[Festival Jazz à Vienne (2000). La Nuit du Brésil]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon
technique 1 photographie numérique : couleur
historique Le rythme dans la peau et une sacrée circulation sanguine... Pour sa Nuit du Brésil, Vienne rassemblait dans son enceinte romaine toutes les conditions sine qua non pour faire de cette soirée, aux couleurs épicées, une fête de danse, de bonne humeur et de musique. Il y avait d'abord un public. Et quel public ! Venue en masse, la communauté brésilienne a brillé par son étincelante joie de vivre, sur l'atrium du théâtre antique. Quelques drapeaux renfermant, entre ses bordures de jaune et de vert, une planète bleue étoilée, flottaient fièrement dans le ciel viennois. Sous le poids d'une chaleur moite, lourde, asphyxiante, les premières notes de Sol Da Libertade, de la sulfureuse Daniela Mercury, réveilla, d'un coup d'un seul, la flamme festive que le parterre de spectateurs avait un mal certain à contenir depuis quelques minutes. Les bras tendus désespérément vers la nouvelle égérie d'une musique brésilienne ballottée entre tradition et commercial, quelques fans irréductibles frisaient sensiblement l'hystérie, entamant en choeur, et de coeur, les refrains d'un produit musical qu'ils connaissent sur le bout... des hanches. Transpiration, premiers mouvements de corps... discrets, encore. Cachez ce rythme que je ne saurais voir. Dans une petite robe de mousseline aux couleurs douces d'un rose bonbon, Daniela Mercury laissait entrevoir ses qualités de show-woman intangible. L'oeil rieur, le sourire radieux à chaque fin de couplet, la petite princesse de Bahia, accompagnée de deux danseurs, suggère en quelques coups de paillettes et de strass toute la sensualité et la puissance envoûtante que l'on aime prêter au Brésil. Gestuelle exagérée pour un public en folie. Dans la fosse, chacun y va de sa chorégraphie. Très tape-à-l'oeil, le spectacle ne fascine pas par ses compétences musicales (certains musiciens sont quelque peu hésitants) mais bien par une facilité à pousser le pékin du coin au déambulement fiévreux. Daniela évoque la tradition, Mercury s'occupe des ambitions, des places dans les charts, du commercialement correct. A la pause, le public devient un spectacle à lui tout seul. La foule au centre de l'hémicycle forme soudainement un cercle, laissant place à une dizaine de danseurs de capoeira exultant leurs corps, bâtis dans le roc, sur fond de chants populaires. Les spectateurs, béats d'admiration devant cette fougue juvénile, s'enflamment un à un. Une tension qui ne descendra pas avec l'arrivée, certes un peu tardive, de la troupe Pernambuco em Canto - le Pernambouc étant la première région colonisée par les Portugais. Composé de quelques-unes des figures charismatiques de la musique brésilienne, dont Nana Vasconcelos et Elba Romalho, le groupe impose le respect et le silence. Avant que la machine à danser que constitue le public ne reprenne ses déhanchements fiévreux, Nana Vasconcelos, légende vivante de la percussion latine, propose un moment de pur mysticisme. Profond. Tapotant, pinçant, effleurant le bérimbau, son instrument de prédilection (un espèce d'arc sonore), l'homme à la figure émaciée, creusée, dispense sur la scène viennoise toute la connaissance sonore, la musicalité d'un Brésil lointain. Vienne retrouve de la pureté. Imitation du vacarme de la jungle, voix rauque, grave, ou aigüe et stridente, l'enfant de Recife se lance dans un ensorcellement, dans lequel la foule se love sans retenue. La suite, elle est logique, les rythmes repartent, la samba, la bossa, les percussions, la danse, la chaleur sont de retour. Jusqu'à l'appointement sur scène d'Elba Ramalho, d'une beauté mature et puissante. Vêtue d'habits traditionnels en lambeaux colorés de rouge, de bleu et de jaune, coiffée d'un imposant chapeau bariolé, la blonde à la peau mate célèbre son pays en quelques mélodies traditionnelles, mais également la France, avec la reprise d'une Vie en Rose d'Edith Piaf. Même la Jamaïque a droit à son hommage aux sons d'un Woman No Cry (Bob Marley), entamé en duo avec Dianela Mercury. Un Brésil pour tous. Acclamations... Certains doivent encore danser. Source : "Bahia la belle" / Fabrice Arfi in Lyon Figaro, 8 juillet 2000, p.49.

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