[Benjamin Biolay, chanteur-compositeur]

[Benjamin Biolay, chanteur-compositeur]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon
technique1 photographie numérique : couleur
descriptionAdresse de prise de vue : Grand Café des Négociants (terrasse), 1, place Francisque-Régaud, Lyon 2e.
historique"Mon moteur, ça n'a jamais été d'être célèbre", glisse dans un murmure de pudeur Benjamin Biolay, assis à la terrasse d'un prestigieux café de la Presqu'Ile. "Moi, je veux faire des belles chansons". Pour tout dire, l'un n'empêche pas l'autre. C'est justement ce que ce ténébreux Villefranchois de vingt-huit ans, résident parisien, baigné de Scott Fitzgerald, est en train de démontrer avec Rose Kennedy, premier album paru chez Virgin. Sorti le 22 mai [2001], la belle ouvrage dénote un art de la mélancolie en demi-teinte et de l'effacement qui nous avait déjà conquis à l'écoute de "La biographie de Luka Philipsen" de la douce et fluette Keren Ann, de la confortable "Chambre avec vue" de Henri Salvador et du vertigineux "Grand Huit" du Lyonnais Hubert Mounier, dont on n'a plus besoin de rappeler qu'il était le Cleet Boris néo-zazou de L'Affaire Louis Trio. A vrai dire, c'est un peu normal si l'on retrouve une ambiance calfeutrée commune aux trois réalisations, toutes ayant un jour trouvé grâce au contact de Benjamin Biolay et pour lesquelles il a brillamment assumé le rôle d'auteur, de compositeur ou de réalisateur. Ou les trois. Homme de l'ombre émérite, plume qui donne des ailes, Benjamin Biolay s'est offert avec les treize compositions de Rose Kennedy la meilleure raison pour avancer à visage découvert, après avoir été "le grand oublié de l'année écoulée". Né en 1963 [sic : 1973], alors que Serge Gainsbourg sortait son magnifique "Vu de l'Extérieur" et Françoise Hardy représentait la principauté de Monaco à l'Eurovision, Benjamin Biolay a, dans sa jeunesse, éprouvé suffisamment d'expériences composites pour savoir où se trouve le juste milieu esthétique qui lui sied désormais si bien. A l'adolescence, il hululait "je me roule dans la fange" avec son groupe Haute Résolution Sadique, qu'il a fondé avec un cousin. "J'ai retrouvé des bandes y a pas longtemps. A part la voix qui était abominable, il y avait une certaine maîtrise de la forme musicale". Moins lofi et contestataire que HRS, l'Union musicale de Villefranche-sur-Saône aura été une étape initiatique d'importance pour le jeune Biolay, déjà praticien du violon et du tuba, futur virtuose du trombone. "La fanfare, c'était une manière de rentrer dans le monde des adultes", explique le garçon aux cheveux de jais et au regard charbonneux qui a finalement peaufiné son apprentissage de la partition sur les bancs du Conservatoire de Lyon, après que le tubiste Christian Delange lui a dégoté une bourse. Malgré ses nombreuses sanctions pour indiscipline, il en ressort avec les honneurs. C'est à cette époque que Benjamin rencontre Hubert Mounier. Ils se lient d'amitié, écument ensemble les gargotes de la Croix-Rousse et les fonds de bouteilles. Tout récemment rencontré (toujours dans le même café), à l'occasion de la sortie de son premier album solo, Hubert Mounier nous confiait la profonde admiration qu'il cultive pour Benjamin Biolay, lequel dit partager avec le premier "une haine de l'humanité". Les albums des deux artistes sonnent d'une même vérité. Une nouvelle chanson française, croisement de Gainsbourg et Hardy, serait-elle en train de naître ? Pour Rose Kennedy, album concept s'il en est, Benjamin Biolay a remonté l'histoire de la tragédie "shakespearienne(TM) qui a frappé la dynastie irlandaise des Kennedy. "Je les trouve tellement glamour par rapport à De Gaulle". Sur cette "toile de fond parfaite", Benjamin Biolay jette les couleurs en clair-obscur, les nuances impressionnistes et l'évanescence symphonique qui font de Rose Kennedy une perle discographique de l'année en cours. Le disque s'ouvre avec l'automnal "Novembre toute l'année", comme pour nous donner le climat - orageux, pluvieux - d'un album qui déroule une trame où la voix murmurante, "close to the mic" comme on dit, du chanteur est souveraine, où le spleen est roi. Certains titres sont entrecoupés de samples exhumant les voix de Marylin Monroe et Tony Curtis, conférant le cachet nostalgique d'un album que l'on jurerait intemporel. Depuis "L'Observatoire", l'auteur livre une vue poétique imprenable : "Dans les cèdres / Il y a le temps qui nous précède / Il y a le printemps qui décède / Il y a du fado et du Phèdre". Benjamin Biolay se fend même d'un swing inspiré ("Les Cerfs volants"), précédant une nonchalante "Mélodie du bonheur", gratouillée par Henri Salvador lui-même. Que du bon, on l'aura compris. Ceci expliquant pourquoi l'album devrait vivre prochainement une sortie américaine, anglaise et canadienne. Les projets ne manquent pas. Alors qu'il est en passe d'achever un premier roman, Benjamin Biolay nous annonce qu'il devrait passer sur une scène lyonnaise à l'automne, accompagné de douze musiciens. En juillet, il attaque la réalisation du second album de Keren Ann. Va écrire pour Françoise Hardy... Si c'est pas être célèbre ça.
note bibliographiqueRose Kennedy [Disque compact] / Benjamin Biolay, 2001 [BM Lyon, D 58379].

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