[Paul Bocuse, "cuisinier du siècle"]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0759 FIGRPTP0548A 03
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 20 x 15 cm (épr.)
historique Parce qu'il s'amuse à jouer les parvenus, on le croit arrivé. Parce qu'il en rajoute dans le genre "m'as-tu-vu avec ma jolie toque et mon liseré tricolore ?", on ergote autour de ce maître coq vaniteux ou on lui vole dans les plumes, en pensant, vaniteusement, tordre le cou à sa légende. Parce qu'il pimente sa fameuse mégalo d'un soupçon de "machisme", certains rangent ce MOF (meilleur ouvrier de France) au rayon poussiéreux des BOF (beurre-oeufs-fromages). A court d'arguments, les mêmes vont jusqu'à le traiter de "beauf", comme ils taxaient naguère Coluche de "vul-ga-ri-té", et ils pensent avoir tout dit. Sa célébrité planétaire, qui, d'Osaka à Los Angeles, permet seule de situer sur le planisphère la "capitale mondiale de la gastronomie", serait donc un accident de l'histoire-géo, sa gloire, un soufflé, sa renommée, une imposture ? Un peu court. Mauvaise foi pour mauvaise foi, lui, sérieux comme un lord, vous assène d'emblée : "Quand on pense avoir réussi, c'est déjà qu'on a loupé." Derrière la nébuleuse sentence, une façon roublarde d'annoncer que cette recette-là - "comment être star" - il n'est pas prêt de la confier. La connaît-il lui-même ? S'il a sûrement une vague idée des ingrédients qui lui ont permis de faire prendre la sauce bocusienne, il est assez lucide pour savoir que l'essentiel est dans le tour de main, le coup de louche, l'instinct, le "pif". Au fourneau comme au moulin (à vent) de la communication. Titillez-le encore un peu sur son ego - ce portrait en pied qui trône partout, des cimaises aux fonds des assiettes, des porte-serviettes aux menus - et il vous lâchera, sans fausse pudeur: "Eh oui, maintenant, mon nom et ma fiole sont indispensables pour vendre du Bocuse, la clientèle les réclame." L'affaire est entendue. Faut-il en faire un plat ? Au demeurant, ce piédestal pompeux et un tantinet pompier, Paul-Ier-imperaror, "primat des gueules" et "grand mamamouchi du frichti", ne s'y juche que pour la photo. Surtout lorsqu'il s'agit de faire la "une" de Time, Life, Vogue, Newsweek ou Der Spiegel. Mais, avec le temps, la frime semble lui peser, la pose l'indisposer. Ainsi, vous pensiez le "surprendre" en costume d'apparat, figé dans une posture altière sur fond de batterie rutilante, vous le trouvez à l'office, sa salle à manger privée, surchargée de bimbeloterie, en chemise à carreaux, attablé devant une tomme de Savoie arrosée de Vichy et s'engueulant au téléphone avec le représentant d'une compagnie aérienne. S'il officie "plus souvent qu'on ne pense mais moins souvent qu'[il] ne dit", Bocuse a conservé le rythme des chefs : lever à six heures, déjeuner à onze et dîner à dix-huit. Histoire d'avoir le temps de se "déguiser" pour la représentation. Au menu du jour : sa vie. "Quelle farce !", ponctue-t-il pour conforter sa nouvelle image de sage, philosophant dans la soie... Source : "Paul Bocuse, braconnier de la gloire" [extrait] / Robert Belleret in Les acteurs de la région Rhône-Alpes, 1991 [BM Lyon, 00 B ACT].
note bibliographique "Un coq sur l'épaule ou une coccinelle à la naissance du sein" / Elisabeth Cossalter in Lyon Figaro, 7 mars 1987, p.8-9.

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