[Quartier Saint-Georges. Place du bâtonnier Valansio]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0740 FIGRPTL0213 16
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 18 x 24 cm (épr.)
description A l'arrière plan, sur la gauche, l'église Saint-Georges.
historique Une échoppe qui ouvre, et voici les habitants de Saint-Georges tous d'accord pour célébrer les vertus de leur quartier renaissant. Le consensus cependant s'arrête très exactement aux étalages de mangues et de goldens que viennent d'oser deux pionniers de l'épicerie de proximité. Si, un peu plus loin, se profile une construction contemporaine, si s'ébauche l'éventualité d'un voisinage nouveau, les mêmes riverains se scindent en deux clans irréductibles, les anciens contre les modernes. Cette histoire, aussi vieille que la réhabilitation des quartiers anciens, agite une fois encore le Vieux-Lyon, côté sud cette fois. Une révision du secteur sauvegardé, un immeuble très chic et cher qui s'élève sur le quai Fulchiron, plusieurs enquêtes publiques sur le point de démarrer et c'est reparti : Saint-Georges s'interroge sur son identité. La crise immobilière qui fait passer au ralenti le grand film des projets urbains, dilate un peu plus le temps dans une enclave si particulière que jamais elle n'a suivi le rythme de toilettage de Saint-Jean. Pourtant, cette fois, les actions des rénovateurs ont atteint leur seuil de visibilité avec toutes les inquiétudes que cela peut susciter dans un quartier qui aimerait bien être réveillé sans être bousculé, sans que soit remise en question la sérénité, historique elle aussi, des lieux. Lorsqu'il achève de s'étirer le long de la Saône, le Vieux-Lyon ne ressemble plus à celui qui entoure la cathédrale. L'entité de 24 hectares et trois paroisses, telle qu'elle a été définie en 1964 par la Commission nationale des quartiers historiques, s'arrête net sur le parvis de Saint-Georges. Au-delà, en direction de la rue de la Quarantaine, le premier secteur sauvegardé de France se transforme en un périmètre de restauration immobilière où les Monuments historiques ont à se montrer moins sourcilleux alors que les avantages fiscaux concédés aux propriétaires restent les mêmes. Ainsi divisé, coincé plus qu'ailleurs entre la rivière et la colline, ce patrimoine de pierre supporte aussi le poids des images passées : quartier de la léproserie puis de la boucherie, Saint-Georges a accueilli les soyeux avant d'héberger les cheminots de Perrache suivis, il y a quelques années, par des familles d'origine nord-africaine vite dépassées par l'arrivée des cadres moyens franco-français et les artistes en mal de Croix-Rousse venus investir les rues pavées. Les sociologues parleraient de quartier composite, toujours en jachère, mais à l'abri des séismes sociaux majeurs. Pourtant, le pire n'est pas passé très loin et cela, c'est Régis Neyret qui le raconte. Le Docteur ès Patrimoine des quartiers de Lyon a eu à formuler ses premiers diagnostics et à mener ses premières batailles au pied des immeubles Renaissance alors que, dans les années soixante, on s'engageait droit vers une jolie catastrophe : "Pour les Parisiens, tout était simple, on refaisait le Marais, grands principes hygiénistes en tête on ramenait du jour, du soleil et sus aux traboules". Lyon qui sait donner du temps au temps a résisté et tenu jusqu'au plan adopté en 1985, dit plan Mortamet, du nom de l'architecte en chef des Monuments historiques qui, avec ses confrères des Bâtiments de France, veille au canevas général de l'endroit. De même, élus, architectes et techniciens lyonnais montent régulièrement à Paris pour défendre leurs points de vue au sein de la commission des quartiers historiques. Réunie il y a en mars 1993 à Paris, la commission en question vient de rendre son verdict : c'est d'accord. D'accord pour des programmes réclamés depuis si longtemps qu'ils sont depuis tombés en panne de financement. D'accord aussi pour le projet de la place Valansio, ce serpent de mer qui fait office de dragon pour Saint-Georges. Ainsi vont s'ouvrir deux enquêtes publiques et sera enfin entamée une opération de construction "essentielle, dit Régis Neyret, car on ne peut pas à la fois demander des commerçants qui restent et pas d'immeubles neufs, un quartier ne doit pas être figé dans son passé". Un passé d'ailleurs fort composite, où les XVe et XVIe siècles voisinent depuis longtemps avec des architectures postérieures. D'où la profession de foi de Catherine Grange : "Les quartiers anciens ont droit, aussi, à une architecture contemporaine". Cela posé, responsable de la Semirely (Société d'économie mixte de restauration du Vieux-Lyon) au sein de la Société d'équipement du Rhône et de Lyon, Catherine Grange travaille surtout à ce que soit préservée l'harmonie sociale en agissant immeuble par immeuble ; une reconversion ici, une réhabilitation là et toujours les mêmes réticences : "Saint-Georges n'a jamais été délaissé, mais Saint-Georges n'a jamais réagi comme Saint-Jean. Ici on découvre des propriétés en déshérence, des terrains déstructurés, les immeubles sont rarement vendus en totalité et il suffit qu'une seule famille résiste pour qu'on ne puisse pas réparer". Alors, dans ce périmètre aux qualités architecturales disparates, il faut trouver les moyens de faire démarrer la restauration, mettre en valeur des terrains oubliés, décider de ce qui n'est pas rénovable, mélanger logement social, logement conventionné et attirer quelques ménages à fort pouvoir d'achat. En trois mots : respecter l'esprit des lieux et le faire vivre. "Ce n'est pas à nous d'ouvrir une épicerie, mais quand il y en a une qui ouvre, cela signifie qu'on a fait ce qu'il fallait pour". Cette action sur le bâti se double d'initiatives concernant l'espace public, les rues, les places, les circulations et, dès le 1er juillet 1993, la fameuse piétonisation, ce vieux rêve : "Trois années de concertation, souligne Marie-Thérèse Geoffroy, maire du 5e arrondissement, trois années pour traiter de façon unique un quartier unique, pour faire des choix et faire comprendre que la piétonisation n'est jamais une recette miracle. Elle doit s'accompagner de la réouverture des accès vers la colline, de la redécouverte des chemins qui montent à travers les jardins sans pénaliser les activités présentes et à venir". Entre rivière et verdure, Saint-Georges a fait le choix de prospérer, à sa façon. Source : "L'esprit du lieu" / Sophie Bloch in Lyon Figaro, 21 avril 1993, p.1-2.
note à l'exemplaire Négatif(s) sous la cote : FIGRP06021.
note bibliographique "Les chantiers de saint-Georges" / S.B. [Sophie Bloch] in Lyon Figaro, 21 avril 1993, p.2.

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