[Roger Pestourie, ancien Résistant]

droits Creative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisation Bibliothèque municipale de Lyon
technique 1 photographie numérique : couleur
historique Roger Pestourie, lunettes sur le bout du nez, l'oeil en embuscade, frappe du revers de la main une lettre de 1941 rédigée à l'encre violette. L'écriture, soignée et serrée, est féminine. On y lit le "vide" de la jeunesse, dit-il. Et s'exclame : "voilà le terreau de la Résistance!". Vivre c'est agir, conclut sa jeune correspondante, une étudiante. "L'élan, c'était parler et écrire, enchaîne Roger Pestourie du haut de son accent paysan à couper au couteau. Les premières armes, c'était les mots. Les mitraillettes sont arrivées bien après, pour protéger nos gars qui allaient distribuer des tracts". Roger Pestourie est né dans le Lot, le 16 mai 1920. Vingt-trois ans plus tard, Jean Moulin, par l'intermédiaire de Georges Marrane, futur ministre de la IVe République, lui demandera de "préparer les conditions de l'unification des jeunesses résistantes pour toute la zone Sud". C'est ainsi que cet enfant rebelle du socialisme chrétien quitte, le 13 mars 1943, sa région natale, ses boeufs et sa grand-mère éplorée. Il arrive à Lyon, "la grande ville" dont il déplore aujourd'hui qu'"elle a peut-être moins résisté que les autres". Rapidement traqué par la Gestapo, il est condamné à mort par contumace par le tribunal militaire allemand de la rue Berthelot. Qu'à cela ne tienne : il a une mission. "C'était extraordinaire. Je devais unir des gens de tous bords", se remémémore-t-il. Et puis il y a les images effroyables, qui ne s'effacent pas. "A la gare de Perrache, les Allemands déculottaient les gens pour voir s'ils étaient circoncis. C'était horrible". Roger Pestourie n'a jamais rencontré "Max", ce qui ne l'empêche pas d'en parler avec cette affabilité volubile qui le caractérise. Il devait le faire, pourtant, tout était prévu, à l'automne 1943, une fois sa mission menée à son terme. Mais entre-temps, le héraut de la Résistance devait tomber dans les filets de Klaus Barbie à Caluire. Roger Pestourie a érigé l'indiscipline en principe moral. "Je crois que c'est mon indépendance qui a intéressé Jean Moulin", relate-t-il aujourd'hui depuis sa petite demeure brondillante où il reçoit chaleureusement un 18 juin. Le petit homme au regard bourré de malice se livre sans fard. Il parle, ne fait que ça : une mémoire en béton, l'Histoire à portée de main. "Très rapidement, dans les jours qui ont suivi l'arrestation de Jean Moulin, on savait qu'il avait été trahi", raconte ce témoin privilégié des années mortes. La trahison, il en est sûr. Mais réfute vivement les accusations selon lesquelles certains responsables du mouvement Combat auraient fomenté cette tragique virgule de la Seconde Guerre mondiale. "Je crois que c'était plus une maladresse plus qu'autre chose. Penser le contraire, ce serait offenser toute la Résistance". Roger Pestourie s'arrête, bifurque dans sa tête et repart à cent à l'heure. "Pendant la guerre, c'était l'absolu. C'était blanc ou noir et rien d'autre. La nuance nous tuait", reprend cet insoumis du communisme, ajoutant que "Hardy, oui, a été perverti par cet engrenage". Soixante ans après l'arrestation du "chef de l'armée des ombres", Roger Pestourie explique qu'"au Panthéon, ce n'est pas Jean Moulin que l'on a fait entrer mais toute la Résistance. C'était la reconnaissance de tout ce que nous avons fait". De ces années de clandestinité, il garde un souvenir vivace, impossible à inhumer. C'est pour cette raison qu'il collectionne à en perdre haleine tous les documents d'époque, anonymes compris. "C'est un militant ouvrier, un passionné d'histoire profondément marqué par les responsabilités qui ont éte les siennes pendant la guerre", dit à son sujet l'historien lyonnais et ami Maurice Moissonier. "On a fait un vrai travail de gangsters pour avoir de l'argent. Il fallait, par exemple, piquer des tickets de rationnement dans les mairies pour les revendre après au marché noir...", explique Pestourie. La question, pour lui, était : "Que faire quand on est éclaboussé par le pétainisme?", explique le vieil homme magnifique dont l'éducation politique s'est faite sur les genoux du grand-père adorateur de Jaurès. Puis vinrent les années trente, le Front populaire et la Guerre d'Espagne. Les premières révoltes. "J'étais sûr de tout. On voulait vivre vite. On voulait faire l'amour vite", se rappelle celui qui osa, un jour adolescent, chanter l'Internationale à tue-tête devant sa fière maman. Il en rit encore. Source : "Roger Pestourie, 83 ans, le Max des jeunesses lyonnaises" / Fabrice Arfi in Lyon Figaro, 20 juin 2003, p.5.
note bibliographique La Résistance : c'était cela aussi / Roger Pestourie, 1969 [CHRD, HR421 PES]. - Du Quercy à la Guille : itinéraire dans la Résistance / Roger Pestourie, 1994 [BM Lyon, K 96636].

Retour