[La Cour des Voraces après réhabilitation]
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localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0740 FIGRPTL0246 01
technique1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 18 x 24 cm (épr.)
historiqueEscaliers et sol de la Cour des Voraces sont inscrits aux Monuments historiques par arrêté du 28 août 1990.
historique"Je n'y croyais pas. Quand on m'a dit il y a quatre ans que l'immeuble allait être réhabilité de l'extérieur comme de l'intérieur, j'étais perplexe. Quant au résultat, il est au-delà de mes espérances. J'ai emménagé dans un appartement au sixième étage, duquel j'aperçois toute la Presqu'île et le Rhône". Suzanne Declas est la doyenne de la cour des Voraces. Elle y habite depuis l'âge de 2 ans. Sa mère était tisseuse. Elle connaissait tous les petits commerçants ou employés qui logeaient au 14 bis de la montée Saint-Sébastien. Et elle a appris à vivre avec ses nouveaux voisins immigrés. "Mon voisin a essayé de m'enseigner le Coran", se rappelle-t-elle. L'ancienne caissière du théâtre des Célestins apprécie maintenant d'avoir un ascenseur, des portes (classées) repeintes en bleu signalant l'entrée des appartements, et une façade blanchie. Les cinquante-cinq appartements, du studio au F5, ont été entièrement refaits. Suzanne Declas a déjà oublié les trois ans de poussière, les déménagements successifs des locataires dans des appartements relais et le bruit, désagréments incontournables de toute réhabilitation. Erigée dans les premières. années du XIXe siècle, la cour des Voraces, plus connue autrefois sous le nom de maison de la République, avait perdu de sa superbe. Malgré son aspect robuste, son monumental escalier et sa traboule historique, qui a permis à de nombreux résistants d'échapper aux Allemands, l'immeuble prenait des allures de colosse aux pieds d'argile. Sa dernière réhabilitation datait du début du XXe siècle. Ses murs attaqués par la pollution avaient la couleur de la suie et l'escalier menaçait ruine. Le propriétaire, la Fondation Richard, s'occupant de handicapés, n'avait pas les moyens d'entretenir ce bâtiment typique de l'architecture croix-roussienne. Elle l'a donc vendu à Habitat et Humanisme, dont le projet de rénovation a été soutenu par la municipalité et l'ensemble des collectivités locales. Le coût de l'opération est de 27 millions de francs, acquisition comprise. L'association du père Devert, fondée à Lyon le 31 janvier 1985, compte 1200 adhérents et a pour but de maintenir des foyers modestes dans le centre-ville. A cette fin, une société anonyme et un fonds commun de placement ont été créés. Une centaine de bénévoles s'occupent d'accompagnement social et cinquante-deux salariés spécialistes de l'immobilier, des mécanismes juridiques et financiers y travaillent. A ce jour [en 1994], Habitat et Humanisme est propriétaire de 176 logements. Grâce, notamment, à la générosité des Lyonnais. Pour la Cour des voraces, les dons se sont élevés à 5 millions de francs. "Ils ont considéré que l'immeuble faisait partie de leur patrimoine", commente le père Devert. Le prêtre logeur, attaché au catholicisme social dont Lyon est le berceau, est maintenant présent dans quatorze villes de France dont Paris. Avec toujours le même objectif : "Créer un logement qui ne marque pas la pauvreté, qui ne la souligne pas. Il ne faut pas aller plus loin dans le logement social, mais au contraire créer une politique sociale du logement". D'ici à la fin 1994, Habitat et humanisme aura logé huit cents familles. L'acquisition et la réhabilitation de la cour des Voraces est une opération symbolique. "C'est un projet unique, atypique, qui a demandé beaucoup de temps. Par moment, on s'est dit que c'était de la folie", se rappelle le père du projet. La Cour des voraces peut être présentée maintenant fièrement comme un exemple. En rachetant l'un des plus beaux immeubles de cet ancien quartier ouvrier, Habitat et Humanisme a freiné le départ inexorable d'une population immigrée et défavorisée. Les opérations de rénovation sur l'ensemble des Pentes chassaient, en effet, les anciens locataires qui ne pouvaient payer un loyer revu à la hausse après les travaux, Ici, l'augmentation a été modérée, permettant ainsi à tous ceux qui le désiraient de rester dans les lieux. Avant le début des travaux, une longue période a été consacrée à l'écoute de la population. "Il a fallu gagner leur confiance. Ils étaient persuadés qu'il leur faudrait partir", se souvient le père Devert. Le chantier a commencé par la réfection de la toiture puis des parties communes et du grenier. Les entreprises se sont ensuite attaquées à la construction d'une cage d'ascenseur. La réhabilitation des 55 logements a donné lieu à un ballet de déménagements provisoires, ce qui ne s'est pas déroulé sans difficultés. "Il y a eu des tensions", dit avec franchise le père Devert qui connaît désormais tous les locataires... La rénovation de l'escalier a coûté, à elle seule, 4 millions de francs. Un échafaudage a été érigé afin de soutenir la structure, qui menaçait de s'effondrer d'ici trois ou quatre ans. L'escalier a été poncé, consolidé, et plusieurs pièces ont été changées. La cour des Voraces représentait un double pari de réhabilitation sans exclusion et un enjeu financier. Le projet n'a finalement connu qu'un dépassement de 3%. Les visites guidées de l'office du tourisme n'ont jamais cessé pendant la durée des travaux. Mais les promeneurs peuvent désormais contempler la Cour des Voraces dans toute sa splendeur. Les échafaudages ayant disparu, la traboule devrait être illuminée pour le 8 décembre et l'inauguration officielle devrait suivre... Source : "Une réhabilitation exemplaire" / Agnès Benoist in Lyon Figaro, 22 septembre 1994, p.1-2.
note à l'exemplaireNégatif(s) sous la cote : FIGRP06960.
note bibliographiqueBase Mérimée (réf. PA00118107).