[Opéra national de Lyon (hors les murs). "Le Barbier de...

[Opéra national de Lyon (hors les murs). "Le Barbier de Seville", de Rossini (mise en scène : Jérôme Savary)]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0758 FIGRPT2371 09
technique1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 20 x 15 cm (épr.)
historiqueLe Barbier de Seville, de Rossini (mise en scène : Jérôme Savary). Production de l'Opéra national de Lyon (hors les murs) au Théâtre du 8e, Lyon 8e.
historiqueNos directeurs font bien les choses... Pour la reprise de l'inusable "Barbier de Séville" de Rossini, que l'Opéra de Lyon, en transhumance au Théâtre du Huitième, présente aux mélomanes, pour les fêtes de fin d'année, ils nous ont mitonné pas moins de trois distributions différentes. Une en français, deux en italien. Même si la première a déjà terminé son (bref) tour de piste, on a encore l'embarras du choix. Avec, chaque fois, Jérôme Savary comme compagnon de scène et, malheureusement, le même chef dans la fosse. En fait, l'intérêt de cette reprise, pas tout à fait comme les autres, se voulait ailleurs : il s'agissait de présenter le célèbrissime opera buffa de Rossini à la fois dans la version originale italienne et en traduction française. Juste retour des choses, si l'on se souvient que pendant plus de deux siècles, au Grand-Théâtre comme partout ailleurs dans l'Hexagone, l'oeuvre fut jouée avec un livret traduit. Toujours dans la traduction de Castil-Blaze, laquelle, à côté de petites modifications dans l'ordre des divers numéros de la partition, transformait l'opéra bouffe italien en opéra comique à la française, avec dialogues parlés. On aurait pu reprendre cette version, mais nos directeurs sont des gens compliqués, ils optèrent pour une nouvelle traduction du texte original de Sterbini. Franchement, on se demande bien pourquoi ! D'abord, parce que les différences sont minimes, ensuite parce que le bon vieux Castil-Blaze s'avère bien meilleur versificateur que l'anonyme traducteur moderne. Espérons que ce dernier touchera au moins de bonnes royalties pour son malheureux travail ! Il faut bien parler de la partie scénique... Encore qu'il n'y ait vraiment pas grand chose à en dire. Le décor de Serge Marzolf reprend la vieille idée mille fois utilisée au théâtre quand il faut alternativement représenter l'extérieur et l'intérieur d'une même maison : un dispositif tournant. Du moins, ici, avons-nous affaire à une sorte de grande maison de poupée s'ouvrant à deux battants, du plus bel effet. D'autant plus que les costumes de Jacques Schmidt et Emmanuel Peduzzi, implacablement figuratifs, sont aussi savoureux que colorés et les éclairages bien réglés. Quant à la mise en scène de Jérôme Savary, il y a encore moins à en dire. On a l'impression de l'avoir vue ailleurs... chez d'autres. Humour, rythme, gentilles trouvailles... Bref, rien qui ne fasse hurler au génie, mais un travail de bon aloi, jamais vulgaire, qui sert parfaitement la musique. C'est déjà beaucoup... On aimerait pouvoir en dire de même de la direction du jeune chef Ion Marin. Malheureusement, le maestro confond Rossini et Franz Lehar, "Le Barbier" et "Le Pays du Sourire", n'a qu'une idée très lointaine du rythme rossinien et ne tient en main ni l'orchestre, ni la scène. Un orchestre qui, trois fois de suite, a manqué de cohésion et d'homogénéité... et pas seulement du côté des cors. Passons ! Non sans avoir souligné cependant la belle prestation des choeurs (masculins) de l'Opéra de Lyon, dirigés par leur nouveau leader Donald Palumbo. En fait, le grand intérêt de ces représentations se situe finalement au niveau des distributions, lesquelles ménagent quelques divines surprises. La version française, confiée à de jeunes chanteurs, avait ouvert le ban, avec l'exquise Rosine de Brigitte Fournier, voix au timbre ravissant et à l'agilité de rêve. Avec l'excellent Almaviva de Jean-Luc Viala, aux aigus pleins d'aisance, avec le convaincant Bartholo de Pierre-Yves Le Maigat, fort bien entourés par Didier Henry (Figaro) et René Schirrer (Basile). La version italienne généralise le procédé... Seul "hic" : les (très) bons et les (nettement) moins bons se répartissent dans les deux distributions qui alternent d'un soir sur l'autre. Laquelle choisir, là est la question. Pas de problème avec le personnage du barbon Bartholo, uniquement interprété par le vétéran Gabriel Bacquier. Un vétéran en super forme, alliant vélocité et musicalité, le tout servi par une truculence haute en couleur. Pas de problème non plus, en fait, avec les deux Rosine : la première bat la seconde par KO. Jennifer Larmore est sans doute la première révélation de ce spectacle. Celle d'une voix ravissante, bien timbrée, musicale, agile et d'une actrice ravissante, campant une héroïne délicieusement mutine. On ne peut vraiment pas en dire autant de sa consoeur Cecilia Bartoli dont on nous parlait pourtant beaucoup. Avec elle, tout est dans la prunelle. Certes, la voix est large, bien timbrée, mais la ligne de chant, constamment heurtée par des effets véristes du plus mauvais goût, est dénuée de grâce. Sans parler d'une nette tendance à poitriner. Quant au jeu de scène... C'est vraiment "La Fille de Madame Angot" ! Bref, l'une peint Rosine selon Renoir, l'autre selon Daumier... Le cas des deux Almaviva est voisin. Ernesto Palacio a pour lui une technique et un style de chant collant bien au bel-canto, mais la voix est vieillie et le timbre, qui n'a jamais été de miel, vire maintenant au sulfurique. Sa sérénade, le soir de la première, s'écartait dangereusement de la justesse de ton. Laurence Dale trille peut-être moins souvent, mais le timbre est plus soyeux, les aigus nettement plus beaux et, au moins, avec lui, les passages de registres ne s'entendent pas. Dans le personnage de Basilio, Jean-Louis Courtis est éclatant de jeunesse et de sûreté vocale. Ce qui n'est pas le cas de Pierre Thau... Mais, à côté du séduisant Fiorello de René. Schirrer et de la savoureuse et dodue Berta de Monique Marscha, la seconde révélation du spectacle est sans nul doute l'éclatant Figaro d'Alexandre Agache. L'autorité vocale, la facilité, la présence scénique de ce jeune chanteur roumain méritent qu'on le suive de près. Voilà l'une des stars de demain. De son côté, François Le Roux retrouve avec bonheur le même personnage, qu'il interprète dans un style tout différent, mais ô combien séduisant. Figaro charmeur et malicieux, servi par une ligne de chant d'une souplesse de liane. Quel dommage que le papa Rossini, n'ait pas dévolu le rôle du barbier malin à des jumeaux, parce qu'avec ces deux là, on est comblé... Pour le reste, il faut choisir sa distribution. Et ici, le panachage est interdit. Source : "Barbier à la carte" / Gérard Corneloup in Lyon Figaro, 27 décembre 1988, p.23.
note bibliographique"Bacquier, de Don Juan à Bartholo" / Gérard Corneloup in Lyon Figaro, 22 décembre 1988.

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