[Campagne pour les élections présidentielles de 1988....

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0741 FIGRPTP0200F 06
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 20 x 15 cm (épr.)
description Visite d'une coopérative fruitière à Beauchastel (Ardèche).
historique Journée ardéchoise le 14 décembre pour le candidat aux présidentielles. Avec un impromptu : quinze minutes sur la morale et la politique. Le tout entre une visite chez un pâtissier et un petit tour chez les agriculteurs.
historique Qui l'eut cru ? Raymond Barre a croqué comme la pomme à Beauchastel (Ardèche), le 13 décembre 1987, tout près de Vernoux-en-Vivarais, dont le député-maire Jean-François Michel lui avait servi de guide pour son périple en terre ardéchoise. En visitant une coopérative fruitière, Raymond Barre a croqué un quartier de fruit, la Golden avait été épluchée, coupée et lavée automatiquement avant d'entrer en congélation. Car cette coopérative-là, créée depuis à peine un an, a compris tout l'intérêt économique des secteurs intermédiaires de l'agro-alimentaire et s'installe sur un marché nouveau qui est celui de la fourniture de fruits pour les pâtisseries industrielles. Visite d'entreprise, explications techniques, commentaires financiers et fiscaux, le député du Rhône a écouté les investissement, à tel point intéressés que plus personne n'osait l'interrompre... Du coup, il est arrivé le soir à Privas avec près d'une heure de retard. La journée avait commencé à Boulieu-les-Annonay par un gigantesque clin d'oeil puisqu'un pâtissier local avait créé, à l'intention de l'ancien Premier ministre, un énorme éléphant Babar en pâte d'amande. Raymond Barre a eu un regard pour l'animal, un sourire pour la foule. Seconde surprise : la table officielle était constellée de petits éléphants réalisés, eux aussi, en pâte d'amande mais en plus petit format... Gourmet, Barre a gobé le sien. Il venait de faire une entrée triomphale, accompagné par les applaudissements des quelque cinq cents jeunes et sur un fond musical qui rappelait à tous la grande soirée de Jean-Michel Jarre à Lyon, il y a un peu plus d'un an. A Boulieu-les-Annonay, Raymond Barre avait rendez-vous avec les jeunes de l'Ardèche et de nombreuses classes de terminale et classes de BTS des lycées voisins étaient venues écouter l'ancien Premier ministre. Le discours économique était aussi dur à digérer que le pâté en croûte et on a même failli connaître un début de dissipation. Le professeur Barre en a vu d'autres. Il a simplement demandé plus de discipline et répondu directement aux questions posées par les jeunes. "La crise de la politique, c'est malheureux et le rejet de la politique c'est dangereux, car la démocratie repose d'abord sur le débat et sur le dialogue... Pas d'illusions, mais pas de résignation non plus. L'emploi de demain sera tel que vous le ferez, notamment en prenant l'initiative de créer des entreprises"... Comment alors concilier morale et politique ? La question sent à plein nez l'épreuve de philosophie de terminale. Mais Barre ne se dérobe pas et, pendant quinze minutes, il emmène avec lui les étudiants goûter aux délices de Max Weber, qui distingue "l'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité". Jamais, il n'avait été aussi écouté sur une telle question. Il ajoute encore : "Il faut dire ce que l'on pense et accorder ce que l'on fait avec ce que l'on a dit. On ne peut pas raconter n'importe quoi pour gagner des voix et, le lendemain, faire le contraire...". Les étudiants avaient réussi à obtenir que l'heure de la sortie soit avancée, [le 14 décembre 1987], pour écouter Raymond Barre. Leurs professeurs d'histoire, de lettres, de philosophie, voire d'économie, pouvaient être rassurés : pendant ces trois heures-là ils n'ont pas perdu leur temps. D'autres encore n'ont pas perdu le leur, les producteurs laitiers de cette économie de montagne, que les quotas imposés par Bruxelles font trembler dans les étables. Un responsable syndical expliquait : "A ce train-là, on va vers la désertification de l'Ardèche, on verra réapparaître demain, dans notre département, les loups que nos ancêtres ont eu tant de mal à chasser...". Raymond Barre hoche la tête et rappelle : "La prime à la vache, c'était de mon temps, ne l'oubliez pas". Et d'expliquer aussi que les agriculteurs, à l'avenir, devront apprendre à faire plusieurs choses et développer aussi le tourisme rural. "Oh, je sais bien, les touristes viennent tous ici jouir de notre paysage", s'esclaffe l'un des agriculteurs présents. Raymond Barre répond du tac au tac : "Eh bien, faites-les jouir encore plus". En moins de deux heures, on venait de passer de la morale de Weber à la jouissance touristique... Tout un programme. Source : "Barre philosophe" / Jeanine Paloulian in Lyon Figaro, 15 décembre 1987, p.4.

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