[Quartier de l'Industrie. La Halle de la Navigation]

droits Creative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisation Bibliothèque municipale de Lyon
technique 1 photographie numérique : couleur
historique Alors que le 20 février 2002 se mettaient en place les premiers engins de démolition de la Halle de la Navigation, le Comité d'intérêt local de Vaise (CIL) espérait encore. A l'aménageur et démolisseur du site qu'est la SERL et qui se propose de faire place nette avant que la Çegid prenne possession des lieux, le CIL a expressément demandé de faire appel à un architecte des Bâtiments de France. Il serait en effet pour le moins judicieux que les Monuments historiques puissent s'exprimer sur ce qui est le dernier témoin architecturai d'une industrie qui fut florissante à Lyon : la construction fluviale. Certes, l'endroit n'a jamais bénéficié de protection patrimoniale mais, puisque le Plan d'occupation des sols garantissant jusqu'alors le maintien de la Halle est aujourd'hui inefficace, les services d'Etat sont bien les derniers interlocuteurs vers lesquels le CIL peut se tourner. Efficacité de la manoeuvre ? Probablement proche du néant. Depuis qu'un pilier de la Halle s'est effondré sur lui-même et a entraîné la chute d'une partie de la charpente, le SERL et ses experts se refusent à envisager une réhabilitation. Seule la démolition est à l'ordre des jours à venir, avec arrivée prochaine des engins lourds qui vont permettre de dégager le terrain. L'amiante, très présente au coeur de la charpente, sera de même traitée en bloc et dégagée après écroulement total du bâtiment. Telle est la technique adoptée et les craintes des riverains, angoissés à l'idée d'un nuage d'amiante venant plomber leur quartier, ne seraient pas fondées promettent les techniciens de la SERL : la démolition se déroulant sous aspersion constante... En marge de ces dispositions pratiques, le fait est que le choeur des défenseurs habituels du patrimoine lyonnais est aujourd'hui parfaitement silencieux. Certains ont écrit des lettres de soutien moral à la présidente du CIL, d'autres doivent être en vacances. Tous ceux qui ont milité pour le "plus jamais ça", plus jamais de démolitions intempestives, plus jamais d'atteintes au patrimoine sous l'ère de Gérard Collomb, semblent oublieux de leurs promesses. Il n'y a guère que Michel Laferrère, professeur émérite à l'université Jean-Moulin Lyon III, à avoir fait part de ses travaux et de sa connaissance du site. Dans une note de synthèse, il a précisé la valeur historique du bâtiment. "La Halle de la Navigation, écrit-il, est le dernier témoin architectural d'une industrie lyonnaise quelque peu oubliée, la construction fluviale, qui a pourtant prospéré pendant près d'un siècle et demi, non sans difficultés il est vrai. Elle était organisée en "chantiers" installés sur les rives du Rhône et de la Saône, pour répondre aux commandes des compagnies lyonnaises de navigation à vapeur qui ont proliféré à partir de 1824 (...). Parmi les "chantiers" aménagés près de la Gare d'eau de Vaise, celui du quai de l'Industrie (...) devient le plus important après 1886 sous l'impulsion de deux ingénieurs de valeur, Jean Bonnet et Joannès Spazin. Ils édifient la Halle dite de la Navigation en 1893 au plus tard, un peu plus tôt probablement". Michel Laferrère rappelle ensuite les proportions monumentales d'un bâtiment qui a toute sa raison d'être dans une ville devenue tête de ligne du réseau unifié des voies navigables dans le cadre du Plan Freycinet de 1878. Entre 1860 et 1906, l'Universitaire comptabilise quatre cent quatre-vingts bateaux construits à Lyon, remorqueurs, chalands et toueurs conçus pour le franchissement des rapides du Rhône. Dragues, excavateurs à vapeur, bateaux-mouches... tout ceci a donné sa première raison d'être au quartier de l'Industrie qui s'est reconverti ensuite avant que d'être laminé par des crises successives. "La construction fluviale et la fabrication du matériel de chemin de fer, conclut le professeur Laferrère, ont contribué dès le premier quart du XIXe à faire de Lyon, ville textile, un centre important de métallurgie et de mécanique qui a pu accueillir par la suite les industries de l'électricité et de l'automobile, éléments essentiels de l'économie actuelle. A ce titre, le souvenir des "chantiers navals" lyonnais devrait être rappelé comme un bel exemple de continuité industrielle assurée par des milliers de salariés, et aussi comme le gage de la vocation fluviale du Sud-Est de la France". On ne saurait mieux dire. Source : "Ce que fut la Halle de la Navigation" / Sophie Bloch in Lyon Figaro, 21 février 2002, p.5.
note bibliographique "Touché, coulée : la Halle de la Navigation" / Sophie Bloch in Lyon Figaro, 20 février 2002, p.1 et 3.

Retour