur un terrain vague coincé entre la montée Hoche et l'avenue de Birmingham. Seul subsiste encore la vieille demeure bourgeoise qui servait de siège administratif, mais qui sera démolie d'ici la fin de l'année, comme le reste. En 1975, tout a été transféré sur la zone industrielle de Genay-Neuville. Dans l'usine ultra moderne de Gillet-Thaon où deux cents ouvriers travaillent toujours la teinture. Mais les procédés ont changé. Et depuis plusieurs années, Gillet-Thaon traite les Tergal et la laine, le jersey et le polyester. Pour autant sur la terre meuble des quais et jusqu'à la montée des Esses, les trois hectares de l'ancienne usine vont donner vie à un autre quartier. Entre le passé et l'avenir, les plans sont tirés... En 1977, Félix Rollet, adjoint à l'urbanisme de la Ville de Lyon, expliquait : "Il s'agit essentiellement d'une affaire privée. Quand les établissements Gillet ont voulu vendre, le terrain a été classé plan masse sur le P.O.S. (plan d'occupation des sols). Effectivement, en contrepartie, le promoteur s'engage à rétrocéder gratuitement à la collectivité 500 mètres carrés supplémentaires de terrain pour la construction d'une école maternelle (autour de la place Serin) et la surface nécessaire pour l'élargissement à 12 mètres de la montée des Esses. Il s'engage aussi à construire un parking souterrain de 1320 mètres carrés, et une dalle en surface à proximité de l'école. Au total, l'école maternelle couvrira 3820 mètres carrés". La rénovation pourrait également entraîner l'élargissement du quai de Serin et l'amélioration de l'accès au pont Koenig. Sur les 34.000 mètres carrés de la zone, il s'agit donc de construire un véritable quartier neuf. Le permis de construire prévoit 47.500 mètres carrés de locaux d'habitations, 9000 mètres carrés de bureaux, plus une surface commerciale de 380 mètres carrés. En substance, un vaste ensemble résidentiel et tertiaire noyé dans la verdure. Cependant, les immeubles alterneront de 6 à 11 voire 15 étages, pour une hauteur pouvant atteindre 30 à 45 mètres. A mi-pente, le centre commercial fera fonction de "place du village", relié au quai et aux immeubles par des voies spacieuses... Dans l'ancien bourg devenue banlieue, c'est donc l'urbanisme qui a gagné. Et les trois hectares de l'ancienne usine Gillet ne seront plus que souvenir. Autant en emporte le temps...
note bibliographique "Entre le passé et l'avenir : ce que vont devenir les trois hectares des usines Gillet" / Michel Derenbourg in Le Journal Rhône-Alpes, 6 avril 1977. - "Gillet, symbole d'une dynastie" / Eddy Roos in Le Journal Rhône-Alpes, 6 avril 1977.

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