[Procès Klaus Barbie : Lucien Margaine, témoin du...

[Procès Klaus Barbie : Lucien Margaine, témoin du ministère public]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0759 FIGRPTP0259 02
technique1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 20 x 15 cm (épr.)
historiqueLe procès de Nikolaus dit Klaus Barbie s'est déroulé du 11 mai au 4 juillet 1987 devant la Cour d'Assises du département du Rhône, au Palais de Justice de Lyon. C'était la première fois en France que l'on jugeait un homme accusé de crime contre l'humanité. Les charges retenues contre Barbie concernaient trois faits distincts : la rafle opérée à Lyon le 9 février 1943 à l'Union Générale des Israélites de France (UGIF), rue Sainte-Catherine ; la rafle d'Izieu du 6 avril 1944 ; la déportation de plus de 600 personnes dans le dernier convoi parti le 11 août 1944 de Lyon à destination des camps de la mort. Au terme de huit semaines d'audience, Klaus Barbie est condamné le 4 juillet 1987 à la réclusion criminelle à perpétuité. Il décède le 25 septembre 1991 à la Prison Saint-Joseph à Lyon.
historiqueCôté à côte, ils avaient combattu l'occupant allemand, dans les rangs de l'armée secrète. Côte à côte, ils étaient dans le prétoire pour apporter leur témoignage. Pourtant, plus de quarante ans après ce triste jour de mai 1944 où ils avaient été arrêtés ensemble près de Lons-le-Saunier, Lucien Margaine et Mario Blardone se revoyaient pour la première fois... Condition première de l'action clandestine, le fait de ne connaitre des membres de son propre réseau que le strict nécessaire au travail collectlf avait pour conséquence évidente l'ignorance totale des noms de famille des camarades de combat. Pour Lucien Margaine, Mario Blardone n'était que "Maurico", ce dernier ne connaissant son ami que sous le pseudonyme de "Lulu Thierry". Torturés par Barbie, puis déportés, les deux résistants ont survécu à l'enfer des camps. A la Libération, chacun a repris le cours de son existence... Vivant dans une région différente, ils ignoraient l'un comme l'autre quel sort leur avait respectivement été réservé. Le 2 mai 1944, pour Maurice et Lulu, le destin avait le casque, la mitraillette et la plaque de poitrine d'un feldgendarme, posté sur une route du Jura... Lucien Margaine, alias "Lulu Thierry" occupait alors un poste-clé dans la résistance régionale. Ce jour-là, Mario Blardone était au volant de la "traction" qui les emmenait à Lons-le-Saunier. Ils n'y arrivèrent jamais. Arrêtés les armes à la main, les deux camarades connaissaient la règle du jeu : pour eux, c'était le peloton d'exécution. Conduits séparément au siège de la gestapo à Lyon, ils ne surent jamais que leurs bourreaux avaient préféré leur appliquer le sinistre décret "Nacht und Nebel", véritable passeport pour le pays de la mort lente. Ils revinrent pourtant, sans jamais savoir ce que l'autre était devenu. Les 25 et 26 mai 1987, Lucien Margaine et Mario Blardone se sont succédé à la barre où ils ont l'un et l'autre démontré que souvenir et fidélité n'étaient pas pour eux de vains mots. Ce ne sont certes pas l'oubli ou l'indifférence qui ont empêche ces deux hommes de se retrouver plus tôt mais tout simplement l'ignorance. L'ignorance de leurs patronymes et de leurs régions d'origine. Mario Blardone vivait prés de Chambéry, Lucien Margaine résidant pour sa part non loin de la capitale... Néanmoins, ils ont déclaré tous deux qu'ils savaient que l'autre était vivant. Aucun d'eux n'a cependant engagé les moindres recherches, par un étrange sentiment de pudeur, propre à bien des résistants... Un sentiment bien loin de cette pseudo-fraternité des casernes que mettent volontiers en avant certains, dont les seuls "faits d'armes" se limitent à la reddition sans conditions de quelques canettes de bière... Lucien Margaine et Mario Blardone, deux amis, deux héros, dont les témoignages ont également provoqué la réaction du Procureur Général Truche, demandant au Président Cerdini la comparution effective de Barbie. Klaus Barbie qui, en fin d'après-midi, a dû enfin affronter le regard de "Maurice" et de "Lulu'. Confrontés, quarante ans plus tard à celui qui fut leur bourreau, celui qui les avait écrasé de sa morgue et de sa toute puissance, Lucien Margaine et Mario Blardone n'ont vu en face d'eux qu'un être "veule et médiocre". Néanmoins, tous deux l'ont formellement identifié, "à son regard d'oiseau de proie et son rictus sardonique..." A la fin de cette longue journée d'audience, les deux hommes affichaient pourtant la même satisfaction, le même soulagement. Lucien Margaine avouait cependant : "Ce fut un choc de le voir... c'est l'être le plus quelconque que l'on puisse imaginer..." Quand à Mario Slardone, il n'était guère surpris par le mutisme de Barbie : "Je m'y attendais, c'est un lâche..." Maurice et Lulu, unis une fois encore pour souhaiter que l'on ne se trompe pas de procès : "C'est du nazisme dont il est question". Source : "Maurice a retrouvé Lulu" / J.J.B. in Lyon Matin, 27 mai 1987, p.3.
note bibliographique"La dernière torture de Barbie : le silence" / Chantal Meyze in La Croix, 28-29 mai 1987.

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